PUJOL - KLUDGE (2014)

Un état d'esprit ...
Pujol, c’est plus ou moins un groupe, tant le dénommé Daniel Pujol y tient une place primordiale (compositeur et multi-instrumentiste). Comme son nom ne l’indique pas, Daniel Pujol vient de Nashville, Tennessee. Et non, il ne donne pas dans la country. Son truc, ce serait plutôt … plein de choses en fait, essentiellement des vieilleries ripolinées aux couleurs du temps. D’ailleurs, il a sorti dans le temps  un (quoi d’autre) 45T vinyle sur le label Third Man, celui du Monsieur Loyal de la ville, le sieur Jack White himself.
Ce « Kludge », il paraîtrait qu’il a été enregistré la nuit, dans un centre de prévention et de soins pour jeunes candidats au suicide, avec du matos plus ou moins hors d’usage refilé par des associations caritatives. Il semblerait aussi que Pujol et sa troupe n’aient pas été soignés-résidents de ce centre. Une anecdote peut-être, mais qui traduit bien une nouvelle forme de « do it yourself ». Un cheminement très punk, davantage par l’esprit qu’au sens 1977 du terme.
Daniel Pujol, un pneu garage ...
« Kludge » n’a rien à voir avec Clash, Pistols, Ramones (quoique, parfois), ou Television. Pujol donne plutôt dans une sorte de power-pop, genre musical ayant connu son apogée vers 1978-80, ce qui ne nous éloigne guère de 77, on en conviendra. Cette attitude à l’arrache, démerde, de SDF musical se ressent. Il y a dans ce « Kludge » un aspect lo-fi indéniable, tout ce vieux matos étant assez imprévisible, fonctionnant correctement quand il en avait envie, et comme cette troupe dépenaillée n’avait pas les moyens de s’éterniser, plein de pains, d’approximations et autres bugs ont été conservés. Même si cet aspect lo-fi n’est valable que pour l’aspect technique, la tendance globale du skeud étant plutôt à la luxuriance instrumentale, quitte à flirter parfois dangereusement avec le syndrome Arcade Fire – Of Montreal.
Bon, de ces disques estampillés « Système D », j’en ai des wagons chez moi. A d’infimes exceptions près (j’en ai pas là des masses qui me viennent à l’esprit, tiens si, Jonathan Richman ou Young Marble Giants, … et s’il m’en arrive d’autres, je vous dirai), un disque vite fait est forcément quelque part un disque cafouilleux,  qui laisse sur sa faim et un furieux goût d’inachevé. « Kludge » n’échappe pas à la règle. Y’a du potentiel, du « background », du « vécu », mais aussi du j’m’enfoutisme flagrant peut-être à propos et marrant pour ceux qui le font, mais bon, quand t’écoutes ça peinard chez toi, ça le fait beaucoup moins.
Pujol live
Des exemples ? OK … « Dark haired suitor » et « Spooky scary », ça fait un peu Bob Dylan imité par un ventriloque, si vous voyez ce que je veux dire … Quoi que le type qui chante (Pujol ?) a une voix encore plus pénible, quelque part autant crispante et « difficile » que celle de Kevin Coyne qui passe mieux dans le registre hystérique que dans le registre conteur. Et cette volonté à vouloir coller au plus près à de vieux totems (en moins bien) est plutôt en défaveur de Pujol, on a l’impression d’avoir affaire à des versions du pauvre des Pixies (« Manufactures ») ou de Hüsker Dü (le dernier titre « caché »).
Finalement, ces types-là je les trouve meilleurs quand ils se lâchent dans des choses crétines et premier degré (« Pitch black » le punk tendance bubblegum ?), « Small world » avec son gimmick d’orgue Bontempi pas entendu depuis au moins Charlie Oleg) que quand ils se la jouent « sérieux ». Pas la peine qu’ils chiadent leur power-pop déclinée un peu à toutes les sauces, de toutes façons ils se retrouveront à la fin à brailler devant trois punks à chien sur un tapis de gros riffs hardos (le titre live « Post grad » où on entend réellement les clebs des punks aboyer, à tel point que je me demande si c’est pas un fake total).

Au final, un (des ?) talent(s) certain(s) pour un disque sans prétention. Corollaire, un disque pas vraiment indispensable …