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SANTOGOLD - SANTOGOLD (2008)


Un petit tour et puis s'en va ?

Ce serait en tout cas un concept à redécouvrir, comme dans les sixties où les one-hits wonders se succédaient, surfant un jour en haut de la vague des sons nouveaux et puis disparaissant à jamais dès que la mode changeait … Maintenant, l’insouciance matérielle c’est fini, on veut faire « carrière » dans le monde de la variété et on s’entête, s’entête à perdurer …
Santogold : Fashion victim ?
Santogold (aujourd’hui, je sais pas pourquoi et je m’en contrefous, elle se fait appeler Santigold, sûrement quelque procès, matérialisme quand tu nous tiens …) a fait parler d’elle il y a quatre-cinq ans, planquée derrière un titre qu’on entendait partout, une bluette maligne avec couplets, refrains et arrangements bien foutus, ça s’appelait « L.E.S. Artistes ». L.E.S pour Lower East Side, Santi White (son vrai nom) est avant autre chose, new-yorkaise. Fille de bonne famille, un boulot dans la com musicale, pote avec ceux qui sont touchés par leur quart d’heure warholien de célébrité, genre Mark Ronson, Spank Rock, ou la très pénible M.I.A. (à laquelle on l’a souvent comparée, faudrait d’ailleurs qu’on m’explique pourquoi).
Ce « Santogold » s’ouvre bien sûr par « L.E.S. Artistes » et se veut un disque à la pointe de la tendance, de la branchitude. On y trouve bien sûr les habituelles saletés genre course au son inaudible high-tech et à la chanson la plus destructurée possible, la palme revenant dans cet exercice au malheureusement bien nommé « Unstoppable », mais des choses comme « Creator » ou « My Superman » méritent un accessit tant elles sont pénibles.
En fait, elle a de la chance, Santomachin, elle aime bien le reggae-dub-ragga, et moi aussi. Et je suis prêt à pardonner beaucoup de choses à quelqu’un qui sort des titres comme « Say Aha » (le genre de ska-dub que ferait un Linton Kwesi Johnson très en colère rythmiquement), « You’ll find a way » (du punk-dub ? comme si les Pixies s’étaient fait produire par Lee Perry ?), ou encore un dub (« Shove it ») dans la lignée de ceux des Clash sur « Black Market Clash ».
Si l’on rajoute une chansonnette pop sympa (« Lights out »), et un morceau , « Starstruck » qui pique pas mal de choses à un joli hit underground oublié des 90’s, « Paraffin » de l’également oubliée Ruby, on a avec ce « Santogold » un de ces mignons disques futiles de son temps, amusants mais un peu vains, et donc furieusement démodé aujourd’hui.
La dame semble avoir voulu refaire parler d’elle ces derniers mois, elle a sorti un nouveau skeud totalement ignoré … One hit wonder je vous disais …

FATBOY SLIM - BETTER LIVING THROUGH CHEMISTRY (1996)


Joueur de disquettes ...

Et on pourra pas dire le contraire, y’en a une sur la pochette …
Bon sinon, lui c’est le Guetta des années nonante, à égalité avec Moby. Au moins en terme de popularité, le technoïde qui a vendu des millions de disques et drainé des milliers de personnes à ses … hum … concerts. La preuve que c’était un type qui comptait, c’est que Eminem (le grosse affaire du rap de l’époque, qui voyait en lui un rival commercial) en avait fait son ennemi et une de ses cibles privilégiées.
Pourtant il était plutôt cool, Grosgarçon Mince. Et c’était assez marrant de voir que la figure de proue de la musique des djeunes était un type à la trentaine bien sonnée, et qui venait de « chez l’ennemi ». Ce que n’ont pas manqué de lui reprocher les autres joueurs de disquettes, et aussi tous les pop-rockeux quand ils ont su que le Fatboy, dans une autre vie et sous un autre nom (Norman Cook) avait été le bassiste des Housemartins. Lesquels Housemartins (bon groupe au demeurant, leur « London 0 – Hull 4 », est un des bons disques ignorés des 80’s), depuis longtemps disparus, n’avaient jamais eu leur nom aussi souvent cité …
Fatboy Slim réinvente le mange-disques ...
« Better living … » est le premier disque de Fatboy Slim, qui grouillote dans le monde des machines depuis pas mal de temps, son plus haut fait d’armes étant jusque-là sa participation aux éphémères Beats International, une des météoriques figure de proue des années house …
Fatboy Slim a un gros avantage sur des condisciples techno, il vient du rock, en connaît parfaitement les rouages et grosses ficelles, et à l’heure où les joueurs de disquettes commencent à se tourner vers les rythmes binaires qui claquent (Prodigy, Chemical Brothers, …), qui d’autre que lui pouvait être mieux placé pour incarner la musique électronique recherchant la plue-value marchande en mettant dans sa poche le public « rock », et surtout son pognon …
Même si le premier single (« Everybody needs a 303 ») sorti de ce « Better living … » ressemble à une chanson ( ? ) d’amour ( ?? ) à un synthé (le Roland TB 303), ce qui fera la renommée et la fortune de Cook, c’est lorsque qu’il se tourne résolument et sans équivoque vers le « rock », ou du moins ses clichés … Comme sur « Going out of my head », basé sur un gros riff de guitare garage, voisin de celui de « Louie Louie » qu’il fait tourner en boucle. Et quand c’est pas des clins d’œil appuyés au rock, c’est à de vieilles choses de la même « famille », comme la country sur « The sound of Milwaukee », le hip-hop du début des 90’s (« Song for Lindy », agrémenté de piano house et d’une boucle de guitare filtrée), le groove psyché (« The weekend starts here » qui évoque les Beastie Boys guitare-basse-batterie-claviers de « Check your head »). On trouve aussi une sorte de jazz-funk électronique (« First down ») comme Herbie Hancock en faisait dans les 70’s, et quelque chose qui semble un hommage aux premiers disquette heroes du début des années 90 (Orbital, Shamen, …) « Give the po’ man a break ».
En fait, plus qu’un défricheur sonore, Fatboy Slim est plutôt un recycleur malin, piochant à droite à gauche des sons « nouveaux », des gimmicks « tendance », les assemblant dans un format radiophonique (pas de titres de vingt minutes). Même s’il se laisse aller à quelques facilités (le démonstratif « 10th & Crenshaw », aussi intéressant qu’un solo de guitare de Joe Bonamassa, le mal nommé « Punk to funk » sans rien de punky ou de funky), Fatboy Slim a réussi un disque bien foutu de techno centriste et commence à se positionner comme quelqu’un qui « compte » dans le milieu. Le jackpot viendra deux ans après « Better living … » avec un disque encore plus « facile » disent les puristes, en tout cas encore plus consensuel, « You’ve come a long way, Baby » …

NEW ORDER - SUBSTANCE (1987)


Je dirais en substance ceci ...

