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TODD RUNDGREN - SOMETHING / ANYTHING (1972)


Tout seul ... comme un grand

Depuis le temps, on l’a quelque peu oublié, Rundgren, même s’il compte encore des bataillons de fans fidèles. Mais au début des seventies, il avait fait fort, avec ce disque et son suivant (« A wizard, a true star »), souvent considérés comme les pièces maîtresses d’une discographie hétéroclite et longue comme un jour de trader sans plus-values.

Justement, Rundgren se traîne une sale réputation de type près de ses sous, plus prompt à parler pognon et bizness que musique, distant et arrogant, ce qui lui vaut une certaine forme d’ostracisme de la part des médias spécialisés, peu séduits par le bonhomme. Un peu comme Prince, qui l’a souvent cité, et partage avec lui certains traits de caractère désagréables …

Todd Rundgren 1973
Rundgren a débuté avec Nazz, groupe quelque peu anecdotique de rock garage, réhabilité avec d’autres par Lenny Kaye sur sa compilation « Nuggets », avant de démarrer une carrière en solo au début des années 70. Ce « Something / Anything » est une œuvre considérable. A l’origine double 33 T plus ou moins conceptuel (chaque face vinyle est censée représenter un thème), à la durée démesurée (une heure et demie), c’est aussi pour l’essentiel (les trois premières faces) un disque où tout est écrit, joué, arrangé et produit par le seul Rundgren. Qui rejoint pour l’occasion des gens comme Stevie Wonder ou Paul McCartney, adeptes de ce genre d’exercice solitaire.

Il faut être fan au dernier degré pour prétendre que tout est bon dans ce pavé. Qui souffre de tous les défauts inhérents à ce genre de mausolées égocentriques, l’auto complaisance qui empêche de trier le superflu de l’essentiel, et les lacunes techniques pour certains instruments qui finissent par devenir trop voyantes (ici les parties de batterie, réduites à leur plus simpliste expression). Mais la balance est largement favorable, et Rundgren se révèle un auteur inspiré et un musicien doué (avec notamment de superbes parties de guitare sur la première face du second disque). Et personnellement, je n’échangerais pas ce « Something / Anything » contre les deux premiers McCartney. Un McCartney dont l’influence et l’ombre mélodique planent sur pas mal de titres, à commencer par le hit introductif « I saw the light », mais également des choses comme « Saving grace », « Marlene », « Cold morning light »,… Et comme le Paulo de Liverpool, Rundgren sombre quelquefois dans la mièvrerie (« It wouldn’t have … » comme du Chicago de la fin des 70’s).

Il y a aussi de la ballade à tendance soul classico-pompière qui ravira les amateurs de Procol Harum, « Sweeter memories », « Torch song », « Dust in the wind », cette dernière n’ayant que le titre de commun avec la scie sirupeuse de Kansas, … quelque titre qu’on croirait sorti d’un bastringue rétro (« The night the carousel … »), un hommage au rythm’n’blues de la fin des 50’s (« Wolfman Jack », référence au légendaire DJ blanc dont Lucas fera un des personnages centraux de son « American graffiti » l’année suivante), un hommage également (enfin rien qu’au titre je suppose) à Hendrix (« Litle red lights ») sur lequel le Todd se multiplie à la guitare. Car Rundgren, souvent présenté à tort comme un musicien « à machines » est un excellent guitariste, qui n’hésite pas à envoyer le bois grave sur le hard blues « Black Maria », sortir bien avant l’invention du terme des titres de power pop (« Couldn’t I just tell you »), et attendre quasiment la fin du disque pour placer son titre le plus connu, la somptueuse ballade « Hello it’s me ».
Alors certes sur cette somme il y a parfois l’impression de redites et une poignée de titres guère marquants, mais on aimerait trouver autant de qualité d’écriture chez les prétendus génies actuels (au hasard, le quelconque Sufjan Stevens) qu’il y en a sur ce disque.

Assez étrangement, « Something / Anything », disque pourtant très « anglais » par bien des aspects, sera un best seller à peu près sans lendemain aux Etats-Unis seulement.



