JAMES GRAY - LA NUIT NOUS APPARTIENT (2007)

 

Because the night ...

… belong to lovers … Tout commence bien dans le film. Par la vision d’un bout de téton d’Eva Mendes en train de se faire peloter par Joaquim Phoenix … Ca donne envie de voir la suite hein, on a connu pire comme première scène. Elle, c’est Amada, bomba latina d’origine portoricaine. Lui, c’est Robert, un gérant d’une boîte de nuit new-yorkaise qui tourne bien. Le proprio, c’est un grand-père russe qui vit peinard au milieu d’une partie de sa famille, et est très sympa avec son gérant …

Mendes, Gray & Phoenix

Robert, il se fait appeler Robert Green. Parce qu’il a un nom de famille difficile à porter. Celui de son père, chef de la police new-yorkaise (impeccable, comme toujours serait-on tenté de dire, Robert Duvall), qui va prendre sa retraite. Son successeur tout désigné est son autre fils, aux états de service irréprochables (Mark Wahlberg). Robert déteste les flics (il tire sur les joints, ne crache pas sur un petit rail de coke), les rapports avec son frangin et son père sont exécrables. La situation ne va pas s’arranger quand ils l’avertissent qu’un Russe, Vadim, client assidu de sa boîte est soupçonné d’être un des plus gros dealers et importateurs de came de New York. Il se trouve que c’est aussi le neveu du vieux proprio … Robert envoie balader père et frère, et refuse de coopérer avec eux, il est très bien avec le proprio, et veut le faire investir dans une autre boîte qu’il gérerait aussi …

Le frangin organise une descente de police dans la boîte, fait interpeller de façon musclée Robert et Vadim contre lequel il ne trouve rien de probant … sauf qu’il faut pas trop chatouiller la mafia russe, le flic prodigue va l’apprendre durement à ses dépens, et se ramasser une balle dans la tête (il s’en sort miraculeusement après des mois d’hosto). Dès lors la situation devient cornélienne pour Robert : renouer les liens familiaux et coopérer avec sa famille de flics, ou laisser courir et même basculer du côté du dealer russe.

Wahlberg & Duvall

Tout ça, c’est en gros la première demi-heure du film. Et c’est un bon début. Parce qu’il y a de sacrés bons acteurs (le quatuor Phoenix, Mendes, Wahlberg, Duvall), et derrière la caméra un type qui tient la route, James Gray. Etrangement sous-estimé aux Etats-Unis, où il est classé plutôt cinéma d’auteur ou indépendant. Il a du mal à trouver des financements, tourne donc peu (un film tous les six-sept ans), bien qu’il réunisse autour de ses projets des acteurs bankables à qui il fait appel régulièrement, créant une sorte de Gray family dont les piliers sont Phoenix et Wahlberg. Et les histoires de famille compliquées seront souvent au cœur de son œuvre.

« La nuit nous appartient » (« We own the night » en V.O.), est le troisième film de Gray, après « The Yards » et « Little Odessa ». C’est son premier succès public notable (hormis comme d’hab aux States) et la critique, un chouia moins enthousiaste que le public, est plutôt bonne…

Gestes barrière COVID ? Non, labo de coke ...

« La nuit nous appartient » n’est pas un mauvais film. C’est pas une masterpiece non plus … trop de choses dans le scénario ne sont guère crédibles, et Gray a un peu trop recours à tous les poncifs du « polar contemporain ». Les poursuites en bagnole, les gunfights, ne sont pas les points forts du film (c’est linéaire et assez prévisible). Le méchant Vadim, hormis dans une scène dans le labo de drogue, qui est censé être un tueur sans scrupule, est plutôt bien naïf et ne fout pas les jetons (on est très très loin d’un Daniel Day-Lewis dans « Gangs of New York », d’un Nicholson dans « Les Infiltrés », d’un Javier Bardem dans « No country for the old man », pour citer trois films assez voisins par le scénario). Ensuite, ce drame familial avec dilemmes, fautes, pardons, rédemptions, n’atteint pas les sommets émotionnels qu’il est censé viser. Malgré les nombreux face-à-face entre les protagonistes principaux, seule une scène de tensions et d’engueulades entre Eva Mendes et Joaquim Phoenix est à la hauteur des combats intérieurs qui agitent les personnages.

« La nuit nous appartient » est quand même un bon polar. Mais qui laisse un peu sur sa faim (le face à face final au milieu de roseaux enfumés est quand même bien foiré). Les meilleures scènes sont finalement celles qui sont tournées en boîte de nuit (de bonnes scènes de foule, des angles de prise de vue intéressants et parfois originaux) et qui bénéficient en plus d’une bande-son irréprochable (Blondie, Clash, Specials, Bowie, … et même une séquence live de Coati Mundi, le clown exubérant et quasi alter ego d’August Darnell dans Kid Creole).

Gray fera par la suite partie du décor du Festival de Cannes, ses films seront toujours bien accueillis (« Two lovers », « The Immigrant », « The lost city of Z », « Ad Astra »), mais sans jamais vraiment déclencher l’enthousiasme (toujours un peu trop de quelque chose et pas assez d’autre chose …).

D’un autre côté, a-t-il vraiment envie de tourner des blockbusters ?