NENEH CHERRY - RAW LIKE SUSHI (1988)

 

Tout, tout, tout pour ma Cherry ?

Euh, non … « Raw like sushi », c’est un disque, comme son interprète, quelques peu disparus des radars. Qui a cependant eu un beau succès à la fin des 80’s, grâce à quelques titres bien foutus et novateurs (pour l’époque), et au charisme de la Neneh.


Neneh Cherry, elle a d’abord un nom connu. Le même que celui du jazzman Don Cherry. Qui n’est pas son père, mais son beau-père (Neneh naquit de deux artistes, une mère suédoise et un père du Sierra Leone). Elle s’est lancée tôt dans la musique, dans un oubliable et fort heureusement oublié groupe de jazz-funk, Rip Rig and Panic, dont elle était la chanteuse. Sous l’influence d’un premier mari vite révoqué, elle participera à d’autres obscurs projets, avant de rencontrer l’homme de sa vie, Cameron McVey. Une digression Closer qui a son importance ici.

Alors, oui, le disque est au nom de Neneh Cherry, c’est elle en photo sur la pochette (sexy mais pas nunuche, allure et regards déterminés genre « vous pouvez toujours me mater, mais n’essayez pas de me toucher »). La musique de Neneh Cherry n’a rien à voir avec le jazz de beau-papa, rien à voir avec le rock, rien à voir avec le passé (elle a commencé au début des années 80, avec le post-punk, et n’a pas remonté l’écheveau).

Elle a succombé au rap (elle se débrouille pas mal, en fout dans tous ses titres, quand bien même certains auraient pu s’en passer, enfin, c’est mon avis), et fréquente des bidouilleurs de synthés, des DJ’s, des programmeurs. Son disque est fait essentiellement avec des machines, des programmations, des boucles, des samples. La Neneh n’est que la partie visible de l’iceberg. Elle chante, écrit les paroles, et a son (petit) mot à dire sur la musique. Les hommes de l’ombre derrière cette rondelle sont lorsqu’elle est sortie à peu près des inconnus. Mais qui ne vont pas le rester. Le plus présent, c’est son mec, McVey, sous le pseudo de Booga Bear. Au casting des titres, on trouve aussi Tim Simenon (pseudo Bomb The Bass), Mark Saunders (qu’on retrouvera plus tard à la production de Cure, Tricky, Lydon, et des remixes pour Depeche Mode, Bowie, …), Nellee Hooper (créateur et tête pensante de Soul II Soul, collaborateur occasionnel de Björk, Madonna, U2, No Doubt, …), DJ Mushroom (Andy Wowles de son nom, homme de l’ombre de Massive Attack), et quelques autres moins connus.

Neneh Cherry & Cameron McVey

Allez voir leurs bios et vous verrez que la plupart sont nés ou vivent à ce moment-là à Bristol. Et qu’ils seront partie prenante dans la scène dance-electro-machin qui va éclore au début des 90’s avec Soul II Soul, Massive Attack, Portishead, Propellerheads, Tricky, Roni Size et consorts (ou pas) …

Ceci posé, il faut avoir l’oreille fine ou l’imagination débordante pour trouver beaucoup de similitudes entre Neneh Cherry et ces gens-là. Ce « Raw like sushi », c’est de la chansonnette basique, avec du rap, et des machines à la pointe du progrès générant les sons qui vont avec (le progrès).

Hasard ou pas, les trois meilleurs titres sont les trois premiers du disque, et en plus, rangés par ordre décroissant de qualité. En éclaireur, « Buffalo stance », le hit majeur de la rondelle. Une intro à la « Smoke on the water » de qui vous savez (et si vous savez pas, shame on you), les « instruments » arrivent les uns après les autres, du rap sur les couplets et un court refrain très mélodique (les Red Hot Chili Peppers n’ont rien inventé sur leurs meilleurs titres). « Manchild », joli succès aussi, est très pop, avec ses arrangements de fausses cordes, le passage rappé ne concerne qu’un court pont. « Kissed on the wind » sort aussi du lot, même si qualitativement, on est descendu de plusieurs étages. Le gimmick de l’intro parlée en espagnol amuse vingt secondes, un gros tapis de percussions mène la danse, et on trouve quelques intonations à la Madonna.


