CREEDENCE CLEARWATER REVIVAL - LEGEND (2002)


Essentiel ?
Il est assez étonnant de voir que Creedence, qui fut pendant quelques années (et pas n’importe lesquelles, celles de la fin des années 60 où il y avait quand même encombrement de talents) le roi incontesté des charts américains, est aujourd’hui à peu près complètement oublié. Il serait temps que le peuple se mobilise pour réhabiliter Fogerty et sa troupe. La réhabilitation de Creedence, voilà une revendication qui aurait de la gueule. N’est-ce pas les gilets jaunes, si tant est qu’il y en ait quelques-uns parmi vous qui sachent lire et formuler une doléance cohérente (le régime merguez-Heineken à fortes doses montre vite ses limites quand il faut utiliser son QI), voilà une revendication autrement plus importante que le prix du carburant, le pouvoir d’achat, ou la démission de Macron (vous voyez qui c’est lui, le quadra aux poses messianiques à la Don Camillo, et qui vous a fait croire qu’il allait mettre notre pays en marche, alors qu’il est juste encore plus nul et arrogant que Mr Gayet et Sarko réunis, ce qui n’est pas peu de chose, et qu’il est accompagné par une bande de têtes de nœuds genre Le Maire, Darmanin, Grivaux, Castaner, liste loin d'être exhaustive, qui devraient repartir au plus vite d’où ils viennent, la troisième division de la droite centriste et de la gauche molle, et arrêter de se prendre pour des hommes politiques, eux à qui on ne voulait même pas confier le nettoyage des latrines au siège de leurs anciens partis respectifs) ? … La France va mal, camarades ( ? ), raison de plus pour écouter Creedence … qui eux n’ont jamais fait de politique (quoi que, on y reviendra si j’y pense), mais qui étaient à peu près aussi mal habillés qu’un Breton mécontent et bourré (pléonasme) en bonnet rouge et / ou gilet jaune…
Remarquez, sans les chemises de bûcheron à carreaux, avec quoi auraient bien pu se fringuer Neil Young, Bruce Springsteen et Kurt Cobain ?
John Fogerty, Tom Fogerty, Doug Clifford, Stu Cook
Creedence, c’était la revanche des ploucs sur les types (et les nanas) dans l’air du temps. Ils étaient pourtant au bon endroit (la Californie, du côté de San Francisco) au bon moment (le milieu des années 60). Comme l’Airplane, Quicksilver, Grateful Dead. Sauf qu’ils n’ont pas cherché à inventer un langage musical sous LSD. Et qu’ils ont peut-être jamais foutu les pieds à Haight Ashbury, se contentant de leur morne El Cerrito (banlieue nord-est de Frisco, de l’autre côté de la Baie).
John Fogerty aime le rock’n’roll des origines, Presley et consorts. Son pote de lycée, Doug Clifford, pareil. Tous les deux rêvent de faire de la musique, sans ambition, juste un college band. L’affaire s’emmanche quand John se fait offrir par ses parents une Silvertone pourrie d’occase et que Doug se bricole une batterie à base de pots de fleurs. N’ayant pas eu l’idée de s’appeler les White Stripes ou les Black Keys, il leur faut du renfort. Ce sera Stu Cook (parce qu’il est dans la classe de Clifford, et quand on les fait s’aligner par ordre alphabétique, ils se retrouvent à côté). Cook est pianiste (enfin il sait vaguement jouer du piano). L’aventure en trio commence, sous des noms totalement improbables qui ne tiennent que le temps de dégoter un concert où ils jouent (des reprises) dans l’indifférence générale.