Que presque deux heures et demie pour un Best of des cinq premières années du groupe, c’est juste … un peu beaucoup. L’on me dira que les cinq premières années du groupe sont les meilleures et l’on aura raison. L’on me rétorquera aussi qu’il s’agit là de documents sonores essentiels, puisque la plupart des choses présentes sur ces deux rondelles ne figurent pas sur les albums officiels du groupe. Oui, mais voilà, New Order est-il un groupe essentiel ? A mon humble avis, …
J’en sais rien, et de toutes façons, je m’en tape de New Order. Ces types-là, personne aurait misé un kopeck sur eux. Charisme d’endives blettes, joyeux comme un discours de Jean-Marc Ayrault. Et ceux qui avaient suivi (ils avaient pas perdu trop de temps, l’aventure avait été brève) Joy Division, savaient que Summer, Hook et Morris, n’étaient que des comparse sans intérêt. Joy Div, c’était les nerfs à fleur de peau de Curtis,  le son d’Hannet et la débrouille de Wilson. Point barre …
D’ailleurs New Order n’en a pas rajouté sur la « filiation », se contentant juste de s’approprier à leurs débuts quelques titres non finalisés de Joy Div comme « Ceremony », leur premier single qui ouvre cette compile (et même si maintenant ils ne se privent pas, en bons rentiers de la chose pop, de reprendre du Joy Div au rappel, si j’en crois le live report d’un de leurs fans marseillais). Et bizarrement, New Order, qui s’est très vite tourné vers un genre passablement encombré et encombrant (l’electro-pop), a réussi à traverser les décennies sans que l’évocation de son nom provoque quolibets et franche hilarité (quoique …).
Et dans ce genre-là, des gens comme Depeche Mode ou les Pet Shop Boys sont infiniment plus talentueux, Bronski Beat ou les Communards beaucoup plus concernés, et Frankie Goes to Hollywood et Culture Club nettement plus rigolos. Mais aucun de ceux-là ne s’est trouvé dans l’œil du cyclone. Les New Order si. Plus ou moins accidentellement d’ailleurs, ayant investi leurs royalties dans la co-propriété d’un club, l’Hacienda à Manchester, duquel allait à peu près surgir tout le rock indie anglais des 90’s. New Order ont laissé traîner les oreilles, et fait leurs tous les sons des white labels que l’élite des DJ’s mondiaux poussait sur les platines de l’Hacienda …
Avec plus ou moins de bonheur, cette compilation est là pour le rappeler. Passons sur le second Cd, qui contient les faces B des singles ou maxis du premier. Chacun sait qu’une face B de 45T n’a aucun intérêt (tout le monde peut sortir un double blanc – la preuve – mais pas un single « Penny Lane » / « Strawberry fields forever », la preuve ici aussi). Passons aussi sur les claviers à un doigt de la transparente Gillian Gilbert. Passons sur le pénible Hook et ses tentatives de revival du bass-hero, comme si ça n’avait pas suffi avec les funestes Jack Bruce, Chris Squire et Jannick Top. A titre perso, je passe aussi sur « Blue Monday », un titre que j’ai toujours trouvé pénible (c’est le maxi anglais le plus vendu de tous les temps, en France c’est celui de Début de Soirée, cherchez pas l’erreur, y’en a pas …), et je zappe le final du premier Cd (à partir du grossier « Subculture ») …
Reste une demi-douzaine de titres qui, il faut le reconnaître sont meilleurs que ceux d’OMD ou Human League. Qui nous montrent l’évolution de New Order, de la new wave martiale de « Ceremony » à la pop discoïde de « Perfect kiss ». Et même si je sais bien que c’est pas dans l’«esprit » du groupe, qui raisonnait en termes de singles beaucoup plus que d’albums, plutôt que ce pavé de « Substance », je conseillerais bien volontiers la réédition 2008 de « Power, corruption & lies », qui avec ses nombreux bonus, est pour moi d’assez loin le disque de New Order le plus intéressant…

Des mêmes sur ce blog :
Power, Corruption & Lies

THE SHAMEN - EN-TACT (1990)


A la croisée des chemins ...

Les Shamen c’est un groupe de rock emmené par Colin Angus et Will Sinnott, qui a viré techno. Ils ont bien fait, leurs premières années à guitare ont pas laissé des souvenirs impérissables. Par contre, lorsqu’ils se sont mis à jouer des disquettes, ils sont devenus une des figures de proue (avec leurs potes de Orbital) du mouvement techno-house naissant, et l’attraction la plus courue des premières raves « sauvages » de masse …
Colin Angus & Will Sin
Les Shamen, c’est dans le désordre, du rap, des chansons et de la techno, et ils sont les premiers, et encore aujourd’hui pratiquement les seuls, à avoir mixé ces trois genres que tout le monde croit antagonistes. Les Shamen c’est un hit (entendez un morceau populaire, écoulé par camions), nommé « Move any mountain » dans sa version ultime, un titre qui a subi une lente transmutation au gré des réenregistrements et des remixes, et qui était d’abord sorti sous le titre « Progen  91 ». Ce titre d’abord underground, deviendra un succès des free parties, obtiendra la reconnaissance de tous les pionniers de l’underground techno.
Et tous viendront apporter leur pierre à l’édification de ce « En-tact », premier disque des « nouveaux » Shamen. On trouve au casting, au gré des éditions différentes de ce disque (trois en tout, la première en 1990, deux suivront l’année suivante, l’essentiel des titres étant commun et identique) Orbital, Paul Oakenfold, William Orbit, 808 State, les Beatmasters, Renegade Soundwave, … tous gens ayant eu leur quart d’heure (ou plus) de gloire au début des années 90…
Comme Soul II Soul, mais avec le côté funky de supermarché en moins, les Shamen  s’efforcent de faire en sorte d’écrire des chansons. Entendez par là un truc avec des couplets, un refrain, des ponts, des breaks, une intro, … et avec leurs premières influences (le pop-rock psychédélique) affleurant un peu partout. Sans négliger pour autant de suivre tous les wagons techno qui se succèdent à grande vitesse. « Omega amigo » renvoie aux balearic beats de l’énième été de l’amour made in Ibiza, « Make it mine » le plus « rock » lorgne vers les grosses guitares qui feront la fortune des Prodigy et autres Chemical Bros, « Human energy » (les Shamen, en référence à leur patronyme, véhiculent mysticisme de bon aloi, écologie et good vibrations) a des faux-airs de « Funky town », la scie disco de Lipps Inc, « Hyperreal orbit » est la transposition des mantras  des 60’s dans les années Atari, « Lightspan » est juste un putain de grand morceau …
The Shamen 1992
Evidemment, pour faire comme tous leurs semblables, les Shamen n’ont pas pu s’empêcher, de garnir leur rondelle de quelques remixes, la plupart bêtes comme chou (« Make it minimal », « Hyperreal selecter »).
Les Shamen avaient tous les atouts pour devenir the big thing de la chose électronique, et de ratisser bien au-delà de cette seule chapelle. La noyade d’un des membres essentiels du groupe, Will Sin(nott) sera vécue par les autres comme un traumatisme, ses potes envisageant longtemps la dissolution du groupe, avant de revenir sans trop de conviction en studio pour des disques passant plus ou moins inaperçus. 