Madonna dont il sera aussi question (on est plus près du plagiat que de l’inspiration) sur « Inner City Mamma », très proche, jusque dans le chant de ce que faisait la Cicconne avant « Like a virgin ». Autre superstar de l’époque, Michou Jackson, dont les gros beats funky semblent l’inspiration majeure de « Outré-Risqué Locomotive » (??). Sinon, on a droit à un follow-up de « Buffalo stance », ça s’appelle « Heart », c’est conduit par un rap piaillé dans les aigus, et ça fait mal aux oreilles. Sont également de la revue une prévisible ballade (« Phoney ladies »), un titre 100% rap (« The next generation ») on s’en doute assez loin de Public Enemy, c’est rien de le dire mais ça va mieux en le disant. A l’opposé « Love ghetto » est totalement chanté mais trois fois hélas, ne vaut pas tripette.

Ce disque est sorti en 88 sous deux formes. Une version vinyle de dix titres, largement suffisante. Et une version Cd, qui comme il restait de la place, nous gâte avec quatre titres supplémentaires, un inédit oubliable et trois remix des trois meilleurs titres qui prennent un malin plaisir à les dé(cons)truire, les transformant en bouillasse sonore peu ragoûtante. Que ce soit en format vinyle ou cd, « Raw like sushi » ne tient pas la route sur la longueur, et sur la durée, a tout de même pris un sacré coup de vieux …

« Raw like sushi » obtiendra malgré tout des critiques favorables, se vendra bien, boosté par ses trois singles. Diminuée par la suite par la maladie de Lyme, Neneh Cherry mettra sa carrière en très gros pointillés, réussissant seulement à revenir dans les charts en 1994 grâce à son très bon duo avec Youssou N’Dour (« Seven seconds »).





ROLAND JOFFE - LA DECHIRURE (1984)

 

La petite histoire dans la grande ...

Comment rafler trois Oscars avec un film réalisé et scénarisé par deux inconnus, avec un casting d’inconnus, voire d’acteurs amateurs ? Ben, dans le cas de « La déchirure », prendre comme point de départ des faits réels et s’y tenir (plus ou moins, on y reviendra).

Et puis, autre chose. Faut quelqu’un pour croire à un projet. Dans le cas de « La déchirure » (« The killing fields » en V.O., ce qui est nettement plus raccord avec l’histoire), celui qui va tenir l’affaire à bout de bras, il s’appelle David Puttnam. Un producteur anglais qui enchaîne les succès au box-office (« Bugsy Malone », « Les duellistes », « Midnight express », « Les chariots de feu », « Local hero », …). Il a vaguement entendu parler d’un certain Sydney Schanberg, qui obtenu le prestigieux Prix Pulitzer en 1976 pour ses reportages sur le Cambodge lors de l’arrivée au pouvoir des khmers rouges. Trois ans plus tard, un entrefilet dans la presse annonçant que Schanberg a retrouvé son guide (aujourd’hui on appelle ça un fixeur) cambodgien lors de cette période, avec tout l’aspect mélodramatique qui accompagne les retrouvailles entre le journaliste et celui que l’on croyait mort, donne à Puttnam l’idée de faire un film sur cette histoire.

Ngor, Waterston & Joffé

Il faudra cinq ans pour que son projet de film se matérialise. Mais Puttnam est obstiné. Et quand un type de ce calibre passe un coup de fil, on répond et on écoute. Il lui faut un scénariste, un réalisateur et des acteurs. Sauf que les stars contactées taperont en touche. Sujet trop d’actualité, trop brûlant, et surtout passé sous silence dans les pays occidentaux. Pour le scénario, il se rabattra sur un inconnu, qui écrit pour des séries Tv anglaises, Bruce Robinson. Qui sent qu’il a là la chance de sa vie, bosse comme un forcené (se rend à Bangkok et à proximité de la frontière cambodgienne, rencontre Schanberg et son guide Dith Pran, …) et pond trois cents pages. Côté réalisation, Puttnam contacte Costa-Gavras, Louis Malle, Jacques Demy (?), et discute même le coup avec Kubrick. Refus poli. Il va alors recruter un réalisateur dont les parents sont français, et qui grouillote lui aussi dans les séries Tv, le parfait inconnu Roland Joffé. Lequel est sommé de s’inspirer de trois films : « La bataille d’Alger », « Apocalypse now » et « Rome ville ouverte ».

