FAUST - SO FAR (1973)



Pacte de velours

Ce n’est certes pas très original quand on se retrouve face à un disque bruitiste et bruyant à la pochette entièrement noire de le comparer au second du Velvet Underground. Et pour une fois, miracle, la comparaison tient à peu près la route. Pourtant un monde semble à priori séparer le groupe urbain new-yorkais de la communauté de babas allemands. Le point commun s’appelle Stockhausen, influence principale de John Cale et de la plupart des membres de Faust.

Enfer et damnation, Faust 1973
Et de fait, le premier titre de ce Cd, « It’s a rainy day … » démarré avec sa batterie simplissime martelée, sa guitare loureedienne, sa voix plus parlée que chantée, et qui évolue vite vers un magma sonore qui vrille les tympans, constitue une version acceptable de « Sister Ray ». La comparaison s’arrête à ce seul titre, mais ce genre de démarche musicale suicidaire était à l’époque (le début des 70’s) assez peu courant pour être signalé.

Même si du « bruit », les Faust aiment bien ça, témoin « Mamie is blue » (rien à voir avec Nicoletta), avec ses percussions industrielles, claviers stridents et sax free, le titre le plus barré du Cd. Toujours au rayon bricolage, « No harm » évoque (la voix, les nappes électroniques, le côté noisy) les compatriotes de Can époque « Tago Mago ». Le morceau-titre « So far », débuté par des fréquences aiguës de bandes magnétiques accélérées puis par une rythmique country-rock, se voit parasité par des bruitages sinistres genre films d’horreur et fait penser aux Italiens de Goblin, auteurs des bandes-son de Argento …

Le reste part dans tous les sens, les types de Faust étant, comme d’ailleurs la plupart de leurs contemporains  teutons (Can, Neu, Amon Düül, …) peu préoccupés par une quelconque homogénéité sonore ou une réussite commerciale. D’ailleurs quand on a commencé à parler d’eux après la parution d’une poignée d’albums, ils n’ont rien trouvé de mieux à faire que de dissoudre le groupe.

Ce « Faust so far » empeste aussi le buvard d’acide avec ses titres psychédéliques barrés, comme « I’ve got my car and my TV » qui lui semble surgi des comptines pop des Mothers de Zappa période « Freak out ! », une finale « In the picnic » genre fanfare jazz New-Orleans, un intermède dispensable à la guitare sèche (« On the way to Abamae »), entre « Jeux interdits » et un pensum démonstratif de Steve Howe (de mon groupe favori Yes).

« Faust so far » est un disque qui accumule les références pour les passer dans son shaker musical et livrer in fine quelque chose d’inédit, aussi loin des diktats sonores d’aujourd’hui qu’il l’était il y a presque quarante ans …