JULIAN CASABLANCAS - PHRAZES FOR THE YOUNG (2009)


La grosse tête ?

Ce doit être sympa d’être Julien Maisonblanches. Un papa fondateur de l’agence Elite, du fric plein les poches, un physique à lever toutes les top models de l’agence paternelle, le chanteur d’un groupe à la mode, c’est pas vraiment la biographie d’un bluesman du Delta.
Alors forcément, à lui moins qu’un autre, on va rien pardonner. Faut dire qu’il traîne pas mal de casseroles depuis qu’il s’est fait un prénom. Un caractère de cochon, et une fâcheuse tendance à vouloir que tout tourne autour de sa personne qu’il croit auguste. Alors là, en cette fin des années 2000, il sort un disque solo. Au mauvais moment, parce que tout le monde en attend un des Strokes, et sous le prétexte vaseux que ses acolytes en ont aussi sorti. Comme un enfant gâté qui n’en fait qu’a sa tête …
Ce disque est globalement assez vilain, pue l’argent facile gâché en studio et l’auto complaisance. Il donne l’illusion sur le premier titre, « Out of the blue », parce qu’on y retrouve des ingrédients connus, la voix nonchalante, la rythmique sautillante strokienne. Mais déjà, il y a tous ces synthés qui sonnent faux, qui font toc. Et toutes ces choses (les chœurs brumeux, les mélopées tristes) qui semblent des copier-coller venues de chez REM. « Out of the blue » donne la direction du disque, pratiquement tout est fait avec des machines, en empilant des couches de synthés datés, renvoyant plus que de raison à des choses anodines des funestes années 80 (le single « 11th dimension », c’est le retour des fantomatiques Visage, Human League et Spandau Ballet, et c’est juste ridicule, refaire ça vingt cinq ans après, où est l’intérêt ?), piquant sans vergogne les bonnes idées du Beck (le scientologue, pas Jeff) des débuts qui mélangeait country et electro (« Ludlow St »), plagiant quasiment des vieux tubes sixties certifiés (« Stand by me » et « Time is on my side » dans « 4 chords of the Apocalypse »), …
Si l’on ajoute à cette litanie oubliable, une ballade sans intérêt (« Glass »), et une autre tout juste à peu près avenante (« Tourist », rien que le titre très radioheadien, fait penser à du Thom Yorke enjoué, certes, mais du fuckin’ pénible Thom Yorke quand même), et quand on aura précisé que ce « Phrazes … » ne contient que huit titres, le compte des morceaux acceptables sera vite fait.
« Out of the blue » donc, plus « Left to right », jolie mélodie même si on n’y sent pas vraiment un Casablancas concerné. Meilleur du lot d’assez loin pour moi, « River of brakelights », le plus ouvertement electro du lot avec chanteur pour une fois « dedans », impliqué, morceau réminiscent de ce que faisait le King Crimson « reformé » des années 80.
L’on sait depuis que ce disque et l’attitude dilettante de Casablancas ont hypothéqué forcément longtemps la parution du quatrième Cd des Strokes, et la survie même du groupe qui l’a révélé.
Tout ces caprices de gosse (de) riche pour çà ? No way …

KRAFTWERK - THE MAN-MACHINE (1978)


1984 ...

Et si le meilleur disque fait avec des machines, c’était celui-là, sorti bien avant que les machines prennent le pouvoir sur la création artistique … Kraftwerk fut pendant quelques années à la fin des seventies, un groupe tellement en avance sur son temps que la plupart des musicologues et de ceux qui causaient musique ne savaient trop qu’en penser.
Comme tous les autres, les Kraftwerk n’ont à proprement parler rien inventé. Tout juste ont-ils laissé sédimenter sur leurs premiers disques, des sons et des influences peu souvent usités. Ils ont été les premiers et restent encore parmi les seuls (avec Suicide et Air je dirais) à avoir dépassé le cadre expérimental dans lequel des générations entières de joueurs de disquettes se sont perdus depuis, à savoir produire des sons et des ambiances. Kraftwerk, ce qui change tout, c’est qu’ils écrivaient des chansons. Et des chansons pop. Ils sont fans des Beach Boys (leur premier succès, « Autobahn », plus de vingt minutes au compteur, est une extrapolation électronique de « Barbara Ann » de la bande des frangins Wilson), et des Beatles. Et peut-être plus lucides que d’autres, plutôt que de partir dans une fumeuse quête mystique, cosmique, et finalement comique, comme tant dans le krautrock pour transcender le format chansons (ce qui a invariablement donné des surenchères techniques, les solos de dix minutes, les funestes prog et jazz-rock, …), les Allemands ont fait dans le dénuement.
Les hommes et leurs machines
Avec leurs antiques synthés forcément cheap et uniquement avec eux, ils ont écrit des titres d’une naïveté confondante, et qui bizarrement, ont bien vieilli, ou plutôt n’ont pas du tout vieilli. Enfin, naïveté, c’est pas vraiment adéquat. Ils ont su en plus concevoir tout un monde autour de leur musique, et il n’a rien de simpliste ou de naïf. Krafwerk ne fait pas de sa musique un concept (comme tous les zicos « cérébraux » qu’on nous vend depuis cent ans), c’est Kraftwerk lui-même qui est le concept. Puisant dans le passé leur look (uniformes, coupe militaire, gomina, mélange des symboliques totalitaires nazies et communistes sur l’artwork et le lettrage du disque, rien n’est laissé au hasard …).
« The Man-machine » est un concept-album autrement plus fin et audacieux que, au hasard, « Tommy » des Who ou « Tales from machin » de Yes. Qui fait appel à d’autres visionnaires, évidemment l’univers d’un Fritz Lang pour « Metropolis », les œuvres littéraires d’un Orwell ou d’un Huxley, tous ceux qui décrivaient un monde dans lequel l’homme avait perdu le pouvoir. Cette soumission, cette aliénation, tous ces comportements pavloviens régis par une société de consommation, mieux que personne, Kraftwerk les a exprimés avec ce disque.
Parce que oui, il y a des paroles dans leurs morceaux, elles aussi faussement naïves, niveau quarante mots d’anglais maîtrisés, mais qui en disent au moins aussi long que 3000 vers cryptiques de Bob Dylan. Les titres parlent d’eux-mêmes (« The robots », « Spacelab », « Metropolis », « The model », « Neon lights », « The man-machine »). Les Kraftwerk disent que oui, on nous conditionne comme des robots, que la conquête spatiale n’est qu’une fumisterie pour masquer l’incapacité de l’homme à vivre « naturellement » sur Terre, qu’entasser des gens dans des villes déshumanise la société, que l’apparence physique est devenue un diktat, qu’il n’y a rien de plus flippant qu’une autoroute bien éclairée, et que l’on ne réagit que selon des codes pré ingurgités et non plus spontanément.
Evidemment, c’était pas gagné d’avance, les esprits les plus fins ( ? ) de l’époque ont eu vite fait de taxer les Kraftwerk de néo-nazis ou aimables jugements à l’emporte-pièce du même acabit. Les mêmes qui lors d’un concert s’empressent de gueuler à tue-tête dès qu’un chanteur démago leur demande s’ils sont là… ne jamais oublier que le rock est un des genres musicaux les plus réactionnaires qui soient, de par ses origines et son évolution, servi par une cohorte de mégalos cyniques …
Les Kraftwerk ont laissé leurs ego aux vestiaires, signant collectivement leurs titres, alors même que l’on sait maintenant que tout ou presque était l’œuvre des deux seuls Schneider et Hütter. Les Kraftwerk étaient tellement en avance sur leur temps qu’ils ont inventé le home studio, ayant leur propre structure (le Kling Klang Studio à Düsseldorf, et leur ingénieur producteur attitré Conny Plank).
Et puis, je veux bien trouver génial Aphex Twin, Moby, LCD Soundsystem ou qui on voudra de leurs semblables, mais que le jour où ces gens-là seront capables d’écrire des mélodies comme celles de « The Robots », « The Model » et « Neon lights », on me le fasse savoir. Kraftwerk pourrait faire du Roni Size, du Boards of Canada (que ces minus croient pas que je les oublie), l’inverse n’est pas vrai.

