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SYSTEM OF A DOWN - MEZMERIZE (2005)

Arménie more times ...
Quand j’étais petit, bien avant la fin du siècle dernier, j’aimais bien tout ce qui venait de la galaxie des hardeux. Puis je suis passé à autre chose, un peu beaucoup dubitatif devant la NWOBHM, ne consentant à dresser l’oreille que devant les trucs qui sonnaient très seventies (le premier Guns, le Metallica des 90’s), au milieu de la bouillasse des crétins en pantacourt, tous ces gros beaufs satanistes pour de rire, qui cachaient derrière leurs Gibson Explorer et leurs Marshall à onze, des rebelles de pacotille rêvant de confort bourgeois (Megadeth, Slayer, Entombed, Burzum and so on, quelqu’un ?)
Dans toute cette horde de neuneus, certains m’amusaient vaguement, faisaient des efforts pour avoir l’air moins cons que la norme. Sans que je me laisse aller à écouter leurs skeuds … Et là, maintenant, comme ces vieux animaux sauvages gagnés par la curiosité qui s’approchent de trop près des chasseurs et finissent par se ramasser une bastos, j’ai écouté ce machin des System Of A Down (SOAD pour les spécialistes).
Des rebelles qui gagent des MTV Awards ...
Mauvaise pioche, il paraît que c'est pas leur meilleur, mais bon, je vais pas me les fader tous pour vérifier. Bien que moi, je le trouve pas mal (enfin, pas si mal que çà), ce « Mezmerize ». Souvent même assez loin du défonce-tympans auquel je m’attendais.
SOAD, c’est le communautarisme qui se met à faire du bruit. Amerlos descendants d’Arméniens, ils sont. Des sortes d’Aznavour version heavy metal, si vous voyez (et si vous voyez, alors là, hats off …). Des hardeux politisés (on ne rit pas) qui ont dit maintes fois qu’ils aimaient pas Bush (comme à peu près tout le monde dans le music business, hormis les vieillards Nugent, ZZ Top et Lynyrd Skynyrd, ce qui n’a pas empêché le va-t-en-guerre texan d’être réélu). Ce qui nous donne quelques textes rageagainstthemachinesques, avec peut-être moins de slogans mais plus d’honnêteté.
Et le bru … pardon la musique, me direz-vous ? Assez atypique, pas du rentre-dedans systématique, mais avec plein de trucs atmosphériques, mélodiques, étranges et surprenants quelquefois. Je comprends que les chevelus aient tiqué à l’écoute …

Y’a d’abord une courte intro toute en arpèges très cool, avant le fameux ( ? ) « B.Y.O.B. » (Bring your own bombs, ou Buy / Obey comme le suggère la vidéo ?), glapissements sur riffs speedés, titre bizarrement perclus d’éclaircies sonores faisant la part belle aux mélodies et aux harmonies vocales. Même si on est assez loin de l’axe Beatles-Beach Boys, on l’est aussi des chœurs virils façon hooligans davantage de mise dans le secteur du gros bruit qui tâche … Quoique les titre suivant (« Revenga » et « Cigaro ») fassent  pas dans la dentelle et accumulent tous les clichés et poncifs du genre. C’est ensuite que ça commence à partir dans tous les sens. « Radio / Video » c’est entre tango, folklore arménien et ska, avec de temps en temps des accélérations de dragster, un type qui chante comme Sting dans Police, et ça pourrait plaire aux fans de Rancid (c’est qui Rancid ? pfff, laissez tomber …).
La seconde partie du disque (heureusement assez court, mais si j’ai bien compris y’a une suite siamoise qui s’appelle « Hypnotyze »), incite encore plus à se gratter l’occiput, on passe d’une une ramonade speed (« This cocaine … »), à un énigmatique « Violent pornography » (tant musicalement que par les lyrics), à un truc épique ironmaidenesque (« Question ! » pas trop mal hormis quelques volutes prog du plus mauvais goût, mais bon, quand tu t’inspire de Maiden, ça te pend au nez), un autre où le chanteur se prend pour John Lydon dans PIL (« Sad statue »), avant de passer sa voix au vocoder (« Old school Hollywood ») avant un final que les métalleux doivent détester, une plaisant ballade folky ma foi bien troussée (« Lost in Hollywood »), avec plus de feeling que de pathos dégoulinant. Forcément pour moi le meilleur titre du skeud …

Je me demande ce qu’en pense Aznavour …



QUENTIN TARANTINO - KILL BILL VOL. 2 (2004)

Bill m'a tuer ?
La première impression était la bonne. Plus je vois ce « Kill Bill Vol. 2 », plus je me demande ce que c’est que cette suite-épilogue à la con ?
Œil pour œil, dent pour dent ? 
Pas que ce soit mauvais, non, Tarantino me semble incapable de se planter … juste là il se loupe en beauté. Terminer une aventure commencée l’année précédente, festival déjanté de bastons autant improbables que jouissives et hystériques par carrément un mélo … Inattendu … même si tout était ultra-prévisible. On savait comment ça allait finir, fallait que Black Mamba / Beatrix / La Mariée / Thurman achève de dézinguer ses anciens collègues tueurs à gages et puis fasse la peau de Bill. C’est le ton du film qui est en total décalage avec la 1ère partie. Ça se traîne, ça cabotine un max, ça expose des états d’âme … Et ça finit de reconstituer tout le puzzle de l’histoire.
« Kill Bill Vol. 2 » n’en demeure pas moins du pur Tarantino. Par son soin apporté aux dialogues, ses hommages-références (y’a que lui pour tout comprendre tant ils sont multiples), ses scènes de tension interminables (les deux discussions avec Bill au début et à la fin, la rencontre Hannah-Mardsen, …), ses cadrages bizarres et savants (le travelling arrière insensé dans l’église, quelques contre-plongées saisissantes).
Carradine & Tarantino
Ce film qui clôt l’histoire laisse finalement en suspens plus de questions que de réponses. Pas au niveau du scénario, mais plutôt au niveau de ce que Tarantino voulait faire. Donner un des premiers rôles à David Carradine, l’oublié héros de la série télé du sous Bruce Lee « Kung Fu » était-ce une bonne idée ? Pas sûr, même si le vieux s’en sort pas trop mal dans un registre de psychopathe philosophe qu’on a pas dû lui proposer souvent. Fallait-il faire chialer  la vengeresse inflexible Thurman à la fin sous prétexte de crise de maternité ? Pas sûr non plus, c’est totalement irréel par rapport aux quatre heures (putain, quatre heures quand même) de film qui ont précédé. Et c’est quoi cette caricature de maître d’armes, tant qu’à faire il avait qu’à tourner les séquences façon cartoon comme dans la première partie, ça aurait été moins dérangeant, moins grotesque (et qu’on ne vienne pas me dire que c’est une parenthèse comique, on l’a connu beaucoup plus drôle Tarantino …).
Bon, j’ai pas envie de l’accabler, je suis client de son cinéma. Mais là, à trop vouloir multiplier les références (aux films italiens des 60’s en général et à Sergio Leone en particulier, à des films de série B  orientaux qu’il est seul à avoir vu, au cinéma ricain des années 40 dans la façon de filmer les gens qui conduisent les bagnoles, …), Tarantino a oublié de faire un vrai film.

« Kill Bill Vol. 1 », est peut-être ce que Tarantino a fait de mieux. « Kill Bill Vol. 2 » est peut être ce qu’il a fait de pire (bon, commencez pas à pousser de grands cris, j’ai écrit peut-être).

