MEL BROOKS - LES PRODUCTEURS (1968)


La première folie de Mel Brooks

Et aussi la meilleure. Un gag ininterrompu de presque une heure et demie. D’un mauvais goût, d’une outrance et d’une méchanceté jubilatoires, confinant au génie.
Zero Mostel & Gene Wilder
Le scénario d’abord. Max Bialystock est un producteur minable de Broadway, finançant ses pièces minables en faisant le gigolo pour de (très) vieilles femmes fortunées. Il s’associe avec Leo Bloom, un comptable dépressif, coincé et hystérique (oui, tout ça en même temps) pour une escroquerie : lever massivement des fonds pour produire un spectacle musical tellement mauvais que son échec immédiat laissera les caisses des producteurs pleines. Il faut donc aux deux compères trouver l’auteur d’une pièce très mauvaise, la confier au pire metteur en scène, et embaucher les acteurs les plus mauvais de la place. Dès le départ, les ficelles sont énormes. Mais ça prend une tournure encore plus surréaliste quand il se trouve que la pièce retenue a été écrite par un ancien soldat nazi, est bien évidemment à la gloire de son dictateur moustachu (« Springtime for Hitler »), et que contre toute attente, malgré tous les ringards et les bras cassés qui la jouent, elle va faire un triomphe entraînant une situation imprévue pour les deux escrocs à la petite semaine …
Les acteurs ensuite. Pareil scénario rocambolesque ne peut fonctionner que s’il y a des « gueules ». Et là, Mel Brooks a fait fort, faisant défiler à l’écran une galerie de portraits hilarants, des petites mémés nymphomanes, à la secrétaire suédoise (nymphomane également, mais autrement plus sexy), en passant par une galerie de seconds rôles ou de figurants marquants (le metteur en scène et son secrétaire en caricature d’homosexuels arty, les prétendants au rôle d’Hitler, …). Mention particulière à Zero Mostel (un revenant, blacklisté pendant le maccarthysme) qui joue Bialystock, personnage rabelaisien, passant de la mimique désopilante au cabotinage le plus outrancier ; au quasi débutant Gene Wylder, tout juste aperçu l’année d’avant dans « Bonnie & Clyde » qui campe le petit comptable Bloom ; à Kenneth Mars, nazi nostalgique et colombophile, qui par son jeu semble échappé du casting de « La grande vadrouille » ; à Dick Shawn, qui est l’acteur-chanteur Lorenzo St DuBois (LSD – évidemment – pour les intimes) à qui on donne le rôle d’Hitler.
LSD dans "Springtime for Hitler"
Au comique de situation de tous les instants, s’ajoutent quelques effets visuels mémorables. Les deux meilleurs étant pour moi le détournement des fameux plans en plongée de Busby Berkeley filmant les figures géométriques réalisées par des armadas de danseurs ou de nageurs ; ici, des femmes soldats nazies et sexy forment … une croix gammée. Autre moment d’anthologie quand LSD lors de son audition se lance dans une chanson (« Love Power ») très psyché-hippy tout en imitant Jim Morrison, superstar du rock de l’époque …
A noter que Mel Brooks, qui écrit et réalise ce film, a composé quelques chansons pour la bande-son, dont ce « Love power » et « Prisoner of love » utilisé lors du final. Un curieux parallèle existe d’ailleurs entre ce punk avant l’heure de la caméra et Dee Dee Ramone, de la tribu des faux frangins punk Ramones. Ils finiront tous les deux, avec l’aide de quelques substances chimiques prises en quantités déraisonnables par enregistrer au début des années 80 un disque de … rap (non, quand même pas ensemble …).
Vu le thème majeur du film (la mise en scène d’une pièce glorifiant le nazisme et Hitler), il faut quand même préciser que Mel Brooks, mais aussi une bonne partie des gens ayant participé à ce film sont juifs, ce qui ne peut que désamorcer certains froncements intempestifs de sourcils … Cette histoire tellement délirante menée à un rythme infernal à d’ailleurs valu à Mel Brooks un Oscar pour le scénario. Et bien qu’il ait continué dans la même veine en revisitant d’une façon assez trash et destroy quelques genres incontournables, dont un pastiche des films d'horreur de la Hammer (« Frankenstein Jr ), et un autre de western (« Le shériff est en prison ») assez réussis, il ne retrouvera plus jamais la truculence débridée et iconoclaste des « Producteurs » …
Un remake est sorti en 2005, qui évidemment, n’arrive pas à la cheville de la farce déjantée originale …


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