Pour les acteurs, refus poli de Puttnam pour le rôle de Schanberg des propositions de Warner, qui avait signé pour la distribution du film et avait sous le coude des gens comme Dustin Hoffman ou Roy Schreider. Puttnam imposera un autre inconnu, Sam Waterston (à son actif un petit second rôle dans « La porte du Paradis »), surtout pour une similitude physique avec Schanberg. Deux autres inconnus du grand public, Julian Sands et John Malkovich, complèteront les rôles des journalistes américains. Pour Dith Pran, des centaines d’acteurs le plus souvent amateurs sont testés, et Puttnam arrête son choix sur Haing S Ngor, toubib à Los Angeles, et qui a fui lui aussi le régime khmer (il gagnera l’Oscar du second rôle). Le tournage se fera en Thaïlande. La préparation du film aura duré cinq ans.

Sainds & Malkovich

Un budget conséquent pour l’époque est amené par Puttnam, un flot d’images est enregistré, avec selon Joffé de quoi faire six films différents sur cette histoire. La version choisie, d’une duré initiale de quatre heures, sera réduite quasiment de moitié au montage.

C’est pour cela que le début du film fait intervenir une voix off, qui présente « l’environnement ». Parce que quelques rappels historiques s’imposent. Les Américains viennent de se faire salement secouer au Vietnam, sont à l’intérieur en plein Watergate, et de ce fait la révolution communiste essaie de s’étendre aux pays voisins. Principale cible, le Cambodge, où un gouvernement corrompu et mal aimé tente de survivre. Soutenu mollement par quelques soldats américains qui y disposent de bases militaires. Les khmers progressent, armée de bric et de broc recrutée dans les campagnes (beaucoup de femmes et des enfants, certains pas plus hauts que leur kalachnikov). Quand la capitale Pnom Penh est menacée, les Américains décident d’intervenir, et envoient un de leurs gros bombardiers déverser des tonnes de projectiles sur un village censé être le QG des khmers. Pas de bol, l’avion se trompe de cible, et bombarde un autre patelin (Neak Loeung). Officiellement, des dizaines d’américains tués et de centaines de civils cambodgiens.

Cet évènement est le début du film. Devant les atermoiements de l’état-major US, Schanberg et Dith Pran décident de s’y rendre en soudoyant des militaires cambodgiens. Ils vont voir les résultats du carnage, et une fois rejoints par d’autres journalistes finalement amenés par l’armée américaine, se retrouver en première ligne face à la progression des khmers rouges. De retour à Pnom Penh déjà infiltrée par les khmers (attentats), les trois journalistes et Dith Pran sont témoins de la débandade du régime officiel. L’ambassade américaine est évacuée, y compris la femme et les enfants de Dith Pran. Lui et les journalistes restent, assistent à la chute de la capitale, et se réfugient à l’ambassade de France, dernière ambassade occidentale en poste, avec des civils cambodgiens proches du régime déchu. Sauf qu’ambassade ou pas, quand t’es encerclé, faut dealer. Les khmers laisseront sortir tous les ressortissants étrangers, par contre les Cambodgiens devront se rendre. Les journaleux essayent bien dans des conditions précaires de bidouiller un faux passeport à Dith Pran, ça foire, eux peuvent partir et lui est obligé de se rendre aux khmers rouges. C’est la première partie du film.


La seconde verra Dith Pran « réinséré » dans les camps de travail (ou de concentration, au choix), se faire passer pour un paysan inculte (le régime khmer élimine tous les « intellectuels » et il en faut pas beaucoup pour passer pour un intellectuel), tenter de s’échapper à travers les « killing fields », ces charniers à ciel ouvert où sont entassés les cadavres des « opposants » (trois millions de morts sur sept millions d’habitants du Cambodge pendant la « révolution »), se faire reprendre, gagner la confiance d’un petit chef khmer, qui sentant l’épuration du Parti arriver, lui confie son gosse, quelques dollars, et un plan sommaire de la région pour l’aider à gagner la frontière thaïlandaise. L’épilogue verra les retrouvailles quatre ans après leur séparation de Schanberg et Dith Pran.

Comme Joffé l’avait filmé, on peut faire beaucoup de choses avec un tel scénario et quelques moyens.