Du même dans ce blog :
Inglourious Basterds


GET WELL SOON - REST NOW, WEARY HEAD ! YOU WILL GET WELL SOON (2008)

Panzer Musik (ça ira mieux demain) ...
Y’a des fois, faudrait jamais savoir … faudrait pas écouter des skeuds qui multiplient tous les signes maléfiques. Celui-là, dans son genre, il bat des records …
1 - Get Well Soon, c’est pas un groupe, c’est un type seul, un prussien répondant au doux patronyme de Konstantin Gropper. Remarquez, je le comprends, on peut pas dire qu’il ait un blaze commercialement porteur, il a bien fait de prendre un nom de scène ... Un Allemand qui fait de la musique ? Oh fache de con, ils ont rien sorti d’audible les Teutons depuis bien trente cinq ans (« Tokyo tapes » par les encore écoutables Scorpions, ... ou « 99 luftballons » de Nena) … par contre niveau détritus sonores en tous genres, ils font souvent assez fort, avec nette prédisposition pour les bourrins terminaux (Accept, Rammstein, Tokio Hotel, série en cours …).
Marylin Manson sans maquillage ? Nein, Get Well Soon au complet ...
2 – La pochette est particulièrement moche, propre à rappeler la tapisserie du couloir de chez la grand-tante Berthe à Quimper (parce quand t’es breton, c’est bien connu, tu claques toute ta monnaie en bibine, il te reste rien pour la déco, et après tu vas chialer en bonnet rouge que la vie est dure dans ta presqu’île pluvieuse, où il pousse que des cailloux et des usines à engraisser les gorets …)
3 – Les titres du disque et des morceaux ils sont tellement longs que tu croirais que c’est Sufjan Stevens qui l’a fait ce skeud, et là, si t’as pas été taxé à 75% sur le bon sens, il te faut t’attendre au pire …
4 – Un disque dont le premier titre est « Prelude » et le dernier « Coda », ça empeste le truc immensément sérieux, genre oyez, oyez, tas de corniauds, moi l’Artiste, je lègue au Monde une Œuvre considérable. Et ça rappelle aussi le fuckin’ funeste prog …
Ce qui nous fait un skeud qui part dans la vie avec de sérieux handicaps. J’ai poussé le vice jusqu’à l’écouter, sérieusement, objectivement (non, je déconne …), comme si j’allais en faire une chronique dans un blog … C’est pire que ce que ça laissait supposer. Le premier « vrai » morceau, ça rappelle furieusement Beirut ou Kusturica, on dirait un Cd Rom … Les trucs manouches, c’est comme les bandas, quand t’es bien bourré, c’est génial trois minutes, pénible le quart d’heure suivant, et insupportable le restant de la soirée. Mais le Konstantin, manière de montrer qu’il va pas se limiter à un truc gonflant, il massacre une valse (« Christmas … ») qui passait par là, avec encore moins de tact et de finesse que les Moody Blues, ce qui n’est pas rien.
Konstantin Gropper est fan d'Arnaud Montebourg ...
Tout ceci n’étant que mise en bouche, apéritif frugal, feinte de corps et double passement de jambes avant le tir prévu dans la lucarne ... mais qui dézingue le poteau de corner … Le Konstantin (ne le répétez pas, ça serait la honte dans sa famille, même les Germains doivent avoir leur dignité …), son truc, l’aboutissement de sa démarche, c’est de se prendre à lui tout seul pour Arcade Fire, et tant qu’à faire pas celui des débuts, celui qui est devenu tout pompier, qu’à côté Muse c’est Woody Guthrie … Tout en n’omettant pas (sans doute de l’humour de Poméranie) d’imiter sur un titre (« Your endless dream ») le Leonard Cohen hyper pénible des années 80, tous synthés et voix féminines en avant, et de reprendre « Born slippy » … Bon, je vais quand même pas défendre la techno culture (oxymore), mais voir cet hymne symbole de défonce speedée, devenir un machin informe sous Lexomil (ouais, je sais, ici c’est la version « Nuxx » qui est reprise, mais quand même …)

La musique de la génération Merkel … elle est pas belle la vie, de l’autre côté du Rhin ?


THE JOHN BUTLER TRIO - SUNRISE OVER SEA (2004)

Tenter l'Experience ?
« Sunrise over sea », c’est le genre de disques qu’on a l’impression d’avoir entendu mille fois avant de l’écouter. Rien qu’en regardant la pochette. Oh, bonne mère, tous les clichetons des trucs pénibles … design des rondelles  ancestrales Vanguard ou Chess, teintes sépia, retouche Photoshop pour donner l’illusion d’un 33T aux coins cornés et à l’usure de l’empreinte du vinyle, et un type, acoustique en bandoulière et banjo à côté … Si ça c’est pas du clin d’œil adressé aux amateurs de bruit rustique … Et la formule trio, le mètre-étalon de la culture blues-rock, passage obligé de tous ces tocards / ringards qui s’imaginent marcher sur les traces de Cream ou du Jimi Hendrix Experience …
Sauf que … si le dénommé John Butler et ses deux acolytes (formule de scène, là en studio, il y a parfois des apports « extérieurs » dont même sur un titre une section de cordes) n’évitent pas sur la durée le pataugeage et l’embourbage dans les stéréotypes de la formule, ils se passe un truc … Ceux dont la kulture musicale se limite au visionnage de Taratata ressortent systématiquement le nom de Ben Harper, preuve qu’ils n’ont rien compris (ni au centriste Harper, ni à Butler).
John Butler
John Butler est australien. Un pays dont l’histoire internationale se limite à une paire de siècles et dont le seul apport culturel à notre humanité est l’opéra biscornu de Sydney. En gros des Etats-Unis qui n’auraient pas inventé le jazz, la country, le folk, le blues et la soul … Ce qui n’empêche pas les Australiens de faire du rock. Et l’île continent a légué au monde quelques furieux gueulards dont AC/DC, Rose Tattoo ou Angel City ne constituent que la partie visible du brûlant iceberg. Butler (pas pour rien que le trio porte son nom, les deux autres n’y font pas de vieux os, les changements de line-up sont innombrables), comme la plupart de ses congénères, s’est abreuvé de musiques venues d’ailleurs. Fait notable qui le différencie, il ne s’est pas contenté des sempiternels anglo-saxons (ou américains, ce qui revient au même). Rien qu’à voir ses dreadlocks, on imagine que le reggae ne l’a pas laissé indifférent. Les machins celtiques non plus.
Le résultat est surprenant. Mais surtout intéressant, voire par moments captivant. Pour deux raisons : le spectre musical de Butler est beaucoup plus étendu que ce à quoi l’on pourrait s’attendre. Et le type à un putain de charisme qui manquera toujours à … (complétez vous-mêmes, la liste est trop longue). Et s’il fallait se lancer dans des comparaisons, je citerai en vrac Tracy Chapman et Counting Crows (pour le folk « concerné »), Manu Chao (le côté bohème alter-mondialiste), Jon Spencer et Wraygunn (les accélérations électriques mystiques), Midnight Oil (l’aspect aussie politico-écolo), les Chieftains et Led Zep (les relents celtiques) … et on pourrait en rajouter bien d’autres, tant le patchwork concocté tire son essence de genres variés, parfois antinomiques …
On l’aura compris (enfin j’espère), on n’a pas avec « Sunrise … » le même morceau décalqué sur toute la durée du disque. Tiens, à propos de durée, c’est là que le bât blesse un peu, on en prend pour une heure dix, ce qui fait quand même un peu beaucoup, certains titres auraient pu rester dans les armoires, quelques autres n’auraient rien perdu à être raccourcis …
Le John Butler Trio
Il y a des trucs bluffants, assemblages étonnants de choses entendues pourtant des millions de fois séparément, mais qui passées dans la moulinette John Butler en ressortent immaculées. Ces étranges mixtures où peuvent cohabiter folk, blues, rock, reggae, sonorités celtiques, traversées de montées d’adrénaline violente ou au contraire d’une intimité doucereuse, sont littéralement transcendées par la voix de Butler, une des plus expressives, au feeling et à l’arrache, qu’on puisse trouver dans ces genres pourtant très fréquentés. Butler joue toutes sortes de guitares acoustiques amplifiées (surtout une onze-cordes, et ne me demandez pourquoi onze au lieu de douze), ne tombe jamais dans le piège du solo démonstratif (thanks). Ces chansons sonnent comme des voyages émotionnels (peu importe si on entrave pas les paroles), vous prennent par la main et ne vous lâchent pas.
Tout n’est pas parfait, et logiquement les titres convenus, prévisibles (archétype le morceau final « Sometimes » de plus de dix minutes, on « sent » tout ce qui va arriver dès l’intro) font retomber l’intérêt. Mais c’est au détour de l’adrénalisant « Treat your Mama », du chaloupé « Company sin » avec sa bas(s)e reggae, du court instrumental au banjo (« Damned to hell » qui renvoie instantanément au « Duelling banjos » du début du film « Délivrance »), du celtisant « Mist » (le « Gallow’s Pole » des années 2000 ? et putain me dites pas que vous connaissez pas « Gallow’s Pole »), ou du (petit) hit « Zebra », le titre qui a fait connaître Butler sur les autres continents, que les trois sont à leur zénith …
Ce « Sunrise over sea » est à peu près le seul disque du John Butler Trio disponible par ici. Fidèle à une certaine éthique passant évidemment par les labels indépendants, Butler était un secret bien gardé hors de l’Australie. Il semblerait que le garçon, voulant assurer ses arrières en Australie, ait cédé là-bas aux sirènes commerciales, et que ses parutions suivantes seraient (pas faciles non plus à dénicher) apparemment un ou plusieurs tons en dessous…