BOBBY WOMACK - THE BRAVEST MAN IN THE UNIVERSE (2012)


Un come-back étonnant ...

Il ne devait pas y avoir grand-monde pour espérer un disque, et surtout un bon, de Bobby Womack en 2012. Même pas lui d’ailleurs …
Bobby Womack, 68 ans au compteur. Repéré par Sam Cooke (Bobby repèrera lui Barbara, la femme de Sam Cooke qu’il épousera, scandale médiatique à l’appui, trois mois seulement après l’assassinat du grand Sam), Womack deviendra la figure de proue et principal auteur du groupe doo-wop pré-soul Les Valentinos. Dont la reprise d’un de ses titres « It’s all over now » deviendra en 1965 un des premiers gros hits des Rolling Stones, ce qui offre une promotion artistique conséquente et une notoriété certaine. Bobby Womack végètera cependant des lustres avant d’obtenir son plus gros succès, l’album « The Poet » au début des années 80, avant de sombrer à nouveau dans l’indifférence du grand public.
Les cinéphiles l’avaient peut-être entendu en 2009 dans le fabuleux « Fish tank » (c’est sa reprise, quelconque il faut bien dire, de « California dreamin’ » qui est en fond sonore à plusieurs reprises dans le film). C’est Damon Albarn, l’année suivante qui le remettra encore sous les feux de l’actualité en l’embauchant pour son groupe virtuel Gorillaz, pour le Cd « Plastic Beach » et la tournée qui s’ensuivit. C’est le même Albarn que l’on retrouve partout, à la co-écriture, aux arrangements et à la production de ce « Bravest man … ». Un disque pour lequel il faut au préalable évacuer quelques méchants préjugés, à commencer par une pochette hideuse, mais c’est pas tout. Bobby Womack, à cause de l’âge et surtout d’excès opiacés en tout genre, n’a plus la voix du chanteur des Valentinos. Sa voix aujourd’hui est étrangement aiguë, éraillée et métallique, et on la devine fortement triturée par les machines d’Albarn en studio, pour un résultat qui peut parfois rebuter (comme sur « Stupid », titre sur lequel elle me paraît vraiment trop bidouillée et pénible), mais s’accorde généralement assez bien, voire très bien, avec la musique concoctée par Albarn.
Damon Albarn & Bobby Womack
« The Bravest man … » est clairement un disque de soul music. Mais là aussi, ceux qui attendent quelque chose qui sonne comme du temps de l’âge d’or sixties du genre, une resucée du son Stax ou Atlantic, risquent fort de se gratter l’occiput. « The Bravest man … » est clairement aussi un disque de son temps, les dernières bécanes et plug-in électroniques constituent l’essentiel de la trame sonore. Et la vieille légende et le (plus tout) jeune touche-à-tout n’y vont pas avec le dos de la proverbiale cuillère, le premier titre éponyme est le plus avant-gardiste du lot, mix improbable, surprenant et pourtant réussi entre trip-hop et soul, et pourrait figurer tel quel sur un Best of de Massive Attack.
Tout n’est cependant pas férocement expérimental et étrange. Il y a des titres soul bien dans la ligne du parti (en gros mélodie de baise et voix de braise), juste maquillés par un léger fond de teint électronique (« Please forgive my heart », un titre tout au feeling), un morceau avec juste la voix et une guitare acoustique (la reprise de l’antique classique « Deep river » qui du coup sonne comme un « Redemption song » ... de Marley , et surtout pas  comme la scélérate version de Jahnnick Noah). Il y a de très excellentes choses, avec un « Sweet baby mine » qui ressort du lot, les machines envoient une pulsation cardiaque sur une chanson soul vintage et ça le fait grave, il y a des tempos qui s’accélèrent vers la fin (« If there wasn’t something there » on jurerait une chute de Gorillaz), des choses qui renvoient au balancement dansant des autres Womack (en l’occurrence Womack & Womack, soit Cecil, le frère de Bobby et Linda, sa belle-fille et belle-sœur, puisque fille de Sam Cooke et femme de Cecil, vous suivez ?), ça s’appelle « Love is gonna lift you up » …
Il y a un hommage à Gil Scott-Heron (mort l’année dernière), l’un de ceux présentés comme les antiques parrains du rap, pote de Bobby et l’on entend sa voix dans l’intro de « Stupid », titre par ailleurs peu convaincant. Il y a un duo (très bon) avec l’actrice et chanteuse malienne Fatoumata Diawara (« Nothin’ can save ya »), une sorte de court rythm’n’blues tribal qui conclut le disque (« Jubilee ») et qui si on en juge par les rires de fin de bande est plus une récréation de studio qu’un titre vraiment finalisé.
Et puis il y a ce qui sera la grosse affaire de ce disque. Le genre de truc qui peut vous mener en heavy rotation sur MTV ou vous ringardiser à jamais, un duo avec Lana Del Rey. Etant d’humeur charitable, je ne dirais pas de mal du dernier cataplasme branchouille botoxé qui ravit tous les sourds aux goûts de chiotte de la planète. Je m’en tiendrais strictement à la qualité du titre (« Dayglo reflection ») qui mélange les voix du vieux faune et de l’aphone, et je dirais que l’alchimiste Lana Del Machin tourne là à plein régime, et confirme que tout ce qu’elle chante (enfin, chanter est un bien grand mot, elle essaye d’imiter la voix tuberculeuse de la Marianne Faithfull des années 80 et suivantes) se transmute instantanément en grosse daube.
Sinon, le reste du disque est très bon, c’est un disque de soul fait en 2012 par une des dernières vaches sacrées encore en vie, et ça pourrait même plaire aux geeks puceaux (pléonasme) qui attendent impatiemment la sortie du prochain iPhone …

