ANTHONY MANN - L'HOMME DE L'OUEST (1958)

Et Gary Cooper s'éloigna dans le désert ...

« L’Homme de l’Ouest » fut encensé par un article fleuve de Godard dans « Les cahiers du Cinéma », article dans lequel au milieu d’allégories fumeuses énigmatiques, il laissait clairement entendre que ce film était le meilleur d’Anthony Mann et le meilleur western jamais réalisé. En parallèle, Bertrand Tavernier, qui s’y connaît quand même un peu en matière de cinéma américain, juge que le film n’est sauvé que par une prestation extraordinaire de Gary Cooper… (on trouve tout ça, ainsi qu’une belle bio de Mann dans les excellents bonus du Dvd). Comme je suis un peu con et que les cons ça ose tout comme disait Audiard, je ne suis d’accord ni avec l’un ni avec l’autre …
Anthony Mann & Gary Cooper
Il y a quand même dans la filmo de Mann des westerns autrement mieux torchés que « L’Homme de l’Ouest », et notamment la tripotée tournée avec James Stewart (de « Winchester 73 » à « L’Homme de la plaine », faites votre choix). Et puisque le nom de l’immense Stewart est lâché, je vois pas comment on peut juger transcendante la prestation de Gary Cooper, acteur au jeu tout en économie finalement assez crispant (à tel point que je me demande toujours si on le prenait pour jouer un personnage ou pour faire son Gary Cooper devant la caméra …).
Godard et Tavernier n’ont pas tout faux. « L’Homme de l’Ouest » est bel et bien l’adieu de Mann au genre du western (il finira sa carrière en tournant des péplums dispensables), et synthétise d’une certaine façon sa perception du genre réduit à sa plus simple expression (la thématique de la vengeance portée par des héros ambigus). Godard a raison sur ce point-là. Tavernier aussi quand il exprime ses réserves sur le scénario, avec ses personnages monolithiques et son final cousu de fil blanc.
London, O'Connell & Cooper
Le scénario c’est du réchauffé. Un cow-boy vieillissant (Cooper) est missionné par les habitants de son petit village pour aller en « ville » et en ramener un instituteur. Lors d’un voyage en train, il rencontre son maître d’école (en fait une maîtresse, Julie London, chanteuse ratée de cabaret mais qui a fait soi-disant des études). Le train est attaqué, Cooper, London et un parasite trouillard (interprété par Arthur O’Connell) se retrouvent en pleine cambrousse avant d’arriver dans une ferme abandonnée qui sert de refuge aux bandits qui ont attaqué le train. Dont Cooper a fait partie dans le temps et dont le chef despotique (Lee J. Cobb) est son vieil oncle (en fait dans la vraie vie, Cobb a dix ans de moins que Cooper, merci aux maquilleuses…) à moitié fou, entouré d’une troupe hétéroclite de débiles plus ou moins légers, tous plus sauvages les uns que les autres … Une galerie de portraits entre les consanguins de « Délivrance », ceux de « La colline a des yeux » ou « Massacre à la tronçonneuse » … le seul suspense étant de savoir comment Cooper sans armes, avec une femme que tous veulent violer et un trouillard comme boulets attachés à ses pas, va faire pour dégommer toute cette bande de dégénérés… et accessoirement s’il va finir ses jours avec Julie London, alors qu’on a appris qu’il est marié et père de famille… un indice, dans les années 50, on rigole pas avec l’adultère, même au cinéma …
Lee J. Cobb
Alors oui, « L’Homme de l’Ouest » est pour moi plus raté que réussi. Beaucoup plus sur le fond que sur la forme. Parce que Mann, même s’il a touché à plein de genres, il est resté dans les livres d’histoire comme un maître du western. Parce que Mann, c’est le genre de type (comme John Ford) que si tu lui donnes une caméra pour filmer en Scope, t’en prends plein les yeux. Il sait trouver les endroits et surtout les transposer sur l’écran, même si on n’a vraiment que du « grand spectacle » dans le dernier tiers du film, le premier tiers se passant essentiellement dans un train et le second dans la pénombre de la ferme des bandits … c’est bien sûr ce contraste lumineux aveuglant qui rehausse le final … tiens, en passant, un détail aveuglant : pendant la majeure partie du film, Cooper est plus ou moins prisonnier / otage des bandits. Alors qu’eux sont totalement dépenaillés et hirsutes, lui semble toujours propre sur lui et toujours rasé de frais … Et la meilleure scène, elle est jouée par Cobb et London, quand le vieux libidineux caresse les cheveux de la chanteuse / instit et que Cooper est hors champ …
Heureusement, « L’Homme de l’Ouest » ne s’éternise pas, un peu plus de l’heure et demie syndicale, et perso il me donne l’impression d’être plutôt bâclé, témoin le duel final entre Cooper et Cobb dans une falaise désertique, qui dure même pas une minute, sans la moindre montée de tension. On est loin du final de « L’appât » au bord du torrent en furie.
Aujourd’hui, il semble bien que « L’Homme de l’Ouest » soit quelque peu oublié, ce qui n’est pas forcément très injuste …


Du même sur ce blog :
Winchester 73



2 commentaires:

  1. Il n'y a pas l'énergie des westerns avec Stewart, c'est certain, qui sont tous des films de poursuite, des films en mouvement. Ici c'est l'inverse. C'est presque théâtral. Ce que j'aime c'est l'aspect dramatique, lourd, crépusculaire, le huis-clos (beaucoup de scène dans la maison, alors que les westerns avec Stewart sont au grand air) et les cadrages qui privilégient les plans d'ensemble, en scope, pour filmer toute la troupe de comédiens... Mann était très fort pour ça. C'est comme Fritz Lang, quand ils filmaient en scope (Moonfleet) ils utilisaient le format à fond.

    Autant Cooper se pose-là quand il entre dans le champ d'une caméra, mais qu'on ne lui donne pas de texte Son jeu monolithique est effectivement très loin de la subtilité de J. Stewart. Et j'aime pas sa voix. On dit souvent que John Wayne jouait comme un pied, mais à côté de Cooper, Wayne c'est le Laurence Olivier du western ! Par contre, j'adore Lee J. Cobb.

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    1. Faire l'éloge de ce film, citer Fritz Lang ... allez, on t'a reconnu Godard ...

      Cooper, même dans "Le train sifflera trois fois", il est pénible ...

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