« Sunrise over sea » est un disque de vieux fait pour tout le monde par un jeunot. Respect… 


MY MORNING JACKET - Z (2005)

Habillés pour l'hiver ?
My Morning Jacket (me dites pas que vous avez l’intégrale et écoutez ça tous les jours, faut faire les présentations) est un groupe démarré dans le Kentucky. Et non, ils donnent pas dans la country. D’ailleurs, ils donnent l’impression avec ce « Z » (m’étonnerait qu’il s’agisse d’une référence à Costa-Gavras) d’être plus anglais qu’américains. Faut dire qu’ils exploitent un sillon assez peu labouré outre-Atlantique, celui de la pop « à grand spectacle » lyrique (ou pompière, ça marche aussi). Pour situer, on dira qu’ils sont voisins de palier avec les productions de Fridman (Flaming Lips un peu, Mercury Rev davantage), et que la voix particulière de leur leader Jim James, genre Castafiore geignarde, leur a valu des comparaisons discutables avec Thom Yorke et sa bande de tristos… Et s’il fallait faire encore plus simple, je dirais que le groupe dont ils me paraissent le plus proche, c’est Arcade Fire (celui des débuts, de « Funeral », pas leur « Suburbs », gros loukhoum surchargé).

Ce genre de mélodies sophistiquées, ces titres très « écrits », ils étaient pas nombreux à faire ça au milieu des années 2000, et c’est pas le genre d’indie-rock le plus vendeur. Mais quelque part c’est le plus casse-gueule, il faut flirter avec toutes les limites au risque de basculer du mauvais côté de la farce. Et pour une poignée de disques réussis en quatre décennies, on compte plus les prétendants à la succession de Brian Wilson qui se sont perdus dans des titres et des skeuds surchargés. Les mélodies à tiroirs qui s’enchevêtrent, l’instrumentation lyrique, l’empilement des chœurs, faut beaucoup de chance et encore plus de talent pour que ça vire pas grotesque.
Les My Morning Jacket n’évitent pas les sorties de route. Il y a des choses (« Gideon », « Anytime ») qui sonnent comme les Simple Minds du milieu des années 80 (les grosses batteries réverbérées, les non moins grosses guitares, les chœurs virils), et c’est pas exactement une bonne idée. Idem, lorsque les MMJ sortent du cadre strictement pop, pour aller vers des choses plus « rock-rackabilly » (« Off the record »), on dirait notre Lio nationale quand elle était brune et qu’elle comptait pas pour des prunes, c’est quand même assez simplet même si ça se veut sophistiqué avec son final de titre jazzy-floydien. Pareil quand le groupe s’attaque à des choses du moment, les rythmiques electro-dance-machin (« It beats 4 U »), ça reste quand même bien scolaire, de la récitation sans beaucoup d’imagination.
A l’inverse, d’autres titres sont plus réussis tel le « What a wonderful man » (comme du Sparks du milieu des 70’s, à condition de supporter la voix suraiguë à la Russel Mael). Les meilleures choses sont à aller chercher à la fin du Cd (pas très long, dix titres et trois-quarts d’heure), un « Lay low » qu’on jurerait extrait du « Band on the run » de Sir Paul McCartney, un « Knot comes loose », une ballade toute en retenue (par rapport au reste, c’est pas vraiment dépouillé). Et bien sûr le titre sur lequel les fans ne tarissent pas d’éloges humides (et pour une fois les fans ont presque raison) ce « Dondante », épique tournerie de huit minutes, débutée comme une jam entre Jeff Buckley et Radiohead, et conclue par une accélération lyrique très floydienne (je me rends compte que ça fait deux fois que je cite le Floyd, alors que la référence des My Morning Jacket est le Velvet Underground, mais désolé, j’ai rien entendu qui ressemble à la bande à Cale et Reed, mais plutôt à son contraire sonore).

Bon, pour résumer, on dira que les My Morning Machin ont fait avec ce « Z » un disque assez bon malgré d’évidentes imperfections, dans un genre « difficile », quelques années avant que les Arcade Fire y songent. Pour être honnête (si, si, ça peut m’arriver en causant zique), il me semblait avant la réécoute bien mieux dans mes souvenirs et je crois bien avoir écrit un jour je sais plus où, que ce « Z » était un des meilleurs disques des années 2000… Mea culpa, mea culpa … Bon, remarquez, Neil Young soi-même a dit un jour que My Morning Jacket faisait partie de ses groupes préférés ...


ABDELLATIF KECHICHE - L'ESQUIVE (2004)

L'art de l'esquive ...
« L’esquive » est le second film d’Abdellatif Kechiche, après l’assez confidentiel « La faute à Voltaire ». « L’esquive » va projeter son réalisateur sur le devant de la scène nationale, avec l’étiquette officielle de « grand- espoir-du-cinéma-français-engagé-donc-de-gauche » (fin de la citation). Avec tous les colifichets qui vont avec, genre la litanie de statuettes à notre égotique et auto-congratulatoire cérémonie franco-française des Césars. Et donc tous les jugements à l’emporte-pièce sur le gars, son œuvre, son message, … proclamés par des gens qui ne le connaissent pas, n’ont pas vu (ou mal vu, ce qui revient au même) ses films, mais ont sur son œuvre un avis définitif. En gros, un type qui suscite le débat (voir ceux interminables et très stupides sur son dernier « palmerisé » à Cannes, avant qu’il sorte en salles).

« L’esquive » n’y a pas échappé, au débat. Ni aux critiques défavorables. Mais enfin ma chère, vous avez vu ce Tunisien qui fait un film sur la racaille de nos banlieues, c’est filmé caméra sur l’épaule à vous faire vomir votre quatre heures, on comprend rien à ce que disent ces incendieurs de voiture en puissance, c’est même pas des vrais comédiens, et le scénario tient sur un timbre-poste. Une horreur, je vous dis … A l’inverse, on a eu droit à des standing ovations pour cette tranche de cinéma vérité, à la subtile parabole scénaristique, jouée façon documentaire par de jeunes comédiens amateurs, et à prendre comme un message d’espoir dans tous ces endroits où la crise et la misère sociale se répandent, bla-bla-bla …
Bon, pour faire simple, je ne suis d’accord ni avec les fafs ronchons, ni avec la gauche artistique des petits-fours. « L’esquive » est conçu genre documenteur. Soit. C’est un peu le style de Kéchiche (amplifié sur le suivant, l’excellent « La graine et le mulet »). C’est aussi un choix esthétique et artistique délibéré. Il sait tenir une caméra de façon « traditionnelle » (voir « Venus Noire »). Cette caméra sur l’épaule, ces plans très serrés sur les visages, confèrent au film une dynamique, une urgence, qui ne sont pas dans le scénario. Il ne se « passe rien » dans ce film, sauf qu’il se passe quoi, en vrai, dans le quotidien des gosses des cités ? Les jeunes de « L’esquive » sont vivants, se passionnent pour ces petits riens de l’existence, leurs premiers émois sentimentaux, les faux bons plans pour solutionner les problèmes, ... Peu importe que le film soit vraisemblable ou véridique, que les « personnages » de ces encore quasi-enfants soient dessinés à la hache. Moi je verrais plutôt ça comme une bonne nouvelle, ça nous évite l’interminable pensum sur le déterminisme social, le mal-être et le mal-vivre des banlieues. Pour ça, il y a le rap ou « Envoyé spécial ».