THE REBIRTH OF COOL - VOLUME 3 (1995)



Recyclage of cool, volume 1756896584 …
Bon, là je suis chaud, Earhtling, Basement Machin… et comme le seul blog de ce pays consacré aux musiques électroniques (oxymore) a mis la clef sous le paillasson, manière d’aider à la représentation des minorités visibles (et surtout bruyantes), une ch’tite compile electro-machin-bidule …

A cette époque-là (le milieu des années 90), il en pleuvait littéralement des compiles plus ou moins techno, toutes les maisons de disques, y compris certaines crées pour l’occasion y allant de leur florilège de machins électroniques, généralement très mauvais. Le label Fourth & Bway (??) responsable de celle-ci se signale à l’attention des auditeurs potentiels en évitant les grosses daubes, affichant au générique valeurs sûres et buzz plus ou moins underground.
Leena Conquest
La chose est cependant rendue plus ardue par les versions anglaises et américaines de ces compilations, parfois aux pochettes identiques et aux contenus différents (ou le contraire), les versions anglaises contenant généralement plus de titres… bref, un vrai bordel pour s’y retrouver … Les plus perspicaces auront remarqué que les genres abordés (« The birth of cool » est le titre d’un disque de Miles Davis) s’inspirent, samplent, échantillonnent, de la musique venant du jazz, du blues, de la soul, en gros des musiques noires du paléolithique supérieur (début de la seconde moitié du XXème siècle). Les érudits diront que ça ressemble étrangement aussi aux compiles de la série « Jazzmatazz » fomentées par Guru, le rappeur de Gang Starr…
Donc sur celle-ci, y’a du lourd, du connu, du célèbre et célébré. Des titres parfois sous forme de versions alternatives, extended, single-edit, remixed, … tous ces colifichets sonores sans aucun intérêt mais qui ravissent les amateurs de la chose électronique, nique, nique (ton portefeuille) …
Pourtant d’entrée y’a de quoi retourner fissa aux Cramps. Une dénommée Jhelisa mélange house, jazz, soul et rap, l’objet du délit s’appelle « Friendly pressure » et y’a vraiment pas de quoi se relever la nuit pour l’écouter. Dans le même genre, Leena Conquest fait beaucoup mieux, allez savoir pourquoi, « Boundaries » ça s’appelle, et ça avait bien marché en son temps.
On peut zapper aussi, les ci-devant autrichiens très chiants Kruder & Dorfmeister, qui, ach, kolossale daube, testent plein de plug-in sur un machin tribal drum’n’bass totalement dépourvu d’intérêt. Ça s’appelle « Deep shit » et ça porte bien son nom … Y’a aussi un vieux funk très seventies de Freak Power, sympathique sans plus, mais un peu hors-sujet. Hors-sujet aussi, un titre de Tricky, très bon lui, mais totalement trip-hop et qui n’a rien de cool (d’ailleurs Tricky n’a jamais rien fait de vraiment cool, c’est un vrai méchant, lui …).
Portishead en pleine crise de fou rire
Bomb The Bass, avec un titre remixé et le featuring d’un rappeur jazzy est juste passable … Coldcut  fait avec ses boucles groovy intéressantes beaucoup mieux que ce que le teuton titre « Eine kleine hed music » laisse présager…
Reste quand même en plus de Leena Conquest, un bon titre peu connu de Portishead plus « léger » et moins oppressant que ceux qu’ils livraient à cette époque-là (« Revenge of the number »), un Beastie Boys de leur meilleure période (« Get it together » extrait de l’album « Ill communication »), et cocorico, MC Solaar, habitué de ce genre de compiles (il est aussi sur les Jazzmatazz), avec une version courte (single ?) de son « Nouveau western » qui sample davantage le « Bonnie & Clyde » de Gainsbourg que du jazz, mais qui bénéficie comme presque toujours à ses débuts des textes travaillés de Solaar …
En conclusion, une compile dans la norme de toutes celles qui regroupent autour d’un genre musical identique des artistes différents : les « stars » ressortent forcément du lot et les « inconnus » démontrent pourquoi ils le sont …


BASEMENT JAXX - REMEDY (1999)


Vendre des disques de techno ?

Les technoïdes ont toujours eu un problème avec les courbes de vente, se sont toujours posé des questions métaphysiques du genre : peut-on objectivement prétendre à l’avant-garde musicale et voir ses disques à côté de ceux de Sting ou Madonna dans le Leclerc du coin ? Et durant l’essentiel des années 90, le microcosme electro se gargarisa d’artistes prétendument incontournables … et inconnus d’à peu près tout le monde.
La réponse vint à la fin de la décennie d’un peu partout, et aussi, fait rarissime dans les annales, de France, avec les cartons commerciaux et internationaux de Air ou Daft Punk qui n’avaient pas grand-chose à envier aux succès de Moby ou Fatboy Slim. Et même si quelques puristes de la musique des joueurs de disquettes firent la moue, les faits étaient têtus, on pouvait faire de la « techno » au sens large, rester « crédible » et vendre du disque.
Basement Jaxx : et on fait tourner les serv ... les disques
La boîte de Pandore était dès lors ouverte (d’où allaient finir par sortir des Guetta, Solveig et consorts, mais c’est un autre problème), et il n’y eut plus de honte à faire de la musique electro « grand public ». Parmi les premiers à sortir du placard, Simon Ratcliffe et Felix Burton, le duo anglais Basement Jaxx. Dont ce « Remedy » est le premier Cd, après quelques obligatoires remix et maxis.
C’est pas élitiste, c’est sûr, pas très original non plus (les deux premiers titre dont le hit « Rendez-Vu » doivent beaucoup au son « vintage » compressé de Daft Punk), c’est juste fait pour attirer le plus de monde possible vers la piste de danse et accessoirement le tiroir-caisse. D’un autre côté, c’est pas sournois, c’est clairement revendiqué être fait pour. Alors ça a un petit côté festif, ensoleillé, chaloupé tout en restant martial et répétitif, funky à la Janet Jackson, Rihanna ou Beyoncé (c’est pas un compliment) comme le second gros succès du disque « Red alert », qui a fini dans la BO des Visiteurs 2, 3 ou 10, j’sais plus.
Il y a dans ce « Remedy » des choses anecdotiques, une tendance un peu trop visible à mettre en avant des gimmicks de violons manouches (« Stop 4 love »), des emprunts aux salseros sud-américains qui préfigurent les funestes Gotan Project et leur pillage en règle du tango (« Bingo Bango »), …  Il y a un acharnement à faire intervenir moultes chanteuses vaguement soul, une tentative ridicule de rap (« Don’t give up », rien à voir avec le duo de Peter Gabriel et Kate Bush) au cas où un minot à casquette à l’envers traînerait dans le coin ...
Bref, ça ratisse large, souvent un peu dans le vide, mais c’est pas désagréable, c’est juste … centriste (tiens, y’a longtemps que je l’avais pas placé celui-là), tout ça n’arrive pas à la cheville de « Dancing Queen » d’ABBA.
Ah si, j’oubliais, y’a un titre que je trouve vraiment bien, avec des slogans hurlés-rappés, des hurlements de femelles en rut, ça s’appelle « Same old show » et ce serait très bien dans la BO d’un Marc Dorcel … Comment ça j’ai l’esprit vulgaire ? Pas du tout, un film avec Clavier et Reno, c’est beaucoup plus vulgaire qu’un porno …
Bon, ben voilà … cette chronique ne pouvait finir qu’en sucette avec cette pochette de disque partouzarde …


EARTHLING - RADAR (1995)


Echos très favorables ...