PERE UBU - DUB HOUSING (1978)


 Mondo Bizarro

Ce « Dub housing » est le second volet de la doublette de référence de Pere Ubu, paru quelques mois après leur célébrissime (sourires narquois dans l’assistance) « Modern dance ». Avec lequel il partage une réalisation a minima (quelques jours en studio avec un budget famélique) et cette apparence surréaliste et novatrice, la surprise en moins. On pourrait aussi le qualifier de plus accessible, avec des titres mieux construits (entendre par là qu’on peut déceler des structures couplets-refrains à peu près mémorisables). Rien cependant qui puisse attirer le « grand public », Pere Ubu restant synonyme d’avant-garde, « compliqué », « branché », quelquefois qualifié de post-punk (alors que quand ce disque est paru le punk battait son plein), ou de post-rock (ce qui ne veut rien dire) …

Même leurs photos filent mal au casque ...
Des morceaux étranges, plutôt bruitistes et expérimentaux, il en reste encore : le morceau-titre « Dub housing », « Thriller » (rien avoir avec Michou Jackson évidemment, plutôt un collage genre « Revolution n° 9 » de Lennon, c’est dire s’il n’est pas le meilleur du Cd), « Blow Daddy-O » …

Malgré l’étrangeté sonore souvent déconcertante, ce qui fait la liaison chez Pere Ubu, c’est la voix de David Thomas, poussée par son quintal et quelque vers les aigus les plus affolants. Immédiatement reconnaissable, et beaucoup plus « placée », beaucoup moins hystérique et saccadée que sur « Modern dance ». Dès lors, entre efforts d’écriture et modulation vocale, les titres sont beaucoup plus abordables … « Navvy », c’est un rock basique en pointillés, « On the surface », un titre pop et sautillant, tout en brisures de rythme … « Caligari’s mirror », référence au film baroque allemand, (les références cinématographiques « antiques » sont nombreuses sur ce disque), alterne ambiances planantes et refrain très power-pop, « Ubu dance party » est un reggae autiste, « I will wait » du free-jazz psychiatrique … Le dernier titre, « Codex » ressemble à une B.O. de film, dont le thème aurait été composé par un Nino Rota sous acide …

Pere Ubu, comme ses « cousins » Residents, ont été des groupes ayant influencé pas mal de gens se réclamant post-quelque-chose … Pas assez glamour, très peu vendeurs, et seulement cités du bout des lèvres par des groupes leur ayant emprunté pas mal de choses, ils continuent depuis plus de trente ans leur bonhomme de chemin loin des sentiers de la gloire.


PERE UBU - THE MODERN DANCE (1978)


Déconstructivisme et pataphysique

Pere Ubu ont souvent été rangés dans le même sac que les Residents, Devo, voire Suicide… Un sac bien lesté et jeté au fond d’un puits par le public qui n’a guère suivi les méandres musicaux de ces groupes atypiques.
Cubistes ? Pere Ubu 1978
Evidemment, Pere Ubu, avec un nom pareil, auraient été volontiers classés dans la catégorie rock pataphysique, si celle-ci n’avait pas déjà existé, regroupant la queue de la comète Soft Machine ainsi que les 1ères parutions du « frère ennemi » Robert Wyatt, en solo ou avec Matching Mole …
Quelques paresseux ont décidé de classer Pere Ubu dans le post-punk. Sauf que … quand ils ont commencé à enregistrer « Modern dance » en 1976, il n’y avait pas encore la moindre crête orange à l’horizon, et que quand il est sorti en 1978, rien ne ressemblait à ça …
Ça, justement, ce sont ces guitares aigrelettes qui balancent des riffs très Chuck Berry retravaillés par Robert Fripp (King Crimson) avant de disparaître on ne sait où, une section rythmique qui pousse très fort mais que les autres s’entêtent souvent à ne pas suivre, des synthés fantomatiques qui ont beaucoup plus à voir avec le free jazz qu’avec ELP ou Genesis… Et par-dessus ce vacarme minimaliste, un (très) gros type, David Thomas, qui s’acharne à poser une voix dans un registre très proche de David Byrne des Talking Heads sur ce qui finit par ressembler à des funks cryogénisés.
Tous ces titres en lambeaux, donnant toujours l’impression d’être prêts à se désintégrer, se dressent tout démantibulés comme des immeubles éventrés après un bombardement nucléaire (et cette ère nucléaire est un des thèmes développés dans ce disque) constituent l’œuvre majeure de Pere Ubu, et ne peuvent pas laisser indifférent. « Modern dance » est un Cd difficile, tortueux, que tous les gens qui font du post-quelque chose essayent de copier et d’égaler.
Souvent en vain …



JOHN MARTYN - SOLID AIR (1973)


Son plus connu ...

John Martyn faisait du folk. Mais pas comme tout le monde. Ou pas seulement comme tous les autres. Lui mettait en plus une partie de son âme dans chaque morceau. Et s’investissait totalement dans sa musique, dans la Musique. Aucune barrière, aucun assemblage a priori disparate ne le rebutaient.

Son folk se teintait de jazz (« Solid Air » le morceau-titre, « Don’t want to know » que n’aurait pas renié son ami Nick Drake), de relectures toutes personnelles de standards du blues (« I’d rather be the Devil »). Les sonorités celtiques « zeppeliniennes » sont aussi là (« Over the hill »).