Tandis que là, dans ces chassé-croisés amoureux avec en filigrane la répétition du « Jeu de l’amour et du hasard » de Marivaux, il y a cette forme de poésie surannée des « auteurs classiques » qui se confronte à une langue parlée, riche, vivante, imagée, celle qui s’invente au jour le jour dans les banlieues. Mais on comprend rien à leur vocabulaire, et ils parlent tous en même temps ? Euh, vous avez déjà vu un débat à la télé sur un sujet très « sérieux » avec plein de gens en cravate sur-diplômés ? Vous y comprenez quelque chose ? Ils parlent pas tous en même temps ? Ces dialogues si critiqués de « L’esquive » (certains « penseurs » du Net auraient aimé des sous-titres, n’importe quoi …), et la façon de les rendre à l’écran, c’est pour moi la meilleure réussite du film.
Parce que, perso, il faut bien le reconnaître, l’initiatique parade amoureuse entre Krimo et Lydia, dans la « vraie vie » ou par Marivaux interposé, ça m’a pas trop captivé. Pourtant les enfants sont bons, « surjouent » juste ce qu’il faut, et leurs copains et copines se hissent à leur niveau, offrant une galerie de portraits intéressante, mais bon, ça se traîne un peu …

Et le message dans « L’esquive » ? Intéressant. En tout cas autre chose que les sempiternels clichés rabattus dont « l’information officielle » nous gave. Oui, c’est un lieu commun que de dire que les cités et les banlieues sont laissées à l’abandon, et qu’il est très facile de basculer du « mauvais côté ». Kechiche n’élude pas le problème, mais ne s’y appesantit pas. On apprend que son père est en cabane, que Krimo « achète » son rôle d’Arlequin avec des objets vraisemblablement « tombés du camion », qu’occasionnellement il tire sur un joint. Pas des infos exclusives ou originales, Kechiche a raison de glisser rapidement. Tout aussi d’accord quand il défend son pré carré, l’art. Oui, mille fois oui, pour s’évader (et pas pour en sortir, c’est pas la même chose) de l’horizon des barres HLM, la passion même momentanée (le prétexte de la soirée de fin d’année) pour la littérature, le théâtre, c’est une bouffée d’oxygène qu’il faut maintenir. Et ça passe par le dernier « service public » encore présent dans ces endroits-là, l’Education Nationale. Pas un hasard si quasiment la seule comédienne professionnelle de la distribution (Carole Franck) est celle qui joue la prof de français. Ce qui nous change du discours officiel sur les vrais faux emplois sponsorisés, les stages d’apprentissage et toutes ces balivernes à vocation statistique (rendre moins mauvais des chiffres de l’emploi catastrophiques dans ces endroits-là).

Il y a quand même un gros couac dans « L’esquive », c’est ce contrôle de flics caricatural, fait par quatre Rambo épileptiques. Non pas que ça ne puisse pas se passer comme ça, mais cette longue scène qui n’a strictement rien à voir avec le restant du scénario, est juste d’une démagogie crasse. Et cette seule scène pour moi annihile pas mal l’excellente impression que pourrait laisser ce film. Qui vaut mieux que le mépris voire plus que lui portent certains, mais qui n’est pas non plus le chef-d’œuvre qu’il faut encenser décrit par d’autres …

Du même sur ce blog :
La Graine Et Le Mulet


SAM RAIMI - SPIDER-MAN (2002)