Allez, un petit tour chez les joueurs de disquettes et assimilés … et tant qu’à faire, parce que de ces choses-là point trop n’en faut, chez les plus audibles du lot, la scène de Bristol du milieu des années 90. Vous situez, le trip-hop, ces joyeux drilles, tous ces dépressifs qui faisaient du dub ou de la soul au ralenti … Massive Attack d’abord, ensuite Portishead et Tricky … le trio majeur passé à la postérité …
Earthling live 20111
Ben y’avait pas qu’eux. Faut rajouter Earthling à la liste. Certes les moins connus (trois disques en presque vingt ans, dont le dernier l’an passé alors que tout le monde les croyait disparus à jamais, on peut pas dire qu’ils aient publié à des cadences infernales), mais auteurs d’un skeud, le « Radar » dont au sujet duquel je vais vous dire trois bricoles, qui doit figurer dans la poignée de Cds de trip-hop qu’on peut se laisser aller à écouter … de temps en temps, voire plus souvent, si affinités …
Déjà, au lieu de se distinguer avec du reggae-dub (Massive Attack), de la soul froide blanchie (Portishead),ou des trucs bizarres (Tricky), Earthling mélangeait aux ingrédients de base (tempos enfumés et ralentis, infra-basses, boucles et scratches) … du rap. J’entends déjà les cris de joie genre « du rap en plus du trip-machin, putain quelle misère, il en est réduit à causer de çà le Lester, ben, je vous dis, il est tombé bien bas, il file un mauvais coton là … ». Bon, partez pas, je vous dis que c’est bien …
Et même très bien. Surtout d’entrée de disque avec « 1st Transmission » (leur premier single) qui prend son temps pour installer la marque sonore du groupe (enfin groupe, ils sont deux et demi), alignant des séquences d’infra basses droit au plexus, avant que le rappeur Mau se pointe avec son flow traînard, à faire passer Doc Gyneco pour Little Richard. L’enfumé « Nefisa », un peu plus alerte, l’ambiance orientalisante de « Soup or no soup » (peut-être bien le meilleur titre du disque), la superbe voix de la guest Sarah Matthews sur « I still love albert Einstein », l’anti-machiste et anti-viol « Planet of the apes », et l’ultime et lentissime, teinté de blues et de jazz « I could just die » se détachent par leur originalité, et osons le mot, par leur beauté d’un ensemble homogène.
Le reste, loin d’être indigne, donne quand même l’impression de redite ou d’auto citation, marque moins les esprits, quelques titres lorgnant même effrontément vers Massive Attack ou Portishead (c’est pas qu’ils soient mauvais, ces titres, mais c’est du déjà entendu, et puis y’a le gars Geoff Barrow de Portishead qui traîne sur quelques plages de « Radar », ceci expliquant cela).
Verdict, évidemment sans appel : « Radar » est un chef-d’œuvre, à ranger à côté de « Blue lines » et « Dummy ».
A tout de même déconseiller aux dépressifs à tendance suicidaire …

SUBA - SAO POLO CONFESSIONS (1999)


Techno Bossa

Un parcours musical peu commun. Musicien plutôt catalogué world music et issu de l’ex Yougoslavie, Suba de son surnom, s’exile en France où il se reconvertit à l’electro, puis au Brésil où il tente de dépoussiérer un genre ronronnant depuis des années, la bossa nova.
Et contre toute attente, ce choc de deux cultures musicales très éloignées et dissemblables (la brésilienne traditionnelle et la techno et ses variantes) donne un résultat le plus souvent superbe. Quand les rythmes chauds sud-américains se mêlent avec bonheur à l’ambient, au trip-hop, aux boucles techno, il en résulte une nouvelle donne musicale qui propulse tous les genres abordés vers un futur musical jusque là inexploré.
La participation au chant d’artistes du cru crée de superbes morceaux où la chaleur des vocaux atténue la froideur mécanique des rythmes électroniques.
A noter un titre essentiellement basé sur des percussions ethniques (« Antropofagos »), qui fait penser à la démarche des hardeux de Sepultura (sur leur Cd « Roots ») lorsqu’ils avaient associé des tribus indigènes à leur métal bourrin.
Il me semble que ce « Sao Paulo Confessions » est le dernier album de Suba, artiste quelque peu « confidentiel », qui a péri peu après dans l’incendie de sa maison.

BJÖRK - POST (1995)


Rain Woman

C’était au temps béni ( ? ) où elle était l’égérie des bobos branchouilles et de toute l’intelligentsia fashion, en gros tous ceux prompts à adôôôrer le dernier cataplasme sonore avant de s’extasier de son contraire. Et elle ne perdait pas une occasion de faire sentir sa « différence », l’Islande, ses fringues flashy de mauvais goût, ses braillements aigus, son côté autiste lunaire. Tout cela faisant sourire, quand on avait connu l’indie-rock et la babacoolerie de ses précédents Sugarcubes. Troupe de hippies partouzards et alcoolos, s’il faut en croire ce qu’ils racontaient à la presse.
Björk en tenue camouflage ...
Et puis, Björk s’est muée en elfe new age, créature asexuée aux propos de modernité abscons, défricheuse téméraire de la chose pop. Foutaises et savant plan marketing, jolie mécanique de com enrayée par des grains de sable en forme d’hystériques pétages de plombs de diva capricieuse. Humainement, Björk est détestable. Musicalement, faut voir … Elle n’a pas toujours été cette harpie au look d’Yvette Horner électrocutée qui sort ces temps-ci des concertos d’iPad. Elle a fait une merveille de disque (« Homogenic »), un excellent « Debut », et coincé entre les deux, ce « Post » que l’on s’est empressé d’englober dans une trilogie merveilleuse.
Pour moi, « Post » est loin de valoir les deux autres, même s’il est bien meilleur que tous ceux qu’elle a sortis depuis quinze ans. « Post » n’est pas un disque, c’est un assemblage de bric et de broc, où se côtoient en dépit du bon sens titres d’exception et crétineries sonores absolues.
Rayon foireux, tout d’abord l’infect « It’s oh so quiet », reprise d’un classique ringard de comédie musicale américaine (« Blow a fuse ») popularisé des décennies plus tôt par l’oubliée Betty Hutton. Björk en Stanley Donen polaire (jusque dans le clip de ce titre), désolé mais pour moi ça le fait pas du tout … « Enjoy » ne réjouira que ceux qui ont envie de l’être à tout prix, « I miss you » nous ressert les horribles rythmes affreux-cubains à la sauce electro, c’est pour moi le pire titre du disque …D’autres choses sans me rebuter me laissent assez circonspect (« Cover me », « Possibly maybe », « The modern things », « You’ve been flirting again ») mais comme je suis de bonne humeur aujourd’hui, je vais pas en dire de mal…
Restent quand même selon moi quatre grands morceaux, ceux qui sont le mieux foutus et en même temps symbolisent le mieux l’aspect exploratrice sonore forcenée que l’on a attribuée à la Castafjord boréale. Des titres comme « Isobel » et « Army of me » (géniaux), le braillard mais très bien construit « Hyper ballad », ou l’OVNI sonore « Headphones » (où l’on sent vraiment la patte noirâtre se son compagnon d’alors, le pas très joyeux Tricky).
Conclusion bassement matérielle : il faut l’avoir ou pas ce « Post » ? Ben oui, j’ai dit que j’étais de bonne humeur …

