PATTI SMITH GROUP - EASTER (1978)


La résurrection ...

« Easter » est le troisième disque de Patti Smith qui revient déjà de loin … et déjà du funeste « Radio Ethiopia », successeur indigne du fantastique « Horses ». « Easter » est un disque accessible, bien que le terme soit à manier avec précaution dès lors qu’il s’agit de la Smith. Entendez par là qu’il vaut mieux laisser de côté l’aspect prêchi-prêcha mystique suggéré par le titre du disque, le morceau du même nom, ou le texte de « Privilege » adapté d’un psaume. Je zappe aussi le côté poétesse pour adulescents toujours mis en avant (une photo de Rimbaud le jour sa communion dans le livret) parce que Rimbaud me gave et que j’ai toujours préféré Baudelaire, et surtout parce que moi ce qui me plaît, c’est le rock, et que quand tu commences à le fourrer avec des références trop savantes, tu fais des daubes …
Musicalement, « Easter », ça déménage, c’est rock, urbain, sale et velu. Comme les aisselles de la Patti sur la photo de pochette, (et comme certaines photos des débuts de PJ Harvey, son évidente fille naturelle) qui montre clairement la différence entre une femme et un objet en quadrichromie sur un magazine de mode. Patti Smith n’est pas belle, elle est juste vivante, et avec son historique Group, elle envoie le bois. Faut dire qu’elle a pas mal d’amis sur qui compter. Ses ex, Robert Mapplethorpe pour les photos du livret (celle de la cover est d’une autre pointure new-yorkaise, Lynn Goldsmith) ou Allen Lanier (du Blue Oyster Cult, dont Patti Smith a très bien connu plusieurs membres, et pour lequel elle a écrit des textes) ; mais aussi des amis, comme Tom Verlaine (Televison) crédité aux arrangements sur un titre, ou un certain Bruce Frederick Springsteen, co-auteur du légendaire « Because the night ».
« Because the night », un des meilleurs titres de leurs deux répertoires (pièce essentielle des concerts du Boss), immense classique des seventies américaines et qui pratiquement à lui seul justifierait la possession de ce « Easter ». Coup de bol, c’est pas toujours le cas dans la disco de la Smith, le reste est à l’avenant. Avec d’autres titres forts de la grand-mère de tous les punks new-yorkais. « Rock’n’roll Nigga », est un titre enragé contre l’exclusion et peut aussi passer pour un manifeste féministe, « Till Victory » débute le disque façon hymne pour stades (« Easter » est un disque « signifiant » voire intello, mais qui fonctionne superbement au premier degré musical, assez rare pour être souligné), « Privilege » sonne musicalement méchant comme du BOC, « We three » est une ballade déglinguée qui devrait ravir tous les fans de Stones en général et de Keith Richards en particulier, « 25th floor » c’est juste du classic-rock américain, ce qui est déjà pas mal, « Space monkey » est un rhythm’n’blues lourd et moite, … Patti Smith plonge dans le passé pour réhabiliter la culture indienne (« Ghost dance », prière musicale basée sur une danse traditionnelle), rajoute juste un de ces titres déclamatoires pas toujours très heureux dont elle se délecte (ici « High on rebellion », c’est supportable), et conclut le disque par « Easter », ballade-berceuse et poésie rimbaldienne mise en musique, ouais, bof …
« Easter » tout comme « Horses » est un disque charnière, pas tant pour le rock en général (même s’il est très bon), mais plus encore pour l’image et le rôle de la femme dans cette musique extrêmement machiste et misogyne. L’influence de Patti Smith, ici débarrassée d’à peu près tous ses oripeaux arty qui peuvent rebuter, se cantonnant à du rock en prise avec son temps, sera déterminant pour l’émergence et la reconnaissance de tous les talents féminins apparus durant la vague punk ...

De la même sur ce blog :
Radio Ethiopia