Le bilan est globalement positif, comme ils disaient en ces temps-là. Sont bien rendus le capharnaüm total dans les milieux occidentaux, les ambassades notamment, des scènes de bataille réalistes (matériel loué à l’armée thaïlandaise, ça tombe bien, c’est du matériel US, aide – a minima - d’instructeurs militaires américains pour les combats). Scènes impressionnantes (beaucoup de figurants) de l’exode des habitants de Pnom Penh qui vont se faire « rééduquer » dans les campagnes. Visions de chantiers pharaoniques (et sans aucun sens) des camps de travail, dans des carrières d’argile ou des rizières, entassement de milliers de faux cadavres dans les killing fields. Une évasion vers la Thaïlande où il faut traverser des villages pulvérisés par la guerre civile et inhabités, échapper aux patrouilles khmères, éviter de se faire sauter sur une mine (tous les fuyards ne s’en sortiront pas), … Chaos total chez les « révolutionnaires » où une gamine d’une quinzaine d’années a droit de vie et de mort sur les centaines de « rééduqués » du camp, purges « idéologiques » à tous les niveaux chez les khmers, séances de lavage de cerveau sur des gamins tout juste en âge de marcher, …

Les killing fields

Une séquence extraordinaire, lorsque les journalistes et Dith Pran se font capturer par une escouade khmère. Les occidentaux se retrouvent avec le canon des flingues sur la tempe, pendant que Dith Pran, mains jointes, essaye de négocier leur survie avec celui qui est leur chef. Cette discussion (quelques autres aussi plus tard) n’est pas traduite ou sous-titrée, on comprend rien et on sait pas ce qui va se passer. C’est fait exprès, y’a pas un bug technique, Joffé a voulu mettre le spectateur en « situation », à la place des journalistes, qui ne savent pas s’ils vont se faire dégommer ou être relâchés.

Quelques couacs aussi. Cette histoire d’amitié et de reconnaissance éternelle est quelque peu enjolivée. Schanberg n’avait guère d’estime pour Dith Pran, le traitait plutôt dans la vraie vie comme du poisson pourri, jusqu’à ce que le cambodgien lui sauve la vie. Une scène aussi, guère convaincante, n’a jamais eu lieu. Celle où Malkovich, vient, sorte de conscience à la Jimini Cricket, faire la morale à Schanberg le jour où celui-ci reçoit le Prix Pulitzer. Le plus gros foirage est la scène des retrouvailles, pathos larmoyant totalement surfait avec en fond sonore (what else ?) le « Imagine » de Lennon (alors que les reste de la bande musicale est plutôt bon, signée en grande partie par Mike Oldfield).

Malgré ces quelques réserves, « La déchirure » (quel titre imbécile en français !), est un grand et bon film, avec en toile de fond le terrible régime de Pol Pot, peu utilisé par le cinéma …


BUDDY HOLLY & THE CRICKETS - THE CHIRPING CRICKETS (1958)

 

Holly soit qui mal y pense ...

25 Février 1957. Séances d’enregistrement de « That’ll be the day », paru cinq mois plus tard. 3 Février 1959. Mort de Buddy Holly dans un crash d’avion. En comptant large, 23 mois de « carrière ». Enfoncés Hendrix, Cobain, et tous les crucifiés du Club des 27 (de toutes façons Holly n’avait que vingt deux ans). Question reconnaissance posthume, Holly bat tous les records.

Parce que parmi ceux qui l’ont comme référence primordiale, y’a du lourd. Du très lourd.

Buddy Holly & the Crickets

Bob Dylan. Dans son discours (qu’il a envoyé, il a pas daigné se déplacer) à l’occasion de la remise du Prix Nobel de littérature (2016), il cite comme influence majeure (en lieu et place de tous les Guthrie, Seeger ou Leadbelly auxquels on était en droit de s’attendre) Buddy Holly. Il explique qu’à dix sept ans, il a fait 150 bornes pour le voir en concert, deux jours avant sa mort. Et qu’il a ressenti pendant le show l’émotion musicale de sa vie, que c’est grâce à Buddy Holly qu’il a voulu écrire des chansons et les jouer sur scène.

Les Beatles. Un certain John Lennon, traumatisé par son second (et dernier) disque (l’éponyme « Buddy Holly ») se fait le même look que lui, (coupe de cheveux et binocles) et baptise le premier groupe qu’il forme avec McCartney les Silver Beetles, en hommage aux Crickets, les accompagnateurs de Buddy Holly. Les Beatles reprendront « Words of love » sur « Beatles for sale » leur quatrième disque.

Les Rolling Stones. Leur troisième single anglais est une reprise de « Not fade away » (numéro 3 des charts). C’est aussi leur premier single paru aux Etats-Unis.

