« So » fait partie de ces disques élevés au
pinacle par plein de gugusses pour plein de raisons qu’ils croient bonnes.
1- Parce
que Peter Gabriel a fait partie de Genesis.
2- Parce
qu’il en est parti.
3- Parce
que « So » est un disque des années 80.
4- Parce
que « So » en fout plein les oreilles.
5- Parce
qu’il s’en est vendu des camions, et que si les gens l’ont acheté, c’est que
forcément il est bien.
Tout ça fait certes d’excellents arguments de
comptoir. Mais 25 ans après les faits, ça fait quoi d’écouter « So »,
mis à part de se sentir un peu vieux (et donc forcément con) ? Ben
« So » il a aussi pris un coup de vieux. Le genre de disques très lié
(trop ?) à une époque, un contexte …
L’époque, le milieu des années 80, la décennie du
fric roi. Les chefs comptables et les directeurs marketing prennent le pouvoir
dans les maisons de disques, un nouveau support (le Cd) arrive, des médias et
leurs outils de promotion à la solde des majors (les chaînes musicales et les
vidéo-clips) font aussi leur apparition, tous les records de chiffres de vente
explosent (boostés par le phénomène Michael Jackson). Signé sur une major
(Virgin), un capital notoriété certain, Peter Gabriel a tout du profil du
winner potentiel.
Le contexte dans le monde de ceux qui font des
disques, est bizarrement, au milieu de ce raz-de-marée planétaire de billets
verts, de donner dans l’humanitaire. Commencent à se mettre en place toutes ces
entreprises charitables se traduisant par des mega-festivals censés rendre
notre monde meilleur (on a vu le résultat). Là aussi, Gabriel est au cœur du
cyclone. Il vient de prendre sa carte à Amnesty International, sera de tous les
concerts pour toutes les bonnes causes, fondera le WOMAD, son label-studio
baba-cool alter-tiers-mondiste Real World, … Plus « concerné » que
lui, tu peux pas … Peter Gabriel, c’est le centriste qui dérangera personne,
qui remettra rien en cause s’il réussit. A un détail près, faut quand même sinon
un bon disque, au minimum un disque bien dans l’air du temps. « So »
sera ce disque, qui fera passer le Gab d’artiste « branché » à
triomphateur grand public.
« So » n’est pas indigne, d’ailleurs les
fans du bonhomme sont à peu près d’accord pour dire que c’est son meilleur.
Sur « So », « ça joue ». Plein
de types connus, généralement requins de studio renommés (dont, cocoricouac,
Manu Katché on the drums), des potes de Gabriel très célèbres venus faire une pige (Jim Kerr des
très successful Simple Minds, Kate Bush, la branchaga Laurie Anderson, et un
Youssou N’Dour qui va commencer à beaucoup faire parler de lui). Sur
« So », « y’a de la chanson ». Genre celle qui finit en
haut des hit-parades. Deux y arriveront. « Sledgehammer », rhythm’n’blues
rigide et assez mauvais, avec vrais cuivres qui sonnent faux et des chœurs
braillards (avec notamment PP Arnold, il se refuse rien, le salopiaud).
« Don’t give up », ballade sophistiquée mais un peu vaine dans
laquelle vient se perdre Kate Bush pourtant à cette époque au sommet de son art
(mais qu’est-ce que t’es allée foutre dans cette galère, Kate ?). Ces deux
titres appuyés par des clips qui tourneront en heavy rotation marqueront leur
temps.
Les vraies pépites de ce disque sont à chercher
ailleurs. Du côté de « Mercy Street », où là il se passe quelque
chose, ce doit être ce qu’on appelle du feeling, de l’émotion… Ou encore sur
« We do what we’re told », le morceau le moins convenu, très
expérimental, onirique, avec des batteries comme aquatiques.
Le reste ? De la chanson épique correcte mais
sans plus (« Red rain », « In your eyes ») qui va chasser
sur les terres de U2 et Simple Minds, une autre bouse disco-funk-rhythm’n’blues
(« Big time »), un « difficile » mais intéressant
« That voice again », et un titre bonus sans intérêt (« This is
the picture …» avec Laurie Anderson) absent du vinyle original et qui
occasionne un chamboulement mal venu du tracklisting sur le Cd, tellement il
sonne comme une chute du précédent opus du Gab ( le « IV » ou
« Security », comme on veut).
Comme d’hab chez le Gab, gros travail sur les
structures rythmiques des titres, tellement compliquées que si t’en causes à
Ringo Starr, il retourne au bar en courant, et une production assez atypique
(très clinquante, brillante, technique en avant) du quasi débutant Daniel
Lanois qui se spécialisera par la suite dans des sons plus naturels, boisés et
chaleureux, en contrepoint des machines, ambiances et bruitages de Brian Eno en
compagnie duquel il produira U2… Et puis, faut pas oublier de le souligner,
tellement il y en a des quelconques derrière un micro, Peter Gabriel est un
chanteur qui chante bien, très bien même …
« So », je l’ai apprécié en son temps. De
toutes façons, absolument tous ceux ceux qui étaient payés pour nous informer
de l’actu zique disaient qu’il n’y avait rien de mieux. Ce qui évidemment est
totalement faux, on n’arrête pas de « redécouvrir » (trop tard pour
leurs auteurs), de bons disques de cette époque passés sous silence…
« So » est à ranger à côté des disques de Sting, Dire Straits, et
tous ces centristes des 80’s …
Du même sur ce blog :
Peter Gabriel I
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