Version trio
Les minots sont motivés, et finissent par être reconnus (dans leur pâté de maisons et leur lycée). Entre-temps, Cook est passé à la basse. Il est temps de faire un gros coup. John propose à son frère aîné Tom de les rejoindre. Tom, c’est la star des Fogerty. Il compose, joue de la guitare en faisant des solos et chante dans un groupe « célèbre ». Quelquefois même dans des bars ou des clubs à pfff … des quinze ou vingt kilomètres d’El Cerrito. Sur la seule renommée de Tom, le quatuor « explose », sous le nom de Tommy Fogerty & The Blue Velvets. Il quitte le lycée d’El Cerrito pour jouer dans les mêmes rades que fréquentait Tom. Pour les trois pieds-nickelés originels, c’est le jackpot artistique. Ils enregistrent même une paire de 45 T sans aucun succès. Mais à force de s’acharner, les quatre zozos voient leur audience s’accroître, et finissent par décrocher des contrats pour des concerts devant des dizaines de personnes. Et là surgit l’accident industriel. Tom, incontesté chanteur guitariste et leader est bouffé par le trac dès lors que l'assistance est composée d’autres personnes que ses copains. John commence donc à chanter et à prendre les solos. Et tant qu’à faire comme c’est lui qui va les chanter, à composer les titres de leur répertoire. Une sono asthmatique l’oblige à s’égosiller au micro, ce qui donnera ce chant forcé immédiatement reconnaissable.
Tout passe, et même l’adolescence. Faut bosser, faire l’armée tout ça … Le groupe (qui a encore changé de nom après que ses 45T se soient vautrés) est mis en sourdine. John glandouille chez Fantasy Records, micro label orienté jazzy, qui récupère par hasard un hit (au niveau de la Californie) et un peu de fric. John suggère au patron de Fantasy de signer son groupe, qui, c’est pas lui qui choisit, s’appelera les Visons. Puis les Golliwogs. Des 45 T suivent avec les bides habituels. Le patron de Fantasy vend en 1967 sa boîte à un de ses employés, Saul Zaentz. Qui hérite donc des Golliwogs. Qu’il somme de se rebaptiser en optant pour un nom à la Quicksilver Messenger Service, qui commence à se faire un nom à San Francisco. Les trois mots choisis seront Revival (l’ambition de remettre le rock’n’roll au goût du jour), Clearwater (la pureté, la nature, les utopies hippies, …) et Creedence parce que Tom a un pote qui se prénomme comme ça et que ça le botte un nom de baptême pareil …
Parenthèse : John Fogerty voue depuis des décennies une haine féroce et tenace vis-à-vis de Saul Zaentz (l’humiliant même dans une chanson et son clip plein de cochons « Zanz Kant Danz » sur son disque solo « Centerfield » en 85). Il s’est peut-être (sûrement ?) fait escroquer par un contrat tordu, mais sans Zaentz, point de Creedence, parce que fallait y croire ou être un sacré visionnaire pour signer cette bande de péquenots et leur drôle de musique ringarde en 67. Fin de la parenthèse …
Creedence live
Et là, tout à coup, ça fonctionne. Le premier single (« Porterville ») est remarqué, le second (« Suzie Q ») est un succès. Creedence sera un groupe à singles. Des singles rustiques, pleins à la gueule de ce rock’n’roll fifties, avec des touches de country ou de blues. Pendant quatre ans, de 68 à 71, tous leurs singles finiront en haut des charts américains, beaucoup plus rarement ailleurs. Creedence est un groupe de pécores, de traditionalistes, qui portent haut l’étendard du « c’était mieux avant ». John Fogerty est capable en deux minutes trente de choses fulgurantes, d’une simplicité et d’une évidence bibliques (« Bad moon rising », « Fortunate son », « Travelin’ band »). Mais aussi des ballades définitives (« Who’ll stop the rain », « Have you ever seen the rain »). Sa voix forcée peut lui permettre de reprendre Little Richard sans se couvrir de ridicule (« Good Golly Miss Molly »), tout comme McCartney ou Wanda Jackson (liste close). Il sait se fendre de quelques solos de guitare « acide » dans l’air hippy du temps, sans prétention, mais sans se ridiculiser. Les albums (en gros un tous les huit mois) cartonnent …
Chaque médaille ayant son revers, CCR a sa dark side. Le Tom, de star du groupe lors de ses dures années originelles, est un faire-valoir, un comparse de John qui lui focalise regards et louanges. Le bond frisé va très mal vivre cette situation, les rapports avec les autres et surtout son frangin seront vite détestables et il quittera le navire après l’enregistrement de « Cosmo’s Factory ». Et puis, les albums de Creedence sont inégaux. Même s’ils contiennent toujours les singles. Parce que Fogerty a la fâcheuse habitude d’étirer des titres au-delà du raisonnable, dans des jams bluesy cotonneuses, à faire passer les frères Allman pour des types concis et Canned Heat pour un groupe plein d’imagination. Tous leurs meilleurs disques (les cinq premiers) comptent en leur sein ces pénibles « Suzie Q pt I & II », « Graveyard train », « Keep on chooglin’ », « Ramble tamble », « I heard it to the grapevine ». De leur discographie, « Cosmo’s factory » est toujours cité comme leur apogée. Désolé, mais avec « I heard it … » et « Ramble tamble », soit vingt minutes et donc la moitié du disque, z’êtes sûr ? « Cosmo’s … » est très daté et commence à perdre de cette dynamique, de cette fougue qui faisaient tout le succès et le son Creedence des singles. Perso, je trouve celui d’avant, « Willie & the poor boys » infiniment meilleur, c’est le plus roots, aucun titre au-dessus des six fatidiques minutes.