Spider-Man, appelé à régner (sur le box-office)
« Spider-Man » premier du nom est le genre de film dont on sait avant même sa sortie qu’il va avoir un succès considérable. En tout cas au moins aux Etats-Unis (mais le reste du monde a suivi, 500 millions de dollars de bénefs). Parce que derrière le film il y a une culture, une science du marketing bien rodée, et des sommes faramineuses investies par des majors du cinéma.
Maguire, Raimi & Dunst
La culture, c’est celle des Etats-Unis. Un peuple sans Histoire (moins de 250 ans), donc sans trop de héros réels, et qui en a inventé d’imaginaires. Et tant qu’à faire, comme l’immodeste pays ne fait pas dans la demi-mesure, tant qu’à avoir des héros, autant que ce soit de super-héros. Usine à fabriquer les super-héros, la maison d’édition de comics Marvel, avec à son catalogue tous ces Hulk, Captain America, Iron Man, Wolverine, les X-Men, le Surfeur d’Argent, et tant d’autres. Perle du catalogue, Spider-Man, dont les première planches sont parues en 1963. Personnage créé par le scénariste Stan Lee et le dessinateur Steve Ditko (Lee scénarisera pendant des années, de nombreux dessinateurs se relaieront pour des parutions mensuelles encore en cours me semble t-il). Les aventures de Spider-Man, entre science-fiction et heroic fantasy avec scénarii et rebondissements abracadabrants, c’est pas du tout ma cup of tee, d’autant plus que se révèlent en filigrane toute la déplaisante idéologie respectable et les « saines valeurs » d’une Amérique triomphante, forcément triomphante.  
Peter Parker / Spider-Man
Spider-Man fait partie de la culture américaine, et faire un film de ses aventures était dans l’air du temps depuis des décennies (deux essais guère convaincants qui tiennent plus du téléfilm que du cinéma dans les années 70). Par définition, Spider-Man se doit d’être un film spectaculaire, à grand renfort d’effets spéciaux. La Columbia, associée à Stan Lee, y travaille depuis le début des années 80. L’avancée technologique en matière d’images numériques rendra le film envisageable au début des années 2000. Les billets verts sont engloutis sans compter, pour le film lui même et tous ses à-côtés (promotion, contrats de sponsoring, campagnes de pub, objets dérivés, …). Le budget de l’opération « Spider-Man - The Movie » dépasse très largement les 100 millions de dollars. De quoi en foutre plein la vue …
« Spider-Man » la BD est une saga interminable, peuplée de personnages remplis de super-pouvoirs, qui évoluent au fil des ans, sont amis puis ennemis, meurent et renaissent dans un embrouillamini total, enfin tout le tremblement habituel de ce genre de sornettes dessinées. La première étape a consisté à isoler des personnages et une « histoire » cohérente (entendez compréhensible par un gosse de douze ans gavé de comics, de burgers et de pop-corn). On a donc les origines du super-héros (le puceau timide Peter Parker qui se fait piquer par une araignée radioactive et devient Spider-Man), sa « fiancée » Mary Jane Watson, et bien sûr son faire valoir maléfique le Bouffon Vert (Green Goblin en V.O.) … Plus quelques personnages récurrents de la série.
Rencontrer la belle Mary Jane, il en est tout retourné Spider-Man ...
La caméra est confiée à Sam Raimi, soi-disant fan de Spider-Man depuis tout enfant. Un Sam Raimi qui met avec ce film un terme à sa carrière de réalisateur de séries B horrifiques loufoco-gores (la série des « Evil dead ») pour intégrer le cercle restreint des gens à qui l’on ne confie plus que des projets colossaux en terme de budget (il réalisera également les deux épisodes suivants de la saga Spider-Man, avec des budgets exponentiels). Tobey Maguire est Peter Parker / Spider-Man, il est depuis longtemps dans le métier, mais c’est le premier grand rôle qu’on lui confie. Idem pour sa douce et parfois tendre Mary Jane Watson, jouée par Kirsten Dunst. Mais celui qui survole la distribution, seule vraie « star » du casting au départ, c’est Willem Dafoe pour son double rôle Norman Osborn / Bouffon Vert. Les acteurs, surtout Dafoe, ont assuré eux-mêmes la plupart des scènes d’action, bagarres et cascades, les doublages physiques ou numériques étant peu nombreux (par exemple, la scène où Parker rattrape tous les plats à la cantine n’est pas truquée, elle a nécessité des dizaines de prises). Par contre, les effets numériques sont omniprésents dans les décors (un New York retouché, Times Square numérisé lors de la première confrontation Spider-Man / Bouffon Vert, et évidemment, toutes les ballades aériennes de Spider-Man). D’où l’importance de la coopération entre Raimi et le responsable des effets spéciaux John Dysktra.
La « patte » de Raimi tel que le connaissaient les fans de « Evil dead » est quasi-invisible. Tout au plus faut-il noter un de ses plans typiques (le bras du Bouffon qui sort lentement des décombres façon zombie lors de la baston finale), et la présence au casting de quelques-uns de ses acteurs attitrés, le plus en vue étant logiquement Bruce Campbell en présentateur de combats de catch. On sent derrière ce « Spider-Man » toute la pression et la force de la Columbia-Sony et un cahier des charges extra-cinématographique tellement colossal qu’il éclipse toute velléité d’originalité. Raimi a le budget, certes, mais est entouré d’une pléiade de producteurs (tout court, exécutifs, …). On est prié de rester sérieux avec les millions de dollars.
Le résultat est visuellement remarquable, sans que le film, avec son scénario et ses rebondissements cousus de fil blanc, soit réellement intéressant et encore moins captivant. Ce qui n’empêche pas quelques jolis plans (le baiser « à l’envers » entre Spider-Man et Mary Jane), quelques scènes bien vues (notamment celle du dialogue devant le miroir entre Dafoe/Osborn et son double maléfique).
Miroir, dis-moi qui est le plus méchant ...
Plus gênants sont quelques postulats véhiculés par le film. Passe pour le côté positif, le Bien qui triomphe du Mal, c’est assez commun. Mais si Spider-Man est conçu comme une vitrine, c’est aussi une allégorie de la « bonne » Amérique qui triomphe des méchants, et à ce titre, un des derniers plans du film qui montre Spider-Man accroché à la hampe d’un gigantesque drapeau américain a de quoi laisser perplexe sur le côté cocardier et subliminal de cette affaire. La morale du film et le credo de Spider-Man, qui revient plusieurs fois genre mantra c’est la saine maxime : « avoir un grand pouvoir donne de grandes responsabilités ». Tu parles Charles, suffit de donner du pouvoir à un type pour qu’il se foute royalement de ceux qui le lui ont donné … Il est aussi assez édifiant d’entendre (fugacement, ils s’étendent pas trop sur le sujet) les responsables des effets spéciaux évoquer la retouche numérique de toutes les marques des objets anodins utilisés pour les besoins évidents du film (les boîtes de céréales, les canettes, les paquets de clopes, les affiches, les écrans publicitaires sur les immeubles) dans le but de remplacer la marque d’origine par celle des sponsors ayant amené leurs dollars au projet. Rien n’est neutre, laissé au hasard, tous ont payé pour être visibles à l’écran. Business is business …
Les produits dérivés du film ont évidemment été déclinés à l’infini, même si la plupart existaient de longue date. Il en va de même pour les supports physiques du film, les Dvd, Blu-ray sont cesse réédités sous de nouvelles formes vendues à chaque fois comme « définitives » (même s’il manque encore la director’s cut et la version 3D). Je me suis enquillé (d’occase, 1,5 euro plus frais de port, tout se brade, crise quand tu nous tiens …) une édition « collector » double Dvd avec des heures de bonus plus ou moins intéressants (et plutôt moins que plus d’ailleurs). J’y ai appris deux choses. La première, c’est qu’il n’y a rien de plus pénible qu’un film commenté par les types qui ont fait les effets spéciaux, jamais ils parlent de la scène en cours, ils anticipent celle d’après ou reviennent interminablement sur celle d’avant. La seconde concerne Kirsten Dunst. Si elle est rousse dans le film, c’est en fait une vraie blonde. Elle le démontre avec ses commentaires audio du film (en direct live semble t-il) qui sont d’une banalité, voire d’une bêtise affligeantes. Par contre, dans les exercices imposés des interviews de service après-vente où là elle semble réciter de conventionnelles leçons bien apprises, elle est un peu plus à son avantage … Fuck Mary Jane … quoi, faut faire gaffe à Spider-Man ? Pff, même pas peur …



PRIMAL SCREAM - XTRMNTR (2000)

La synthèse ...
Comme celle qui permet de fabriquer des poudres blanches … ou comme la conclusion d’une réflexion, d’un travail. Toxicos, les Primal Scream le sont, et pas qu’un peu dans les nineties. Enfin, Bobby Gillepsie, tant on peut quasiment résumer Primal Scream à sa seule personne. Aventuriers sonores, Primal Scream le fut aussi durant cette décennie. Qu’ils avaient quasiment inaugurée avec « Screamadelica », leur disque qui est rentré dans les livres d’histoire, et auquel on les réduit souvent, tant son succès et son impact ont marqué l’époque.
Perso, je lui reconnais toutes les qualités qu’on lui prête, mais je trouve qu’il vieillit mal (ou vite, ce qui revient au même), comme tous ces disques à la pointe de la tendance lors de leur parution et donc forcément démodés plus tard. En tout cas, ce cocktail de classic rock et de dance music est resté le fil conducteur de Primal Scream durant toute la décennie (après j’en sais rien, j’ai un peu laissé tomber). En gros, des disques qui tentaient de refaire le coup de « Screamadelica », avec plus ou moins de bonheur.
Bobby Gillepsie
Jusqu’à ce « XTRMNTR » (pour Exterminator, au cas où un fan de Maé passerait par là). Autant jouer cartes sur table, « XTRMNTR », je le trouve meilleur que « Screamadelica ». Parce que là, on parle plus de voisinage, de juxtaposition, de cohabitation de genres, c’est vraiment du mélange, de la fusion. Et pas seulement d’obsessions pour les Rolling Stones et les premières rave-parties. Ici, toutes les idoles du classic rock de Gillepsie remontent à la surface, les derniers sons electro-techno-dance-machin aussi, mais aussi des sonorités jusque là peu rencontrées chez Primal Scream.
Alors oui, on croise sur « XTRMNTR » le punk à tendance stoogienne, le Velvet, du free jazz, du krautrock, et plus encore, tout ça passé à la moulinette big beat, le son « électronique » du moment. Et là, Primal Scream déborde et enfonce les Prodigy et autres Chemical Brothers. Pour une raison toute simple, c’est que Gillepsie, du rock il en a fait pendant dix ans au début de sa carrière, et pas en version fleur bleue (il fut rappelons-le, le mauvais batteur des débuts des Jesus & Mary Chain, pas vraiment des tendres, à quelque niveau qu’on envisage le groupe des frangins Reid). Les bigbeateux, ils ont fait que sampler des grosses guitares hardos et déliré là-dessus.
Et « XTRMNTR », ça déchire sa race. Rien que les titres placent la barre très haut, « Kill all hippies » ou « Swastika eyes », ça a de la gueule, au moins autant qu’un douteux « Smack my bitch up ». Gillepsie et son inamovible lieutenant Innes ont réuni du beau monde, les Chemical Bros sont venus faire un remix, Kevin Shields a participé à un hommage à son groupe My Bloody Valentine, Sumner de New Order traîne sur un titre, et des remerciements sont adressés à Jaki Liebezeit, le fantastique batteur de Can et Liam Howlett, figure de proue de Prodigy.
Primal Scream live 2000
Ça démarre par un extrait de film, ensuite arrivent une guitare filtrée, une batterie très Liebezeit-style, se met en place un gros groove robotique, s’installent les gimmicks de synthé, et c’est parti pour « Kill all hippies ». « Accelerator » qui suit porte bien son nom, on monte dans les tours, « Exterminator » est une tuerie, rouleau compresseur sonore bâti sur une rythmique grondante et des guitares dissonantes. « Swastika eyes », petit succès en single, c’est à la base de l’electro-pop des 80’s, mais comme remixée par un savant fou genre Trent Reznor, ça tourbillonne de partout à en donner le vertige.
Le cœur du disque est plus calme, plus apaisé. D’une façon toute relative. Des chants grégoriens introduisent « Pills », puis il y a des scratches de vinyles sur lesquels Gillepsie ( ? ) vient rapper, au milieu d’arrangements tournoyants. Etrange mais pas forcément captivant. Un énorme grondement de basse à la Entwistle (des Who, pour le fan de Maé s’il est toujours là) lance l’instrumental « Blood money » dans lequel s’entrechoquent synthés cristallins, ambiance jazz, solo de batterie, pour un résultat qui sonne comme du jazz-rock sous acide. « Insect royalty » est un peu son pendant en version psyché barrée, comme si Zappa (quand c’est étrange, on cite toujours Zappa) avait gobé de l’ecstasy. Entre les deux, une magnifique ballade perverse « Keep your dreams », très Velvet Underground (les clochettes de « Sunday morning », les intonations à la Nico).
Retour au boucan pour le final. Un hommage à My Bloody Valentine, « MBV Arkestra (If they move, kill ‘em) », dans lequel le fan de « Loveless » risque fort de ne pas retrouver ses repères, il y a juste ces sonorités « liquides » typiques de la bande à Kevin Shields mais noyées si l’on peut dire dans des vapeurs de krautrock et de free-jazz, avant que tout ça s’encastre dans un mur dissonant. Le remix de « Swastika eyes » par les Chemical Brothers est peut-être le seul morceau sans réelle originalité, ça bastonne comme sur les morceaux énervés de « Surrender ». « XTRMNTR » s’achève par une tuerie (le bien nommé « Shoot speed / Kill light », c’est mixé à un volume beaucoup plus fort que tout le reste, ça envoie la purée, c’est répétitif, bête et méchant, donc excellent.
« XTRMNTR » marque à sa façon la fin d’une décennie, d’un siècle, d’un monde. Désormais, tout pouvait changer, être comme avant mais en pire …Pour moi le disque qui est en même temps le plus original et le plus abouti de Primal Scream …