C’est pas tout. De tous ceux que l’on qualifie de « pionniers » du rock, Buddy Holly est un des très rares (avec le Johnny Burnette Trio) à opérer avec un backing band attitré, les Crickets. Qui faisait qu’il pouvait sortir des disques sous son nom propre ou avec son groupe (de toute façon, c’étaient les mêmes qui l’accompagnaient). Seul Rod Stewart a fait aussi bien voire mieux à l’époque des Faces, dont il était le chanteur (chez Warner), les mêmes Faces l’accompagnaient sur ses disques solo (chez Mercury). Buddy Holly, en « solo » ou avec les Crickets, était chez MCA.

Buddy Holly

Plutôt pingre, la vénérable maison ricaine. Ce « Chirping Crickets » dure 26 minutes pour 12 titres. Ce qui aurait pu laisser de la place pour rajouter quelques singles dont le Holly n’était pas avare (un tous les deux mois en moyenne, et pas des bouche-trous). Pour ne rien arranger à l’histoire, ce disque est doté d’une pochette assez repoussante. Certes, Buddy Holly et ses copains n’étaient pas des sex symbols (on leur donnerait cinquante balais chacun), mais j’espère qu’ils ont pas payé le photographe. Avec en plus d’avoir l’air totally neuneu, il manque un morceau de la tête à celui à gauche de Buddy Holly (en fait non, après avoir vu plusieurs photos sur le Net, il avait une coiffure vraiment très étrange) …

Mais comme un disque, belle pochette ou pas, c’est surtout fait pour être écouté, il y a quoi à se mettre entre les oreilles dans « The chirping Crickets » ? Au moins cinq classiques du binoclard. Avec par ordre d’apparition « Oh boy » (rockabilly aux relents de gospel), « Not fade away » (transposition en encore plus saccadée du Diddley beat), « Maybe bay » (quintessence du Buddy Holly style, premier génie pop ever, du Beatles avant l’heure), « It’s too late » (grille d’accords éternelle pour chialer dans sa bière parce la baby elle s’est barrée), et l’imputrescible « That’ll be the day », un des classiques absolus du rock des 50’s.

Ce qui permet de se rendre compte de plusieurs choses. Buddy Holly était un compositeur de génie, et un chanteur étonnant, vocalement limité à bien des égards, des limites qu’il arrive à compenser par un élan juvénile (on y va, on fonce, on verra bien …), participant à la création de ce phrasé approximatif à base de hiccups et de changements incessants d’octaves, que l’on trouve souvent dans le rock des pionniers.

Autre chose dont on se rend compte. Les trois-quarts des titres sont cosignés par Norman Petty, également producteur exécutif. On a longtemps vu dans Petty une sorte d’escroc à la Colonel Parker. Sauf que contrairement au faux bidasse d’Elvis, Petty avait déjà un petit nom dans le music business, ayant travaillé avec notamment Roy Orbison et « découvert » le tout jeune Waylon Jennings qui intègrera la dernière version des Crickets (et a eu la bonne idée de céder sa place dans l’avion qui allait se crasher au Big Bopper). Bon, sinon Petty s’est paraît-il bien gavé abusivement de droits d’auteur, mais son travail en studio est incontestable, et il n’est pas stupide d’affirmer (tendance générale) que sans Norman Petty, il n’y aurait pas eu de Buddy Holly, ou du moins pas à ce niveau-là.


Parce que Holly est un défricheur. Et un traditionnaliste à la fois. Défricheur parce qu’il a introduit dans le rock des fifties, un caractère mélodique inédit, séparé, voire déconnecté de l’aspect rythmique qui jusque là l’incluait (voir le cas d’école Chuck Berry, où c’est le rythme qui contient la mélodie). Et traditionnaliste parce que Buddy Holly part très souvent d’extrapolations de choses bien définies comme le gospel (« Oh boy ») et surtout le doo wop (« You’ve got love » et les quatre derniers titres de la rondelle, pas les plus connus et qui font un peu office de remplissage tant ils semblent déclinés à l’identique d’une même matrice).

Le remplissage final, certainement pour capitaliser sur les premiers succès des singles (« That’ll be the day ») finira dans le Top 3 des hit-parades), limite l’impact de ce premier Lp. Les progrès en termes de composition de Buddy Holly seront exponentiels, les titres d’anthologie s’enchaîneront à une vitesse frénétique. Le « Buddy Holly » paru à la fin de la même année sera meilleur.

Une bonne compilation (« The very best of Buddy Holly & the Crickets » de 1999 est parfaite) reste cependant la meilleure porte d’entrée pour l’œuvre de l’auteur le plus original des années 50.


Du même sur ce blog : 

Buddy Holly
The Very Best Of Buddy Holly & The Crickets