Lu (si, si, je vous assure,
pouvez aller vérifier) sur Wikipedia France à propos du film : « Bien
qu’il fût le plus gros succès au cinéma de l’année 78, « Grease » ne
gagna ni Oscar ni Golden Globe »… Tu m’étonnes … N’empêche, un nanar
atomique filmé avec les pieds et mettant en scène des figurants de quinzième
zone, est devenu culte, et rapporté des millions de milliards de dollars (voire
plus).
Kleiser, Newton-John & Travolta
Sauf qu’entre le tournage et la
sortie de « Grease », il s’est passé un truc, la sortie de
« Saturday Night Fever », avec comme acteur principal John Travolta
qui du coup est devenu superstar et sur son seul nom a drainé des millions de
types dans les salles obscures pour voir ce que certains s’imaginaient être la
suite des aventures de Tony Manero. Travolta quand il tourne
« Saturday … » n’a comme seule ligne sur son CV qu’un second
rôle dans « Carrie » de De Palma, et il est bien content d’enchaîner
« Grease », manière de mettre un peu de beurre dans les épinards. Et
tant pis si le metteur en scène de « Grease » est Randal Kleiser, un
obscur tâcheron de la Twentieth Century Fox, ayant seulement à son palmarès le
tournage de quelques épisodes de « Starsky et Hutch ». Tant pis si le
scénario de quatre lignes est le remake d’une oubliée comédie musicale jouée au
début de la décennie et disparue des radars depuis (anecdote et coïncidence, le
minot Travolta l’avait vue et en avait gardé un grand souvenir). Tant pis s’il
n’y a pas un seul nom de connu au casting. La « star » féminine est
une chanteuse ringarde australienne de trente ans (son personnage est censé en
avoir 18), une certaine Olivia Newton-John. Imaginer que pareil machin peut
faire un carton au box office n’était bien évidemment venu à l’esprit de
personne.
Grease, un casting de ouf ...
D’ailleurs faut les voir dans
les bonus tous ces nigauds (même Travolta, qui fait le SAV comme il peut, en
faisant semblant d’être concerné), affirmer sans rire que le tournage fut
magique, fantastique, génial, fabuleux, et autres superlatifs du même tonneau,
dans une ambiance de party extraordinaire. Tu parles, ils doivent pas en dormir
la nuit, en pensant au cachet de misère qu’ils ont touché alors que les
producteurs se sont fait construire des maisons avec des lingots d’or à la
place des parpaings …
A l’usage des jeunes
générations, situons le machin. Une amourette adolescente dans un lycée d’une
petite ville américaine à la fin des
années 50, où les couples se cherchent, se font et se défont autour des deux protagonistes
principaux, Danny (Travolta) et Sandy (Newton-John). Avec les obligatoires
bandes en blouson de cuir, les gentils, les méchants, les simplets, les
sportifs, les moches, les courses de bagnole, avec des pans entiers du film
honteusement pompés sur deux chef-d’œuvre (« La fureur de vivre » et
« American Graffiti »), sans le talent de Nicholas Ray, George Lucas
et leurs acteurs …Faut reconnaître quand
même que Travolta crève l’écran (il a depuis prouvé que c’était un bon comédien),
avec notamment une démarche hallucinante (on dirait qu’il marche sur des œufs
en talons aiguilles tout en frétillant de l’arrière-train), même si quand il
tente un grand écart, il est moins bon que Jaaames Brown dans cet exercice
brise-roustons.