NORAH JONES - COME AWAY WITH ME (2002)

Non merci, je reste là ...
D’entrée la question essentielle, fondamentale, cruciale, la Mère des questions : qu’en serait-il advenu de ce disque si Norah Jones avait été le sosie d’Arlette Chabot ? Et venez pas me dire que c’est un argument déloyal, qu’elle l’a pas joué string en avant comme la première Lady Fada venue … parce que moi, des trucs aussi BCBG que Norah, je trouve ça suspect. Ça pue l’arnaque, tout ce bazar, le plan marketing genre Alanus Mauricette ou Lana de La Raie, la beauté centriste qui se pointe avec ses rengaines molles de l’entrecuisse et qui vend des camions de disques à tous ceux qui n’en achètent qu’un par an …
Va falloir agrandir la cheminée, Norah ...
Y’a tout pour donner envie aux lectrices du Figaro Madame d’investir dans le Cd. Une fille de (en l’occurrence Ravi Shankar, curiosité exotique et dispensable du festival de Woodstock), délaissée par papa, signée par un prestigieux label de jazz (Blue Note), pour un disque produit par une grabataire légende (Arif Mardin) de la musique soul des sixties … Pour un résultat donnant lieu à des comparaisons aussi déplacées que malhonnêtes avec les figures tutélaires du jazz vocal féminin (les bios de Billie Holiday ou Nina Simone, c’est du Zola trash à côté des petits bobos de l’existence de la Norah) …
Tiens, et à propos de bobos, ce doit être la musique qu’ils aiment passer. Mais pas écouter. On ne peut pas écouter, y’a rien à écouter. Un murmure jazzy de vernissage dans un bar branchouille, des chansons infiniment lisses, sans aspérités. Je veux dire, faut quand même forcer pour arriver à faire de « Cold cold heart », l’assez sombre classique country de Hank Williams, cette purge murmurée que la Jones nous livre sur « Come away with me ». Elle chante bien, la Jones ? Oui, certes, elle chante juste. D’une façon encore plus glaciale que Sade dans les 80’s, la Nigériane s’appuyant elle sur des chansons quand même plus sexy. Il n’y a qu’un seul titre (« Turn me on ») sur lequel Norah Jones donne l’impression d’exister, de vibrer pour ce qu’elle chante. Le reste n’est qu’un mignon exercice de style.
Ça assure musicalement ? Même pas, et malgré la présence au générique de colifichets attrape-nigauds (le déjà cité Mardin, ou le virtuose de la guitare jazz Bill Frisell), ça mouline un soft jazz de piano-bar totalement calibré, formaté, batterie balayée, contrebasse feignasse, inoffensif et insipide au possible… Quatorze titres sur le même invariable tempo traînard dans lequel le seul « Feelin’ the same way » fait figure de sarabande endiablée tellement les autres sont soporifiques…
Vingt millions de copies vendues, dont deux millions en France … no comment …

JACK MEATBEAT & THE UNDERGROUND SOCIETY - BACK FROM WORLD WAR III (2001)

L'Apocalypse ...

On ne sait pas qui avait commencé. Lequel dans son bunker avait validé le premier l’algorithme de mise à feu des missiles. Tous l’avaient suivi. Guerre nucléaire totale…
Et contrairement aux prévisions, ce ne furent pas les scarabées, les rats ou les scorpions qui survécurent. Non, juste des chevelus en train d’écouter les Stooges au moment du Big Bang terminal. Juste une poignée de types. Des Finlandais, la plupart faisant autrefois partie d’un groupe nommé Flaming Sideburns. Et aussi un Argentin bizarre. Au doux surnom de Speedo Martinez.
C’est lui qui retrouvera les Finlandais, calfeutrés dans un studio d’enregistrement. Et qui leur dit que puisqu’ils avaient survécu en écoutant les Stooges, peut-être la vie renaîtrait-elle si on jouait du rock’n’roll. Comme les Stooges, évidemment … Tous ensemble, ils prendraient le nom de code et de guerre de Jack Meatbeat & the Underground Society.