Ajoutez à cela un jeu de guitare inventif et une voix malléable capable de passer en quelques secondes du murmure au hurlement, et vous obtenez un des meilleurs artistes anglais du début des 70’s.

Malgré la qualité de ses disques (tous des échecs commerciaux), John Martyn est un des « oubliés » de l’Histoire du rock.

Mort début 2009 dans l’indifférence quasi-générale, y compris de la plupart des médias dits « spécialisés ».







FAUST - SO FAR (1973)



Pacte de velours

Ce n’est certes pas très original quand on se retrouve face à un disque bruitiste et bruyant à la pochette entièrement noire de le comparer au second du Velvet Underground. Et pour une fois, miracle, la comparaison tient à peu près la route. Pourtant un monde semble à priori séparer le groupe urbain new-yorkais de la communauté de babas allemands. Le point commun s’appelle Stockhausen, influence principale de John Cale et de la plupart des membres de Faust.

Enfer et damnation, Faust 1973
Et de fait, le premier titre de ce Cd, « It’s a rainy day … » démarré avec sa batterie simplissime martelée, sa guitare loureedienne, sa voix plus parlée que chantée, et qui évolue vite vers un magma sonore qui vrille les tympans, constitue une version acceptable de « Sister Ray ». La comparaison s’arrête à ce seul titre, mais ce genre de démarche musicale suicidaire était à l’époque (le début des 70’s) assez peu courant pour être signalé.

Même si du « bruit », les Faust aiment bien ça, témoin « Mamie is blue » (rien à voir avec Nicoletta), avec ses percussions industrielles, claviers stridents et sax free, le titre le plus barré du Cd. Toujours au rayon bricolage, « No harm » évoque (la voix, les nappes électroniques, le côté noisy) les compatriotes de Can époque « Tago Mago ». Le morceau-titre « So far », débuté par des fréquences aiguës de bandes magnétiques accélérées puis par une rythmique country-rock, se voit parasité par des bruitages sinistres genre films d’horreur et fait penser aux Italiens de Goblin, auteurs des bandes-son de Argento …

Le reste part dans tous les sens, les types de Faust étant, comme d’ailleurs la plupart de leurs contemporains  teutons (Can, Neu, Amon Düül, …) peu préoccupés par une quelconque homogénéité sonore ou une réussite commerciale. D’ailleurs quand on a commencé à parler d’eux après la parution d’une poignée d’albums, ils n’ont rien trouvé de mieux à faire que de dissoudre le groupe.

Ce « Faust so far » empeste aussi le buvard d’acide avec ses titres psychédéliques barrés, comme « I’ve got my car and my TV » qui lui semble surgi des comptines pop des Mothers de Zappa période « Freak out ! », une finale « In the picnic » genre fanfare jazz New-Orleans, un intermède dispensable à la guitare sèche (« On the way to Abamae »), entre « Jeux interdits » et un pensum démonstratif de Steve Howe (de mon groupe favori Yes).

« Faust so far » est un disque qui accumule les références pour les passer dans son shaker musical et livrer in fine quelque chose d’inédit, aussi loin des diktats sonores d’aujourd’hui qu’il l’était il y a presque quarante ans …



PENGUIN CAFE ORCHESTRA - MUSIC FROM THE PENGUIN CAFE (1976)


Classique et punk ?

Penguin Café Orchestra, avec son nom zarbi et ses pochettes surréalistes a de quoi intriguer, voire inquiéter de prime abord. Projet-concept emmené par Simon Jeffes, musicien venant du classique avec tout le background qui va avec. Un type qui se retrouve au milieu des années 70 en rupture avec les codes rigidifiés du classique, et consterné par la vacuité prétentieuse de ceux qui s’en inspirent dans le rock, à savoir les besogneux du prog …

Penguin Cafe Orchestra veut autant proposer une forme musicale que se moquer des existantes. Adoubé par Brian Eno (référence lourde à supporter tant l’ex Roxy Music est capable du meilleur comme du pire), qui signe Jeffes sur son label Obscura, le groupe publie en 1976 ce premier disque.

Qui tient autant de la musique de chambre, que du baroque ou de la pop. Piano, clavecin, cordes, dominent tous les titres. Mais plutôt que de se livrer à une démonstration virtuose, Jeffes place la simplicité au centre de sa musique. Des mélodies très belles, d’une évidence désarmante, montrent que le gars sait composer. Par principe résolument loin de tout effet ou considération commerciale, ce disque est infiniment accessible.