De la même sur ce blog :
 Medulla 


FUCK BUTTONS - TAROT SPORT (2009)


With God on my side ...

J’étais tranquille, j’étais peinard, chez moi, en train de chercher un gimmick pour mon prochain com, quand j’ai vu le Grand Véhicule se garer en face la porte. Un type est entré. Je l’ai toisé d’un œil torve :
- Eh, Dieu, te gêne pas, fais comme chez toi, entre sans frapper …
- Comment tu m’as reconnu, Lester ?
- Facile, Très-Haut, tu es coiffé comme Clapton à l’époque de Cream, et puis tu fumes le Havane.
- Je vois que j’ai affaire à un connaisseur. Et dis-moi, qu’est-ce que tu fous, là ?
- Ben, Votre Grandeur, j’essaye de trouver un plan pour ma 574ème chronique de Muddy Waters.
- T’en as pas marre de te faire chier avec cette musique de grabataires ? Pense à tes jeunes lecteurs de cinquante ans, parle d’un disque pour eux, d’un disque électronique …
- Mais j’y comprends rien moi, à la musique électronique, Tout Puissant. Vous voulez que je parle de David Guetta ?
- Et pourquoi pas des Boards of Canada, tant que tu y es ? La musique électronique, y’a rien à comprendre. Tiens, écoute ça, par exemple.
Par je ne sais quel prodige, du bruit se fit entendre…
- Euh, Mon Seigneur, c’est à la bonne vitesse, là ?
Dieu haussa les épaules.
- Et c’est qui, Votre Sainteté ?
- Les Fuck Buttons, ignare.
- Gloups, les Fuck quoi, Votre Altesse ?
- Les Fuck Buttons de Bristol. Tu connais Bristol au moins ?
- Oui, Majesté, bristol, c’est du papier pour les faire-part ou les invitations …
Dieu se regarda et donc, leva les yeux au ciel.
- Pfff … mais non, Bristol, la ville de Portishead et Massive Attack. Tu les connais eux, au moins ?
- Affirmatif, Mon Prince, les tristos qui font du dub au ralenti …
- N’importe quoi, enfin, passons … Les Fuck Buttons sont la dernière sensation de Bristol. Ce disque, c’est leur second, produit par Andy Weatherhall et …
- ‘Scuzez moi, Grand Timonier, mais Weatherhall, c’est un grabataire aussi, il remixait les Rita Mitsouko y’a vingt ans.
- Tu veux que je déclenche sur toi ma colère forcément divine ? Ferme-là et laisse moi t’expliquer … Les Fuck Buttons, c’est deux gars qui font de la musique électronique, l’un influencé par le post-rock de Mogwai, l’autre par la drone music, « Metal Music Machine » de Lou Reed, ce genre de choses …
Les Fuck Buttons en train de faire tapisserie ...
- Putain, ça craint tout ça, Votre Eminence …
- Espèce de chochotte, tu n’y comprends rien, c’est de l’avant-garde, c’est forcément bien … et tais-toi quand je parle. Donc « Tarot sport » jette un pont entre ces genres novateurs et est construit comme une longue odyssée sonore, avec tous les titres enchaînés et de longues séquences de transition entre eux. Note que la plupart des morceaux (exclusivement instrumentaux, aucune voix, même trafiquée, n’est décelable), durent pratiquement tous dix minutes, ce qui permet d’installer les ambiances hypnotiques et répétitives nécessaires. Et qu’on retrouve dans ces titres des choses qui renvoient à la plupart des courants de la musique électronique des vingt dernières années. Il y a de la house, du big beat, de la drum’n’bass, de la trance, de la jungle, plein de choses pour réveiller plein de souvenirs chez les connaisseurs. Note qu’on n’est pas dans l’ambient, ça bastonne au niveau des BPM, y’a des morceaux où on s’approche des 150. Et puis, c’est un disque qui fonctionne d’autant mieux qu’on l’écoute très fort. Tu suis ?
- Oui, mon Général. Un peu comme avec Ted Nugent, plus on monte le son, plus c’est bon …
- Mon Moi ! Mais que me suis-je fait pour mériter pareil obscurantisme …
- Non, je charrie, Votre Honneur, c’est pas si mauvais que ça en a l’air. Tiens, D’ailleurs y’a des morceaux qui ressemblent à Air. Enfin, Air repris par les Prodigy ou Orbital …
- Tu vois, quand tu veux, tu peux dire des choses à peu près sensées. Donc tu vas laisser tes vieux croûtons habituels, et tu vas dire du bien de ce disque des Fuck Buttons dans ton misérable blog … Et on discute pas, c’est un ordre …
- Comme il vous plaira, Sire … Mais euh, Votre Altesse, vous croyez que ça va intéresser quelqu’un les Fuck Buttons ?
- C’est l’avenir de la musique.
- Ah bon, si vous le dites, Excellence … Inch’Allah.
En me jetant un dernier regard courroucé et méprisant, Dieu me quitta …

SUZANNE VEGA - 99.9 F (1992)


Chaud devant, son meilleur !