Il fallait faire vite, les générateurs menaçaient de lâcher définitivement… Moins d’une heure d’autonomie. Ça suffirait… on ferait ça sous forme de jam, on enchaînerait tous les titres …
Et on commencerait par une courte incantation en espagnol sur un fond de free-jazz. Et puis on continuerait par un blues mutant, menaçant, très lent, avec plein d’orgue Hammond (« Back in the Delta ») parce que le blues, y’avait de quoi l’avoir devant la folie des hommes et que le Delta, c’est là dans le Mississippi que tout avait commencé. Mais bon, le seul truc capable de faire tenir, de faire oublier tout ce bazar, d’espérer en une régénération, c’était du rock métallique et violent. Y’avait qu’à faire un shoot électrique et meurtrier (« Stay and dance »), d’ailleurs y’avait un gratteux au surnom prédestiné, il se faisait appeler Sky Williamson, et à temps perdu, mais il y en avait plus beaucoup à perdre, il se prenait pour Hendrix (à moins que ce soit l’autre guitariste, Mr. Hellstone),  les titres étaient pleins de ces notes sales, distordues, cosmiques, si caractéristiques du Voodoo Chile.
De toutes façons, y’avait pas le choix, fallait jouer, compact, dru, méchant, dresser des murs de larsens et de feedback, parce que là, dehors, quelques silhouettes, qui avaient peut-être été des hommes avant, rendus aveugles et brûlés par les radiations, traînaient près du studio, et menaçaient de contaminer les survivants (« We are the zombies »). L’électricité n’allait pas tarder à manquer, les bécanes d’enregistrement recrachaient des bruits bizarres au gré des micro-coupures, y’avait tout un bourdonnement, tout un parasitage, des interférences à rendre jaloux Ministry, Trent Reznor et Marylin Manson s’ils avaient encore été de ce monde (« Cosmic power », comme une jam entre les Stooges et le MC5 en 1970). Le matos déconnait de plus en plus, « Granada smokin’ gypsy », on aurait un Cd d’Aphex Twin passé à l’envers, avec l’Argentin qui venait se lamenter sur le Mur des larsens …
Tout manquait, les meufs, l’alcool, la came … ils en étaient réduits à invoquer le nom d’un narco colombien (« Hotel Escobar »), dans une complainte de junkie en manque, sale et dangereuse comme une aiguille rouillée avec laquelle on va se faire un shoot. Et puis, avant que la vision devienne mirage (« Sun eclipse 1999 »), un dernier hommage au Maître Iggy et à sa bande (« Magnetic KO ») allusion transparente à un live semi-officiel (« Metallic KO »).
Le compresseur du studio rendait l’âme, la fourniture d’électricité devenait de plus en plus aléatoire, il y avait sur les bandes des échos stéréo bizarres, on avait l’impression qu’un type tapait le blues pendaient que les autres jouaient du métal indus (« Space mountain blues ») … Bon, là, ça y est, c’est la fin, la lumière clignote, l’oxygène se fait rare, y’en a qui bougent plus, peut-être qu’eux aussi ils sont morts, alors les derniers valides balancent un rock’n’roll ultime avant la fin (« Jack’s ink gone red »).
L’espace-temps était en pleine déconnade, Speedo Martinez, dernier encore en vie, vient de s’apercevoir que ça a pris trois ans pour enregistrer ces treize titres, mais de toutes façons on s’en fout, le jour où quelqu’un écoutera cette musique, Jack Meatbeat lui aussi sera mort depuis au moins deux ans …
Voilà, c’était quelque part près du cercle polaire, c’était la fin de la fin du monde, et l’orchestre jouait du rock’n’roll …

QUENTIN TARANTINO - INGLOURIOUS BASTERDS (2009)

Drôle de drame ...
Un des films les plus controversés, sinon le film le plus controversé de Tarantino…et un de ses meilleurs.
Le bon peuple cinéphile et érudit (les ceusses qui regardent le film du dimanche soir sur TF1 et Questions pour un champion) s’est offusqué devant pareille chose. Pour qui se prenait-il ce jeune gommeux américain de Tarantino, à bafouer l’Histoire majuscule, celle qui est dans les livres ? A nous montrer tonton Adolph criblé de balles en 44 dans un cinéma en feu parisien ? Et criblé de balles par, en plus, un commando de juifs américains plus sauvage que les hordes d’Attila et de Gengis Khan réunies, ayant auparavant dézingué et scalpé du soldat nazi à profusion dans des geysers d’hémoglobine ? 
Eli Roth & Brad Pitt
Bon, les constipés, ce que vous avez vu c’est un film. Pas les archives de l’INA des émissions d’André Castelot. Ça vous est pas venu à l’esprit que le cinéma c’était fait pour raconter des histoires, faire rêver, passer du bon temps ? Et que ça n’a pas à être vrai, véridique ou vraisemblable. Vous avez été troublés de voir les flots de la Mer Rouge s’ouvrir devant Moïse dans « Les Dix Commandements », et ensuite se refermer pour engloutir l’armée égyptienne ? Vous croyez que tout dans « Spartacus », « Ben Hur », ou le « Napoléon » d’Abel Gance est rigoureusement exact ? Et vous croyez que dans les années 40 en France, c’était comme dans « La grande vadrouille » ou « On a retrouvé la septième compagnie » ?
En plus, j’ai l’impression que vous tombez mal avec Tarantino. Parce qu’il a bossé comme un forcené sur son scénario, et qu’il prouve dans les bonus du BluRay que l’histoire – la vraie – de la Seconde Guerre Mondiale, il la connaît aussi, beaucoup plus que ce que vous croyez …
« Inglourious basterds », c’est une comédie. Noire, sordide, macabre, de mauvais goût, si vous voulez. Mais une fuckin’ géniale comédie, pleine de clin d’œils, d’allusions, … et de non-dits, même si ça jacasse encore plus vite que les rafales de mitraillette. Un film de fan (plus encore que tous ceux de la Nouvelle Vague, Tarantino est avant d’être un réalisateur un dingue de cinéma). Et puis, quand les répliques deviennent plus posées, on a de grands moments de cinéma. Avec trois scènes de bien vingt minutes, celle de la ferme qui débute le film, celle du restaurant, et celle de la taverne (et encore ces deux dernières ont été raccourcies au montage). Des sommets de suspense, avec une tension qui n’achève jamais de monter. On sent que ça va mal finir, c’est inéluctable, et dans la ferme ça finit effectivement très mal. On s’attend donc au pire au restaurant, et … surprise, ça se « passe » bien. Du coup, dans la taverne, on ne sait plus à quoi s’attendre, et là, on va en avoir pour notre argent … Clouzot ou Hitchcock, et encore plus Leone (tant les références à son cinéma sont nombreuses, de la lenteur des scènes-clés à la musique de Morricone, très présente dans la B.O.) auraient approuvé, Fincher devra se surpasser …
Christoph Waltz
« Inglourious basterds », au moins autant qu’un film d’action sur la guerre (le premier du genre de Tarantino) est un film sur le cinéma. Et là bizarrement, on a pas lu trop de grincheux surenchérir sur l’exposé du cinéma d’époque, surtout allemand, les liens que certains acteurs ou réalisateurs ont eu (ou pas) avec le régime nazi, le cinéma de propagande de l’époque. Le film c’est pas toujours de l’uchronie, là c’est la leçon du fan et du connaisseur. Et je suis prêt à parier que l’œuvre de Leni Riefenstahl n’a pas de secrets pour Tarantino. Le film dans le film (« La fierté de la Nation ») est un petit bijou (réalisé non par Tarantino, mais par Eli Roth, celui qui joue dans le film Donowitz, le « bâtard » à la batte de base-ball). Coupé aux deux-tiers au montage, il pastiche les films de Goebbels, ceux de la propagande stalinienne, et même avec un landau sur une place mitraillée le « Cuirassé Potemkine ») Et comme le film est un fake, on a droit dans les bonus à un génial fake de making-off. Clairement, « Inglourious basterds » est un film sur le cinéma. Une bonne part de l’histoire se passe dans un cinéma et y trouve en partie son épilogue. L’agent double allemand (un des meilleurs rôles de Diane Kruger) est une actrice allemande, le commando des Bâtards s’infiltre dans le cinéma en se faisant passer pour équipe technique et un réalisateur italien, …
Diane Kruger & Michael Fassbender
Et là, dans cette Tour de Babel des nationalités présentes à l’écran, réside une autre trouvaille assez formidable de Tarantino. On passe sans arrêt d’une langue à l’autre, et évidemment, les polyglottes finissent par paraître tenir les atouts maîtres de l’action. Et le personnage central du film, à peu près le seul lien entre des histoires dans l’histoire menées en parallèle, est le formidable acteur allemand Christoph Waltz. Qui incarne le colonel nazi Landa surnommé le « chasseur de Juifs », raffiné, sadique, machiavélique et cruel, qui jongle entre allemand, anglais, français et italien, tout en assurant un jeu plein d’acteur, tout en regards, poses, mimiques, et gestes d’une justesse absolue. Quasiment inconnu, c’est lui l’acteur de premier plan du film. Il éclipse à mon avis un Brad Pitt pourtant concerné et intéressant en leader du commando juif. C’est pourtant Pitt qui est en avant sur toute la promo du film (les affiches notamment), à la tête d’un casting international très fourni en second rôles. Et ce sont ces seconds rôles qui font toute la richesse du film, sans obscurcir l’intrigue. Dans les bonus, Pitt et Tarantino (interview plus souvent en roue libre que réellement intéressante) ne tarissent pas d’éloges sur un autre quasi inconnu qui ne va pas le rester (Michael Fassbender, dans le rôle d’un officier anglais qui rejoint les Bâtards). Mais on trouve également dans la distribution Myke Miers, pote de déjante de Tarantino, et toujours au rayon hommage (hommage et vengeance sont les deux moteurs du cinéma tarantinien), la participation de Bo Svenson et Enzo Castellari, respectivement acteur principal et réalisateur d’un nanar italien de série Z (y’a Michel Constantin qui y joue, c’est dire …) dont s’est inspiré Tarantino (en fait d’une seule scène) pour le scénario de « Inglourious … ». Anecdote : Castellari a fait cadeau de ses droits à Tarantino à la condition d’avoir une réplique dans le film, c’est lui l’officier nazi au premier rang du cinéma qui crie « Au feu ! » quand l’écran s’embrase …
En fait, la seule dans ce casting qui me semble un peu en dedans, c’est Mélanie Laurent (Soshana, jeune juive dont la famille a été massacrée par Landa et ses hommes). Même si elle incarne la vengeance implacable, quasi rituelle (la scène  du maquillage en forme de peinture de guerre indienne, avec en fond sonore le « Cat people (Putting out fire) » de Bowie et Moroder), on a l’impression qu’elle ne « s’amuse » pas sur ce film, alors que tous les autres semblent s’en donner à cœur-joie …
Mélanie Laurent
« Inglourious basterds » est un film qui fourmille de détails qui eux-mêmes peuvent renvoyer à d’autres thématiques. L’une d’entre elles, qui revient comme un fil rouge subliminal a trait aux Indiens d’Amérique  (Raine – Brad Pitt a un peu de sang indien, le rituel du scalp des Bâtards, le maquillage de Mélanie Laurent, une carte à deviner dans une scène coupée de la taverne porte le nom d’un chef Indien). D’autres détails des personnages restent sans réponse : pourquoi la cicatrice autour du cou de Raine ? Pourquoi à tout prix identifier par des flèches et des incrustations à l’écran les hauts dignitaires nazis dans le cinéma alors qu’à ce moment on est en totale fiction historique?
« Inglourious basterds » (l’orthographe bizarre du titre vient de l’accent en V.O. de Pitt, mais aussi pour éviter la confusion avec le film italien de Castellari, sorti aux States sous le nom de « Inglorious bastards ») fait pour moi partie du quarté majeur de Tarantino avec « Reservoir dogs », « Pulp fiction » et le Volume I de « Kill Bill ».
Un film à visionner obligatoirement en V.O. sous-titrée pour prendre la mesure de tout le jeu de langage des acteurs. Il existe un coffret métal à prix dérisoire contenant le film en BluRay et en Dvd, ainsi que le Dvd du film italien de Castellari. Qualité du BluRay excellente, mais bonus de l’ensemble un peu chiches …


