Zebda, c’est le groupe du coin qui s’est retrouvé
célébré à l’échelle du pays. Tout çà grâce (ou à cause) d’un titre festif
« Tomber la chemise », devenu point de passage obligé de toutes les
soirées beauf. Assez paradoxal. Tellement même que Zebda dans cette affaire y a
laissé la sienne de chemise.
Zebda, c’est le groupe formé autour de potes d’un
même quartier populaire toulousain, qui vient déjà de loin quand paraît
« Essence ordinaire ». Repéré en ayant détourné et brocardé une
réflexion malheureuse (pléonasme) de Chirac. « Le bruit et l’odeur »
avait fait un petit hit dans le milieu des années 90. Et valu à ses auteurs une
réputation de groupe festif et engagé. Entretenue avec toute la faconde de
l’accent du Sud-Ouest par les trois chanteurs et porte-paroles du groupe, Magyd
Cherfi et les frères Amokrane.
Zebda sera musicalement classé quelque part entre
IAM (pour l’accent et la dérision) et les Négresses Vertes (pour le côté
melting pot festif), le groupe tissant dans ses titres tout un entrelacs de
sons et de rythmes venant du rap, du reggae, du rock, de la musique
« world » ou folklorique ibérique, maghrébine, d’Europe centrale ou
du Proche-Orient. Une mixture sinon inédite, du moins originale, et une
notoriété tout de même assez confidentielle.
Une notoriété qui va devenir quelque peu démesurée
avec « Essence ordinaire » (comprendre « d’extraction
populaire ») et sa locomotive « Tomber la chemise ». Dans la
lignée, on entendra beaucoup aussi « Y’a pas d’arrangement » ou
« Oualalaradime », construits sur les mêmes rythmes festifs,
entraînants et humoristiques. Sauf que l’humour de Zebda est à prendre plutôt
au second degré et a atténué l’essentiel d’un propos qui sans être sinistre,
est beaucoup plus réaliste. Et que le disque se partage entre chansons
« joyeuses » et ambiances beaucoup plus lentes et tristes. Des titres
comme « Tombé des nues » (les rêves brisés des gosses), « Je
crois que ça va pas être possible » (sur le racisme au quotidien),
« Quinze ans » (l’âge ou tout peut basculer dans les cités),
« Le manouche » (la solidarité entre « étrangers »), tant
musicalement que par le propos, valent bien les « hits ».
Le cœur du discours de Zebda (musicalement, faut
être honnête, ça casse pas vraiment des briques, et ça ressemble beaucoup aux
Négresses Vertes, en forçant encore un plus sur le trait world), c’est en gros
l’intégration. La plupart des textes font allusions aux problèmes et brimades
subis au quotidien quand on vient d’un quartier populaire, et qu’on a le teint
un peu basané. La dénonciation énervée est facile, et ça peut rapporter aussi
gros, l’immense majorité des rappeurs l’a démontré, NTM en tête. Les Zebda ne
vont pas aussi loin dans le discours, mais ouvrent les portes à une attitude
« positive », « participative ». Motivés. Pour réussir à
s’intégrer. Ou comme la bannière politico-associative dans laquelle le groupe
s’impliquera lors des municipales de Toulouse en 2001 pour s’opposer à la
dynastie des Baudis qui dirigent la ville depuis des décennies.
Un engagement qui coûtera cher à Zebda. Les sept
membres du groupe ne s’impliqueront pas tous sur Toulouse, ou le feront à des
degrés divers (Cherfi, sentant le piège de l’embrigadement et de la récup
politique sera le seul sur la liste aux municipales, et pas en position
éligible). On verra le groupe, profitant d’une soudaine et inattendue
popularité (« Essence ordinaire » dépassera le million de ventes),
s’investir dans beaucoup de causes plutôt bonnes, on les verra beaucoup aux
côtés des alter mondialistes, des écolos et d’un José Bové alors en pleine
croisade anti-OGM-malbouffe-MacDo … Plusieurs monteront des projets annexes.
La suite, parce qu’il faudra en donner une, viendra
quatre ans plus tard (« Utopie d’occase ») et, selon la formule
scélérate, « ne trouvera pas son public ». Le groupe disparaîtra de
la circulation, certains membres le quitteront définitivement, avant une
récente tentative de come-back elle aussi à peu près ignorée… Il faut croire
que par ici, il est difficile de mélanger préoccupations sociales et succès
populaires. Zebda l’a appris à ses dépens …