Short Cuts ...
«Away we go » est un film low cost (et à empreinte carbone minimale, on y reviendra) de Sam Mendes. Qui pour son précédent film, le superbe « Les noces rebelles » a fait en plus un gros score commercial. Qui de plus réunissait Winslet et DiCaprio, le mythique couple de « Titanic » (en fait c’était pas très compliqué pour Mendes, Winslet et DiCaprio étaient potes, et Winslet était sa femme). Et le film que Mendes a réalisé après « Away we go » c’est rien de moins que « Skyfall », le meilleur et le plus rentable de toute la série des James Bond.
Krasinski, Rudolph & Mendes |
Autant être clair, « Away we go » n’a les
qualités ni de son prédécesseur, ni de son successeur. C’est une sorte de récréation,
vite tourné (cinq semaines), petit budget, durée syndicale minimum (une heure
et demie). Un peu logiquement, pas de nom de star qui clignote fort en haut du
générique. Les deux rôles principaux sont tenus par des troisièmes couteaux,
John Krasinski (des seconds rôles dans des films le plus souvent passés inaperçus)
et Maya Rudolph (une des vedettes du show télé « Saturday night live », quelques
apparitions sur grand écran, et pour l’état-civil fille de la soulwoman Minnie
Ripperton, mais pas quelqu’un susceptible de drainer les foules sur son nom au
générique).
« Away we go », c’est un peu un road-movie. Ou plutôt un plane-movie, on part du Wisconsin, on va dans l’Arizona, retour au Wisconsin, puis Montreal, Miami et retour à la case départ. « Away we go », c’est aussi un film choral. Pas exactement au sens strict du terme, car il y a les deux acteurs principaux dans toutes les scènes, mais à chaque étape sont introduits de nouveaux personnages qu’on ne reverra plus dans les étapes suivantes.
Le début du film nous montre Burt et Verona sur le
point d’être parents (la scène d’introduction, un cunnilingus sous la couette
et les dialogues qui en résultent, mérite une citation dans les grandes scènes
d’humour obscène). C’est un couple bobo, enfin plus bohème que bourgeois (ils
vivent dans un mobil home). Lui vend des contrats d’assurance, elle on sait pas
et on s’en fout. Ils veulent bien être parents, mais n’ont pas envie de se
faire bouffer la vie par le marmot. Ça tombe bien, les parents de Burt habitent
dans le patelin à côté, et ils se feront un plaisir de garder le môme. Sauf que
quand ils vont les solliciter, les vieux leur annoncent qu’ils partent voyager
deux ans en Belgique.
Cette première scène avec deux couples introduit parfaitement ce qui va suivre dans le film. Des rencontres et des confrontations d’univers. Avec lors de la rencontre de Burt avec ses parents, un clin d’œil darwiniste amusant. Les deux sont totalement différents (le père bourgeois vieille école, le fils baba avec une nette prédilection pour de ridicules bermudas ou pantalons, à rayures et quadrillages bleus et noirs), mais se coiffent pareil, sont barbus et à lunettes, et au cours de la discussion ont les mêmes tics (ils ajustent la monture de leurs lunettes et se frottent les yeux) en même temps.
Chez les new age ... |
Dès lors devant la « fuite » des parents,
la recherche de famille ou d’amis qu’ils n’ont pas vus depuis longtemps pouvant
aider Burt et Verona à s’occuper de leur gosse va virer à l’obsession. Première
visitée : une amie de Verona, totalement disjonctée, destroy et alcoolo, mariée
à un beauf à bière(s), un gosse limite autiste, et une gamine limite obèse. Un enchaînement
de scènes magnifiquement drôles et pathétiques à la fois. Evidemment, s’installer
à portée de ces gens-là n’est pas une bonne idée. Seront ensuite approchées la sœur
le Verona, une ancienne copine de Burt, enseignante en fac mais qui suit des
règles de vie très new age avec son compagnon, gourou militant. Le clash avec
ceux-là sera forcément retentissant. De vieux potes québécois de Verona (qui adoptent
compulsivement des gosses, elle a des tendances exhibo, lui est addict à des
théories sociales absconses et au sirop d’érable) ne donnent pas plus envie de
vivre à proximité. Dernier recours, le frangin de Burt à Miami, mais très
mauvais timing, il vient de se faire larguer et à beaucoup de mal avec son fils.
L’épilogue est prévisible, c’est pas très loin de
leur mobil home, dans la maison d’enfance de Verona, grande bâtisse ancienne dans
un cadre bucolique, qu’ils trouveront l’endroit idéal pour fonder leur foyer et
s’occuper de leur enfant.
Bon, je spoile pas vraiment, parce que la conclusion n’est pas le but du film. « Away we go » nous montre, dans le cadre d’une comédie douce-amère, tous ces gens broyés par l’american way of life, qu’ils en soient de parfaits représentants où qu’ils veuillent s’en écarter, ce grand pays un peu dingue les rend dingues à leur tour. C’est finalement le couple Burt – Verona, pourtant deux adulescents ayant du mal à s’assumer dans leur rôle de bientôt parents, capables des pires blagues de potaches, qui font figure au milieu de leur famille et de leurs connaissances de gens sérieux et responsables.
Janney & Rudolph |
Le film renvoie bien évidemment au classique choral « Short
cuts » de Robert Altman, à travers ces portraits et ses tranches de vie d’une
Amérique pas forcément de carte postale. « Away we go » est un film
plaisant, bien écrit (certains dialogues sont vraiment savoureux, à l’image de
la scène d’ouverture), mais il a les qualités de ses défauts. La distribution
manque de caractère et d’expérience, et on se dit souvent qu’avec des acteurs de
comédie vraiment confirmés, beaucoup de scènes seraient bien bonifiées. Seule à
mon sens Allison Janney (depuis oscarisée) dans le petit rôle de l’amie
déjantée de Phoenix livre une performance vraiment hilarante, voire même burlesque.
D’autres compositions de ce niveau auraient vraiment tiré le film vers le haut …
Un mot sur l’aspect « éco-responsable » du
film. Ça part peut-être de bons et sincères sentiments, d’utiliser au maximum
des matériaux recyclables, de soigner la propreté et le nettoyage des plateaux
de tournage (une « consultante » a même été embauchée par la
production pour surveiller tout çà), mais comment dire il est assez paradoxal
qu’un film qui a sans cesse recours aux voyages en avion dans tous les coins du
continent nord-américain soit « vendu » comme écolo. D’autant plus que
les rares intervenants dans les maigres bonus sont pas très clairs, on arrive pas
à comprendre (enfin moi j’y suis pas arrivé) si tout le film a été tourné dans
le Wisconsin, ou bien dans les lieux cités à l’écran, ce qui du coup ferait pas
un extraordinaire bilan carbone … Un peu comme dans tous les discours écolos,
beaucoup dans la posture et la rhétorique, et ensuite pas grand-chose dans les
faits …
Film sympa mais mineur, surtout venant de Mendes …
Du même sur ce blog :