John Fogerty
Venons-en à « Legend » donc. Un coffret de trois rondelles sorti au milieu des années 90. Réédité par Warner Jazz ( ? ! ) France en 2002. Remastérisé pour l’occasion en 24 bits, et avec un bon livret bilingue (une page en français, en face la version anglaise), dans lequel j’ai pioché les infos biblio du dessus. Rien à dire, bel objet. D’autant plus que comme Creedence n’a sorti que sept albums studio (plus un live très dispensable), les six premiers sont dans l’ordre chronologique sur le coffret plus les trois singles (plutôt corrects) issus de leur chant du cygne, le plutôt mauvais « Mardi-Gras ». Pas une intégrale studio, mais pas loin. D’autant que (voir les rééditions avec bonus des albums pris séparément), il semble bien qu’il n’y ait que peu de matériel studio inédit chez Creedence (faut dire qu’à la vitesse où ils paraissaient, ça laissait pas trop de temps aux fioritures et aux expérimentations).
On peut donc mesurer l’évolution du Creedence sound (un peu fouillis aux débuts, genre swamp-rock), celui-ci culminant à mon sens sur « Green river » (le troisième, le plus rêche, avec Fogerty qui ne chantera plus jamais aussi sauvage). Ensuite, très discrets sur « Cosmo’s … », les instruments additionnels au strict deux guitares basse batterie des débuts viendront encombrer le paysage sonore (claviers, cuivres façon revue Stax sur « Pendulum »). C’est joli, bien fait, « surproduit » par rapport aux débuts, mais la magie et la hargne de la jeunesse sont partis …
Creedence a vécu un peu en marge de la musique dominante américaine (apparition – quelconque – du groupe à Woodstock étant l’exception qui confirme la règle), mais en sachant garder les pieds sur Terre. Trois chansons, et pas des moindres (« Fortunate son », « Who’ll stop the rain », « Have you ever seen the rain ») font référence au conflit du Vietnam et valent bien dans l’esprit les pamphlets de Country Joe ou le « Machine gun » d’Hendrix et de sa bande de gypsys.
Fogerty, s’il a pas mal visité les autres, est un grand auteur. Et une marque de fabrique américaine, purement américaine. Sans doute que sans lui, les carrières de Bob Seger ou Springsteen n’auraient pas été les mêmes, pour parler des plus évidents. Fogerty a pas mal repris, mais a laissé quelques bornes de la musique populaire américaine difficilement contournables. Deux exemples suffisent. Tina (et Ike) Turner ont boosté leur carrière lorsque Tina s’est mis à reprendre de façon fellatoire (le sort qu’elle faisait au micro, avec les Ikettes poussant à l’orgasme aux chœurs) « Proud Mary » (pourtant une histoire toute con d’un bateau avec roues à aubes qui descend un fleuve), et la seule « Run through the jungle » (déjà un titre un peu à part dans le répertoire de Creedence) reprise par le Gun Club a généré tous les les groupes de rock « torturés » des années 80 (Noir Désir par ici) … Sans parler du « Fortunate son » adapté par Labro pour feu Hallyday …
Creedence était, en dehors de son trajet interne, de toutes façon condamné. Un clone bruyant et bourrin (Grand Funk Railroad, un nom en trois mots, tiens tiens …) le remplaçait en haut des charts à grands coups d’hymnes démagos et simplets. Et de toute façon Led Zeppelin mettait aux States tout le monde d’accord …
Creedence est un groupe essentiel. Dont les albums pris un à un le sont moins …