Je sais pas comment il faut appeler ça. Rock’n’roll suicide c’est déjà pris, et puis c’est pas de rock’n’roll dont il s’agit. Folk suicide, peut-être … Parce que qu’est-ce qui a bien pu piquer Suzanne Vega, folkeuse centr…, enfin classique quoi,  vaguement concernée (son gros hit de 87 « Luka » sur l’enfance maltraitée), pour sortir un disque comme ce « 99.9 F » ? Tellement bon, tellement en avance sur son temps, que personne ou presque ne s’en est aperçu, les mêmes qui sont passés à côté s’extasiant par la suite sur les minauderies electro de Björk  ou le boxon sonore de Beck.
Suzanne Vega 1992, total relooking
Ce disque résulte d’un pari artistique totalement fou. Certes, la gentille Suzanne avait pris un bide assez retentissant avec son précédent, on l’avait quelque peu oubliée et le risque commercial n’était pas démesuré, mais l’évolution présentée ici est assez unique, un virage radical comme très peu ont osé en prendre, et comme encore moins l’ont réussi… Suzanne Vega avait dans sa manche une carte maîtresse, son compagnon et futur mari Mitchell Froom, producteur déjà en vue (Crowded House, Lobos, American Music Club, …) et futur gourou des studios (Sheryl Crow, McCartney, Costello, Pearl Jam, …). Froom grâce à son carnet d’adresses bat le rappel de ses connaissances, et on trouve au casting de ce « 99.9 F » David Hidalgo des Lobos, le bassiste Jerry Scheff  (Presley, « L.A. Woman » des Doors, …), Jerry Marotta (requin de studio et batteur longtemps attitré de Peter Gabriel), et même sur un titre le légendaire virtuose de la guitare folk anglais Richard Thompson. Et ces fines mouches-là ne s’attrapent pas avec du vinaigre, il n’y a pas que de l’enrobage sonore, les bonnes compositions sont de sortie, ce disque ne se réduit pas seulement à un travail d'arrangement imaginatif en studio.
Le patchwork sonore est total. Si la plupart des titres utilisent les sons et techniques de boucles chers aux joueurs de disquettes alors en vogue, d’autres sont tout à fait roots (« Blood sings », ambiance feu de camp et guitare sèche, « Bad widsom », comme du Suzanne Vega d’avant), l’électricité est parfois coupée (« Song of sand » avec un quatuor à cordes). Il n’y a pas non plus que du folk relooké et mis au goût des machines du jour, « As a child » mélange ambiances celtiques et electro, « Fat man » un des titres les plus surprenants limite psychédélique, « As girls go » et sa ligne de basse funky quasi disco se voit enjolivé par un solo de Richard Thompson.
Et puis il y a quelques titres d’une classe folle, d’une justesse de ton et de son assez impressionnants, qui surnagent d’un ensemble pourtant de très haut niveau. Le très classique « In Liverpool », le « 99.9 F » qui donne son titre à l’album, l’énorme chanson pop à la Go-Go’s – Bangles « When heroes go down ». Que ces trois titres-là n’aient pas hanté les hit-parades, relève de l’injustice, ou de la surdité collective, voire des deux …
Il faut quand même préciser que Suzanne Vega n’a que modérément apprécié le succès de « Luka », et les contraintes très show-biz qui vont avec. Elle est toujours restée un peu à l’écart du cirque médiatique, et après ce « 99.9 F », a mis sa carrière en pointillé, préférant être une mère au foyer que se griller sous les sunlights d’une vie people. Elle n’en est que plus respectable …

AIR - MOON SAFARI (1998)


Si Versailles m'était conté ...

Air, c’est l’histoire maintes fois répétée de la citrouille qui se transforme en carrosse. Ici, celle de deux potes (Nicolas Godin et Jean-Benoît Dunckel) qui font de la musique ensemble depuis toujours, au gré de formations disparues sans laisser de traces (Orange notamment, avec Xavier Jamaux, futur Phoenix et Alex Gopher, futur lui-même ). Et à un moment, plutôt que de faire comme à peu près tout le monde, copier ce qui est dans l’air du temps, Dunckel et Godin vont partir tête baissée dans leur truc, sans trop se soucier du résultat et des conséquences …
Leur truc à eux, entre mille autres choses, c’est un disque, le « Melody Nelson » de Serge Gainsbourg. Que de leur aveu ils trouvent tellement parfait qu’ils se forcent à ne l’écouter qu’une fois par an, pour ne pas galvauder sa magie … Et plutôt que d’essayer de le « refaire » (les Air n’ont jamais eu la grosse tête), ils vont s’en inspirer, partir dans de savants assemblages de cordes éthérées (des vraies, enregistrées dans les studios Abbey Road, pas des synthétiques sorties d’un Moog), de nappes mélodiques, de voix susurrées et (ou) vocoderisées. D’autres influences pointent sur « Moon Safari », leur premier disque, celle du Floyd des longues plages oniriques (rien que le titre du Cd), cet art de la chanson mélodique très arrangée copyright Hal David et Burt Baccharah …
Dunckel et Godin dos au mur, à l'abri des courants d'air ...
Les circonstances de l’enregistrement (les deux entendent garder la maîtrise totale du projet, pas question d’élargir le « groupe », même si un bassiste, un batteur et une chanteuse participent sur certains titres), feront que ce disque comportera beaucoup de synthés, et rattachera Air à la mouvance électronique. Même si la musique produite par Air n’a que peu à voir avec les expérimentations et bidouillages sonores (forcément, la plupart des joueurs de disquettes de la concurrence n’ont jamais su écrire une chanson) de rigueur dans la mouvance electro de l’époque. Leur origine (Versailles) fera bêtement jaser (« ouah, les bourges des beaux quartiers, …sont pas crédibles, … c’est que de la muzak d’ascenseur … », ce genre de niaiseries répandues par leurs détracteurs).
Et comme les Air ont pas l’habitude de bâcler le boulot, et qu’ils recherchent le beau plutôt que le joli, quand tout s’emmanche bien ça donne de superbes titres qui ne subissent pas des ans l’irréparable outrage. Ce « Moon Safari » est hors du temps et des modes, et donc forcément ne se démode pas. Des choses comme « La femme d’argent », entre ambient et new age qui ouvre le disque avec force Minimoog est resté une des pierres angulaires de leurs concerts (car oui, les Air ne sont pas ridicules sur scène, l’exercice live ne leur fait pas peur) ; « Talisman » est juste très beau avec ses arrangements de cordes, « Ce matin-là » pareil, avec son improbable tuba. Ce qui est frappant, c’est que les titres soient chantés ou pas, on a toujours l’impression d’avoir à faire à des chansons, par leurs formats, leurs structures, leurs mélodies toujours soignées et mises en avant. Il suffit d’une voix susurrée (« New star in the sky ») ou trafiquée (Sexy boy », gros hit) pour qu’un titre décolle. Et parfois même, ces chansons n’avancent plus masquées, et s’imposent comme ces rengaines qui enluminaient les lointaines sixties (« All I need », « You make it easy », « Kelly watch the stars », cette dernière étant la seule du disque dont les arrangements font un peu vieillot, malgré une mélodie first class) …
Ce « Moon Safari » sur lequel pas grand-monde aurait mis un kopeck est devenu assez vite une référence que s’est accaparée d’abord la mouvance électronique, avant de gagner le domaine tout public. Et plus que le succès populaire, les Air sont devenus les figures de proue d’un mouvement musical, bêtement baptisé « french touch », englobant des gens comme Daft Punk ou Laurent Garnier, et bénéficiant d’une reconnaissance, d’une notoriété, et de ventes conséquentes au niveau mondial, choses inédites jusque-là pour des productions musicales françaises …