Summer Nights
Comme c’est une comédie musicale,
il ya dans « Grease » des chorégraphies grotesques rétro fifties et
les chansons idoines. Avec notamment Sha Na Na (en gros les Au Bonheur Des
Dames ricains) qui en moins de dix ans sont passés de la scène de Woodstock au
rôle de figurants d’un orchestre baltringue pour film de série Z. Ce qui leur
permet de donner quelques versions en totale roue libre de standards genre
« Rock’n’roll is here to stay » ou « Hound dog ». Certains
morceaux ont été écrits pour le film et sont chantés par les acteurs. Bien
évidemment, ils sont devenus des hits intergalactiques, comme les deux doo-wop
mutants « Summer nights » et « You’re the one that I
want ». Remarque (forcément cruciale, parce que c’est du vécu à moi dont
au sujet duquel je cause) : dans une fin de soirée fortement avinée et
donc immanquablement régressive, je balance « You’re the one … » sur
la sono tous les potards sur onze et le dancefloor s’enflamme (expérience
plusieurs fois tentée avec succès). Bon, pour être honnête, ça marche aussi
avec « Tomber la chemise », « Stayin’ alive »,
« Waterloo » ou « Highway to hell ». En fait ça marche avec
n’importe quoi, du moment que tout le monde est bourré et le volume maximum. Et
donc, avec « You’re the one … », CQFD. Mais attention, pas avec le
pastiche des misérables comiques giscardiens Topaloff et Sim (« Où est ma
chemise grise »). Fin de la parenthèse …
You're The One That I Want
Sinon, le grand moment du film
qui me ravit, c’est à la fin, quand la super nunuche (avec coiffure et
accoutrement qui va avec) Sandy-Olivia arrive relookée en super bombe sexy
selon les standards de l’époque. En fait, elle ressemble juste à ce moment-là à
une version anorexique de Bonnie Tyler, qui de quelque côté qu’on l’envisage,
n’est pas exactement une bombe sexuelle avec ses brushings extra-terrestres et
ses futes de cuir noir moulants. Sauf que Bonnie Tyler chante mieux, mais c’est
une autre histoire …
Mais faut avouer que ça a de la
gueule sur les étagères, le Dvd de « Grease » coincé entre un de Lars
Von Trier et un autre d’Ingrid Bergman …
« Eliminator » est le disque le plus
connu, celui qui s’est le mieux vendu de ZZ Top. Et bien évidemment pas leur
meilleur. Pour ça, il faut aller piocher (au hasard, ça marche à tous les
coups) dans ceux d’avant…
ZZ Top 1983
Faut resituer un peu le machin, le contextualiser
comme disent les hipsters. ZZ Top, au début des années 80, c’est le
« little ol’ band from Texas » (c’est quelquefois écrit au cul de
leurs disques). Et que la musique qu’ils aiment, excuse-moi partenaire, elle
vient de là, elle vient du blues. Dès les débuts de leur carrière, les Top
n’ont jamais renié leur côté rustique, voire rustaud. Le belouze, y’a que ça de
vrai, et au Texas, on est pas des tafioles. Moins cons que la moyenne (on y
reviendra), le trio a fait un gimmick exacerbé de son côté plouc, en rajoutant
une couche à chaque disque (la pochette de « Fandango » avec la carte
du Texas brodée sur les vestes, la tournée « Deguello » - il me
semble – avec sur scène crotales, bisons, chacals, et toutes sortes de
bestioles made in Texas). Petit à petit Hill et Gibbons ont pris l’habitude de
se fringuer de la même façon et de se laisser pousser la barbe, mais pas Beard
(que ceux qui n’ont pas compris s’inscrivent en cours de rattrapage en 6ème,
avec anglais première langue …), et de commencer à se livrer sur scène à des
chorégraphies étranges, qu’on croirait mises en scène par un handicapé moteur
(à côté de Gibbons et Hill, Rossi et Parfitt dans Status Quo, c’est les ballets
du Bolchoï, et il m’étonnerait pas que ce soit pour se foutre de leur gueule
que les ZZ Top se soient lancés dans cette agitation au ralenti derrière leurs
micros...)
Et le trio se retrouve dans les 80’s avec sa bonne
petite réputation, son public tout de même conséquent, mais dans une décennie
qui apparemment n’est pas du tout faite pour lui. Le prototype du truc qui
marche vers 82, quand les ZZ Top entrent en studio pour mettre bas leur
prochaine rondelle, c’est Culture Club. Et force est de reconnaître qu’il y a
quand même un monde entre Boy George et Dusty Hill. A priori, ZZ Top fait
partie des dinosaures des 70’s et doit comme tant d’autres, plus ou moins
disparaître.
Une bien belle carrosserie ...
Ce sera compter sans la capacité d’adaptation des
trois mousquetaires texans (qui comme ceux de chez nous, sont en fait quatre,
leur D’Artagnan à eux s’appelle Bill Ham, et sera leur producteur attitré et
exclusif jusqu’à sa mort) qui vont sortir le disque le plus malin de leur
carrière, après avoir consciencieusement analysé la situation et humé l’air du
temps. Leur musique est has been au possible, ils ont pris des kilos, ont des
barbes imposantes de Père Noël boogie, se trouvent confrontés à la technologie
envahissante (le synthé, soit a priori l’ennemi juré), et épine sur le cactus,
la montée en puissance de MTV, chaîne prétendument musicale qui balance en
heavy rotation les rengaines pop de jeunes beaux gosses, et qui devient
incontournable pour prétendre à un succès commercial important.
ZZ Top va résoudre cette quadrature du cercle. Non
sans faire grincer les dentiers de leurs vieux fans. « Eliminator »
sera de très loin leur plus grosse vente. Bon, ils y sont pas allés avec le dos
de la cuillère. Le son général est étrange, très mécanique, robotique,
électronique et synthétique. Plus particulièrement tout ce qui est rythmique. A
tel point que la rumeur a longtemps couru que « Eliminator » était un
disque solo de Billy Gibbons à la guitare, tout le reste était fait par des
machines. Finauds, les barbus ont laissé se répandre la rumeur, du moment qu’on
causait d’eux, c’était bon à prendre, et n’ont jamais (du moins à l’époque,
j’ai plus suivi leurs prises de parole depuis des siècles) confirmé ou démenti.