Du même sur ce blog :
Kill Bill Vol. 2




WRAYGUNN - ECCLESIASTES 1.11 (2005)

Et Dieu, dans tout ça ?

Où il va être question de blues et musiques assimilées… Question préliminaire : qu’y a t-il de plus chiant qu’un disque de blues récent ? Et le premier qui me dit un vieux disque de blues, il s’en ramasse une … Bon, je reformule : qu’est-ce qui est plus chiant qu’un disque de Joe Bonamachin, de Robert Cray, de Clapton depuis trente ans, de Stevie Ray Vaughan, et de tous leurs semblables ? Ben rien, cette bande de pénibles se contentant de remettre à la sauce électrique avec des budgets colossaux ce que des types pauvres comme Job avaient fait mieux qu’eux en deux temps trois mouvements et leur vieille gratte pourrie il y a des décennies. Et qu’on me dise pas que le blues c’est bien parce que c’est toujours pareil, un genre qui n’évolue pas est un genre mort …

Et qu’est-ce qu’il faut pour faire évoluer le blues ? Revenir aux sources, aux origines, laisser de côté toute la putain fuckin’ technique à la noix, mettre toute son âme (la soul dit-on dans une autre langue) dans la bataille, et ne pas avoir comme objectif de faire un duo avec BB King au Royal Albert Hall devant des bourgeois qui auront raqué cinq cent livres leur strapontin …
Et le type dont au sujet duquel il va être question, il a fait le meilleur disque de blues depuis … Hendrix, au hasard. Donc, le gars il s’appelle Paulo Furtado pour l’état-civil, il est Portugais, son nom de scène quand il est tout seul, c’est Legendary Tiger Man, et son groupe c’est Wraygunn, on  y arrive … Et pourquoi il a tout bon dès le départ ? Parce qu’il est allé dans sa démarche encore plus loin que le blues, il est remonté jusqu’aux églises où l’on chantait du gospel, des spirituals, il a du au moins dans ses rêves se retrouver au fameux crossroad et là, il a pas choisi entre Dieu et le Diable, il a pris les deux. Parce qu’il a bien compris qu’il y a quelque chose de diabolique dans le blues, mais qu’à la base, tous les vieux bluesmen sortent des églises. Et Furtado a recruté une bande de caralhos dans son Portugal, pays cousin des très dévotes Espagne et Italie. Des gars et une fille qui aiment peut-être Muddy Waters, mais surtout faire bouger les lignes. Et dans cette troupe, il y a … éloignez les enfants et les fans de Canned Heat ou John Mayall… un type aux synthés, scratches, platines et bruitages divers … un DJ quoi … et croyez-moi, on l’entend … Et les cinq autres, dont deux batteurs (et non, on ne dit pas comme les foutus frangins Allman, ou je vais de nouveau me fâcher), ils lâchent les chevaux, envoient le bois…
La pochette dit tout, et plus encore … on y voit Furtado prendre la pose du Christ du Corcovado, mais au lieu de surplomber Rio, il est au milieu d’une décharge publique. Et là, sous nos oreilles ébahies, ce métèque et sa bande de va-nu-pieds vont pendant trois quarts d’heure détruire, reconstruire et finalement réinventer le blues. En réinjectant dans les douze mesures les chants des églises noires d’Amérique, la soul, le rhythm’n’blues, l’électro. … avec les bouffées de violence qui renvoient le pauvre Jon Spencer à ses chères études, avec ce côté prêcheur fou sous substances partagé entre démons et rédemption que n’a fait qu’effleurer un Nick Cave. Wraygunn est toujours partagé entre appels au sexe et à la prière, c’est le mariage du mystique et du pornocrate.

On est d’entrée au cœur du sujet. « Soul city » le premier titre commence par une incantation de prêcheur habité (Martin Luther King ?), qui se transforme brutalement en un rhythm’n’soul qui arrache tout. « Drunk or stoned » qui suit est un rock’n’roll crade, moîte, sexuel, avec un super gimmick de synthés. Le troisième titre (« Keep on prayin’ ») finit de planter le décor, rhythm’n’blues torride avec ses handclaps et l’apparition pour un duo avec Furtado de la voix féminine du groupe, la troublante Raquel Ralha. Un quart du disque et les bases sont posées. Le son est unique, tentaculaire, gavé d’effets électroniques, de distorsions, de filtres, comme si Trent Reznor avait remixé Howlin’ Wolf. Le phrasé peut se rapprocher du rap (« How long, how long ? »), peut devenir syncopé et dangereux comme celui d’Alan Vega (« Sometimes I miss you »), les guitares peuvent empiler des cocottes funky (« She’s a speed freak », le meilleur titre que les Red Hot Machin ont oublié d’écrire), le boogie (« All night long ») être aussi puissant que ceux de ZZ Top dans les 70’s, l’hommage aux Stones (« Hip », démarquage du « Shake your hips » de Slim Harpo, déjà entendu sur le « Exile … » des Cailloux) est plein de cette déglingue obligatoire de l’exercice …
« Ecclesiastes 1.11 » apporte la preuve que l’on peut faire du neuf avec du très vieux. Suffit d’avoir de l’imagination et de ne rien respecter. Un disque exceptionnel passé évidemment inaperçu (ils ont beau être portugais, ils chantent – très correctement – en anglais et sont distribués par une major), et d’après le peu que je connais de Furtado et de son œuvre, très nettement au-dessus de ce qu’il a pu produire avant ou après …