Assez déconcertant cependant si on l’écoute en faisant abstraction du contexte de sa réalisation. Essentiellement instrumental, tendant quelquefois vers l’expérimental pur et dur (« Pigtail » et sa guitare folle), ne fonctionnant pas toujours au premier degré (le seul court titre chanté l’est faux, on suppose volontairement), ce « Music … » s’articule autour d’une longue pièce centrale « The sound of someone … », à la force mélodique qui a dû rendre jaloux Vangelis et faire pleurer de dépit Jarre ou Wakeman …

Ce grand coup de pied dans tout un tas de fourmilières musicales s’apparente d’évidence à ce qu’allaient faire à la même époque les punks, avec des arguments de base diamétralement opposés. Les uns revendiquant leur non-technique pour s’exprimer, les autres se servant d’une technique très au-dessus de la moyenne pour dénoncer les tenants d’un certain conformisme musical …

Le reproche que l’on peut faire à Jeffes et son Penguin Cafe Orchestra, c’est de parfois ressembler d’assez près à ce dont il tient à se démarquer. Le « groupe » existera avec une audience très confidentielle jusqu’à la mort de Jeffes au début des années 2000. Groupe culte par excellence …



BJÖRK - MEDULLA (2004)



Voyage au bout de l'inuit
Björk a sans conteste été l’artiste féminine majeure des années 90 (c’était pas difficile, y’avait pas trop de concurrence), grâce à son triplé « Debut » - « Post » - « Homogenic ». Sa pop explosée, mêlée à toutes les tendances électroniques, ses étranges tenues vestimentaires bariolées, l’hyper charisme soigneusement mis en scène du personnage, ont laissé peu de gens indifférents, et tous les bobos prompts à s’enticher du dernier cataplasme branchouille se sont extasiés devant cette Kate Bush pour malentendants…
Avoir du talent est une chose, s’en servir à bon escient en est une autre. Les choix artistiques de Björk depuis la fin des années 90, montrent une artiste en perte de vitesse. Ce « Medulla » en est l’exemple.
Des morceaux a capella, un accompagnement musical très réduit (quelques boucles rythmiques, quelques lignes de synthé). Le concept est intéressant, se servir de la voix (la Castafjörd ?) comme d’un instrument de musique (voix lead, chœurs, human beat box, …), mais a déjà été entendu à longueur d’interviews de chanteurs. Et de toute façon poussé au zénith par des gens comme Liza Fraser dans les Cocteau Twins.
Alors il est certes facile de crier au génie de ce « Medulla », s’extasier de la précision des arrangements, des chants traditionnels islandais ou inuits. Mais ne subsiste rapidement qu’un sentiment de répétition tout au long du Cd et une impression que ces 45 minutes s’éternisent.

De la même sur ce blog :
Post



TANGERINE DREAM - RICOCHET (1975)



Pas seulement des ronds dans l'eau

En principe et par principe (il faut des principes dans la vie), je n’apprécie pas les longs morceaux ou les instrumentaux planants. Alors là, du coup, avec deux instrus planants de 20 minutes chacun, c’était plutôt mal parti pour le « Ricochet » de Tangerine Dream.
Et pourtant, il faudra bien un jour réhabiliter le rock allemand des années 70. Ce ne sont pas les étiquettes qui lui manquent (progressif, planant, krautrock), mais plutôt la reconnaissance par un public un peu plus large.
Car il y a plus d’inventivité, de recherches (et de trouvailles) rythmiques et sonores dans « Ricochet » que dans les discographies entières de Yes, Genesis, ELP et autres navrants anglais progressifs.
Avec leurs cousins forcément germains Can, Neu, Amon Düül, voire Kraftwerk, Tangerine Dream a ouvert une brèche dans la musique où continuent de s’engouffrer encore aujourd’hui nombre de groupes généralement électroniques.
« Ricochet » est un bon exemple de réussite de ces précurseurs novateurs.

Des mêmes sur ce blog :
Atem













22 PISTEPIRKKO - BIG LUPU (1993)


Beetles

22 Pistepirkko (22 Coccinelles en finnois, paraît-il) est un groupe finlandais qui a eu son quart d’heure de gloire au début des 90’s, bénéficiant d’un « exotisme » nordique alors en vogue avec les Sugarcubes et surtout les débuts solo de Björk.
 Mais les 22 Pistepirkko n’avaient pas besoin de cela pour se faire remarquer, leur talent étant suffisant pour leur offrir une (petite) reconnaissance mondiale méritée.
Ce Cd part un peu dans tous les sens, et après la pop baroque du début (« Don’t say I’m so evil », « Household affairs », « Birdy » et son solo de …chants d’oiseau), on a droit vers la fin à un blues robotisé (« Swamp blues ») rappelant les Depeche Mode de « Personal Jesus », un rock’n’roll crade (« She’s so shy »), d’autres titres (« Papa » notamment) évoquant aussi le folk électro et bricolé que fera Beck.
Le groupe existe semble-t-il toujours, mais n’a pas retrouvé l’éclairage médiatique qui avait été le sien avec « Big Lupu », souvent considéré comme son œuvre la plus aboutie.