THE DOORS - THE DOORS (1967)


Le début ...

Il suffira d’un signe … du destin. Et l’homme de la destinée, pour les Doors, groupe d’étudiants se produisant dans les boîtes de Los Angeles, s’appellera Arthur Lee, leader de Love. Qui les entend un soir, et fait des pieds et des mains auprès du patron de sa maison de disques, Jac Holzman, pour qu’il les signe. Ce que Holzman finira par faire en renâclant, car il déteste le groupe.
Les Doors se retrouvent donc sur Elektra en terrain à peu près hostile, et en studio pour enregistrer leur premier disque. Qui va devenir le disque emblématique d’une génération, celle du flower power, et installer les Doors sur le toit du monde rock. Pourtant les Doors ont à peu près tout faux à la base. Ils sont de L.A., et les choses en 1966 se passent à San Francisco, dans le quartier de Haight Ashbury, où sévissent Grateful Dead, Airplane, Quicksilver, … L’heure est à la planerie mystique, les Doors se présentent avec des visées littéraires (Morrison admire entre autres Rimbaud, le groupe tire son nom d’un bouquin d’Aldous Huxley, « The Doors of Perception »). Les Doors jouent du rock garage et du blues, les hippies ne rêvent que sitars, tablas et mantras …Il n’y a à peu près qu’au niveau de la consommation de drogues et de LSD que les Doors sont raccord avec le reste de la scène musicale californienne.
Les Doors sont un assemblage assez hétéroclite, trois amateurs de jazz et un de blues, Morrison, qui finira par imposer sa ligne musicale. Il faut dire que c’est le point de convergence de tous les regards. Beau gosse, il électrise le public féminin lors des premières prestations du groupe (et ce sont toujours les filles qui font le succès démesuré d’un groupe, demandez aux laiderons de Canned Heat pourquoi aucune fille n’a jamais écouté leur boogie-blues rustique et monolithique …) dont il devient le leader.
Ce premier album sans titre présente les Doors en état de grâce, qu’ils ne retrouveront qu’avec leur chant du cygne « L.A. Woman », encore meilleur … Un disque qui démarre au taquet avec « Break on through », parfaite carte de visite. Rythmique chaloupée, orgue jazzy de Manzarek, et Morrison en chanteur « habité ». Et avec l’alternance de passages calmes et de giclées de violence. Le rock’n’roll revu par les Doors. Dans la même veine, « Twentieth Century Fox », mais version « garage », avec orgue sautillant et guitare de Krieger saturée…
Les racines blues sont là aussi, avec la reprise toute en hystérie contrôlée du « Back door man » de Willie Dixon. Morrison chanteur charismatique pousse la roucoulade et les filles adoreront la douce ballade lyrique mais pas pompière (exercice difficile) de « Crystal ship », ou la planerie lysergique avec effets sonores spatiaux de « End of the night ». Ce qui permet de glisser les noms de Paul Rothchild, producteur de tous les disques des Doors sauf « L.A. Woman » et Bruce Botnick, ingé-son durant toute leur carrière.
Un disque ne serait pas emblématique du psychédélisme s’il n’y avait pas quelque titre baroque. Les prétentions littéraires du groupe lui feront reprendre en version cabaret décadent assez conforme à l’original « Moon of Alabama » de Bretch et Weil tiré de leur opéra « Grandeur et décadence de la ville de Mahagonny »
Un disque ne serait pas un best-seller s’il n’y avait pas quelque hit qui marque son époque. « Light my fire » sera un succès colossal, incontournable du Summer of Love de 67.
Enfin, un disque ne rentrerait pas dans la légende du rock s’il ne comprenait pas quelque titre hors-norme. « The End » sera celui-là. Un des premiers titres des Doors, plus improvisé qu’écrit et pierre angulaire de tous leurs concerts avant leur signature. Longue dérive glauque et hallucinée avec conclusion oedipienne. Il marquera nombre d’esprits, notamment celui de Francis Ford Coppola qui en fera le thème musical majeur de son « Apocalypse now »…
Avec ce disque, les Doors deviennent en 1967 incontournables, et marquent le retour du leadership américain sur la scène rock mondiale, dominée depuis quelques années par les Anglais (Stones et Beatles en tête …). Ils offrent une alternative très fortement électrique au rock psychédélique, leurs concerts sont à cette époque-là des événements très courus, avant que drogues diverses et les « sorties de route » qui vont avec, et auto-complaisance sabotent l’image live du groupe.
« The Doors » est un disque assez exceptionnel. Ça peut se discuter, mais certains y voient même le meilleur « debut-album » jamais enregistré (les premiers Elvis Presley, Little Richard, Hendrix et Pink Floyd - liste non exhaustive - peuvent aussi prétendre à ce titre). En tout cas disque incontournable des 60’s et du rock au sens le plus large …

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L.A. Woman