Vraisemblablement, ils ont été parmi les premiers à émuler de vraies parties de
basse-batterie, les ont fait bouffer à des ordinateurs et ont reconstruit leurs
morceaux à partir des boucles obtenues (un indice : comme la puissance de
calcul informatique était loin de celle dont on dispose aujourd’hui et pour ne
pas avoir à faire de raccords aléatoires, quasiment tous les titres ont un
final en fading, sans coda). Le bon son, le gros son, n’importe quel tocard
peut l’avoir. Là où le trio texan a fait fort, c’est dans les compos. Toutes
d’une finesse mélodique étonnante, des atours hardos appliqués sur de
l’orfèvrerie pop.
Difficile de pas se faire remarquer
Le matériau de base pour le hold up parfait était
prêt. Ne restait plus qu’à le diffuser au niveau planétaire. MTV sera le
vecteur idéal. Là, ZZ Top n’aura pas grand-chose à faire. Niveau visuel, ils se
reconnaissent à des lieues à la ronde. Leur sens de l’humour et leur
intelligence (Gibbons est un spécialiste universitaire d’Art Moderne et a donné
des conférences dans le monde entier) feront le reste. Leurs chorégraphies de
plus en plus absurdes et empesées, les guitares en fourrure, les bagnoles des
années 30 (comme la Ford de la moche pochette stylisée), les blondasses à mini
short et décolleté sur forte poitrine dont ils s’entoureront dans leurs clips, leur
vaudront un succès inattendu et imprévu.
Qu’en est-il et qu’en reste t-il de ce « Eliminator »
( un titre gag, en faux espagnol, alors que jusqu’à présent toutes leurs
rondelles étaient nommées dans la langue de Cervantès), outre son aspect sonore
particulier ? Des hits à la pelle « Gimme all your
lovin’ » « Got me under pressure », « Sharp dressed
man », « Legs », « TV Dinner ». Et des hits même pas
honteux, malins, vifs, entraînants, mélodiques. Avec Gibbons et sa Strat en
meneuse de revue. Parce qu’il y a quand même quelques trucs à ne pas oublier.
Notamment le fait que le trio texan est une redoutable machine à boogies
graisseux et que dans ce genre ils laissent quand même Status Quo loin derrière
(d’ailleurs je me demande s’ils se moquent pas un peu d’eux dans « If I
could only flag her down » plus Quo que nature). Et puis ne jamais oublier
que derrière sa barbe et ses guitares en moumoute le sieur Gibbons est un très
grand guitariste, laissant délibérément de côté les rodomontades électriques
bavardes et égoïstes au profit de courts soli et chorus incisifs. A ses débuts,
il n’a pas impressionné Hendrix soi-même tout à fait par hasard (à tel point,
anecdote hyper connue mais qu’il n’est jamais inutile de rappeler, que le
Voodoo Chile lui a offert une guitare qu’il a conservé comme une relique).
Gibbons est un maître discret de la six-cordes et c’est pas à l’écoute de
« Eliminator » qu’on affirmera le contraire. C’est lui qui tient la
baraque ZZ Top au bout de ses doigts agiles.
Avec option dégivrage sur les binocles et air conditionné sur les grattes ?
Il y a quand même un côté obscur de la farce, pas
insignifiant. Cette litanie de compositions linéaires, fades et sans saveur
malgré leur côté radiofriendly. Dont quelques unes qui ont du mal à tenir la
distance. « I need you tonight », c’est mieux par INXS, même si les
deux morceaux, à part leur titre, n’ont rien en commun. Ici, on a un slow blues
fadasse qui s’éternise, à des kilomètres du feeling d’un « Blue Jean Blues »
(sur « Fandango »). « Thug » est bien pourrie par ses
synthés, on dirait du Phil Collins (énervé, mais du putain de Phil Collins
quand même).
Un mot sur le dernier morceau du disque, « Bad
girl ». Compte tenu du sens de l’humour aiguisé des barbus, je vois dans
ce titre à part (faux live avec ses hurlements et ses cris rajoutés), aspect
sonore et mélodique bien différent du reste, un pastiche (voire un hommage au
énième degré) d’AC/DC avec sa voix hurlée dans les aigus, ses guitares
rythmiques tronçonneuses et son solo à la Chuck Berry. Ils devaient bien
rigoler sous leurs barbes en l’enregistrant …
Pour rester dans l’imagerie Auto Plus du disque,
« Eliminator » est un virage dans la carrière de ZZ Top. Plutôt pas trop
mal négocié, sans sortie de route. Le suivant, « Afterburner »,
enverra tout le monde dans le décor …