SEX PISTOLS - NEVER MIND THE BOLLOCKS (1977)


Hey Hey My My, Rock’n’roll can never die
Il y a des disques qui sont plus importants que d’autres, qui comptent vraiment dans le rock … parce qu’ils créent quelque chose de neuf, de révolutionnaire, une nouvelle façon d’appréhender la musique. De ces disques essentiels, en comptant large, on doit pouvoir en trouver une dizaine en soixante et quelques années. Et « Nevermind the bollocks » en fait partie.
Pas tant par son contenu. Une sorte de hard-rock primaire balancé vite et mal, à grosses guitares, (celles de Steve Jones, le seul du lot à savoir correctement jouer d’un instrument), venu en droite ligne du glam et du rock’n’roll des origines, avec tout qui doit être dit dans trois minutes. Et également inspiré par le pub-rock énergique et primitif des British Dr Feelgood, Ducks DeLuxe, Eddie & The Hot Rods, … ou les Amerlos Ramones et Heartbreakers (les bons, enfin, ceux de Johnny Thunders) …
Jones, Vicious, Rotten & Cook : The Sex Pistols
Les Sex Pistols et le punk en général se sont construits non pas pour proposer quoi que ce soit de nouveau ou d’original, mais en réaction envers ce qui existait. L’heure dans l’Angleterre de 1977 était au politiquement correct, en pleine préparation de la commémoration des 25 ans de règne de la Reine … les Sex Pistols prôneraient donc par souci d’opposition radicale l’anarchie, ce mot qui allait tant effrayer les bourgeois de tous ordres, et notamment ceux de l’industrie musicale. Les Pistols n’avaient en fait aucune conscience politique, leur seul credo était de faire n’importe quoi. Et avec des provocateurs-nés comme Rotten ou des débiles profonds comme Vicious, on allait être servis au niveau du n’importe quoi … l’apologie du chaos comme forme ultime de positionnement social.
Des jeunes glandeurs qui veulent faire un doigt au système, c’est pas ça qui manque, en musique comme ailleurs. Bien peu arrivent à se faire entendre. Les  Pistols réussirent à être des stars planétaires avant même d’avoir enregistré un 45 T. Aujourd’hui, la  nouvelle génération qui s’imagine préparer la révolution en insultant son prochain sur Twitter à grands coups de hashtags débiles appellerait çà un buzz d’enfer …
Les Pistols ont eu la chance d’être au bon endroit au bon moment, et même si les « vrais » punks anglais de 77 ne représentaient que quelques poignées d’individus, ils disaient tout haut ce que l’ensemble de la jeunesse locale pensait tout bas. Marre de ces consanguins totalement out qui squattaient Buckingham Palace, marre de cette société qui, déjà, ne proposait comme avenir que des formulaires d’allocs à garnir, marre de ces zicos embourgeoisés pétés de thunes, claquemurés dans leurs manoirs du Surrey, marre des vieux Stones, Who, Led Zep, Floyd, Yes, Genesis, …, de la bouillasse jazz-rock et de la tambouille prog. Et place au « Do it yourself », en substance si vous voulez pas de ce qu’on a à proposer, on va se débrouiller pour le faire quand même, et à nous aussi le pognon, la bonne coke, les Aston Martin, et les groupies sublimes dans chaque piaule d’hôtel …

Il fallait à ce bouillonnement désorganisé une vision, une approche, pour arriver à ses fins. L’homme de la situation s’appellera Malcolm McLaren, agitateur arty de seconde zone, déjà auteur d’un relookage catastrophique de ce qu’il restait des New York Dolls en trotskistes, mais qui trouvera avec les Pistols des débuts (les rapports se dégraderont très vite, surtout avec Rotten, le plus intuitif du groupe) un terreau sur lequel faire pousser ses idées toutes particulières du management. Le moindre incident, la moindre déclaration stupide de ses protégés seront ainsi amplifiés au maximum, et les occasions ne manqueront pas, les Pistols étant signés et éjectés aussi sec de deux maisons de disques avec procès retentissants à l’appui avant de s’échouer chez Virgin où paraîtra « Nevermind … » ; les Pistols se verront interdire de concert dans la plupart des grandes villes anglaises, Londres en tête. McLaren aura beau jeu de hurler au loup de la censure, de la répression culturelle. Et quand par hasard ils trouveront un rade qui veut bien d’eux, l’apocalypse que les Pistols y déclencheront au bout d’une poignée de titres fera les choux gras et la une des tabloïds à scandale, ce qui était bien évidemment le but recherché …
« Never mind the bollocks » sera le manifeste de cette génération punk et obtiendra un bon succès un peu partout dans le monde. Le temps de claquer les premières royalties en dope, et le groupe partira vite en quenouille, avec quasi simultanément le départ de Rotten et la mort de Vicious… Mais la déflagration aura été telle, que de partout dans le monde surgiront des teigneux mal coiffés et malpolis qui reprendront le flambeau et feront de 1977  et de quelques années suivantes de grands millésimes d’air frais musical…
Et puis, comme tout dans le music business finit par un déjeuner avec son banquier et (ou) ses avocats, on a pu, au détour de la programmation d’un quelconque festival, voir et écouter des Sex Pistols reformés … avec Rotten, vieux, gros et riche qui fait son numéro de muezzin psychotique, sans Vicious toujours aussi mort, et les autres qui ont appris à jouer … pantalonnade sans aucun intérêt.
Il faudra après « Nevermind the bollocks » attendre quinze ans et Nirvana pour voir pareille chose secouer le monde ronronnant du music business… Et depuis le trio de Seattle, ça fait plus de vingt cinq ans qu’on espère que quelques gamins la rage aux dents viendront signifier aux geignards Coldplay, Muse, Radiohead et autres ennuyeux, que bon, ça va, on les a assez entendus ces pénibles, ils peuvent dégager …
Eh oh, Lester, tu crois que t’as fini ta chronique là ? T’as pas dit un seul mot sur ce putain de disque … Qu’est-ce qu’on y entend sur ta putain de rondelle ?
L'émission de télé avec Bill Grundy, le scandale arrive ...
Euh … du boucan, essentiellement. Par trois types, enfin deux … Paul Cook se fait chauffer les articulations des coudes à force de cogner sur ses toms le plus vite et le plus fort possible (avant que ça devienne un  passage obligé pour les les drummers punk, trash, hardcore, metal ou que sais-je …). Steve Jones, lui assure des parties de guitare qui ont du laisser songeur Santana (du riff bourrin, au mieux rock’n’roll, quelques chorus, pas le moindre foutu solo, fans d’Alvin Lee et de Dickey Betts, circulez …). Et puis, comme le docile Matlock (pas assez punk) s’est fait lourder et remplacer par le demeuré Sid Vicious, totalement incapable de sortir la moindre note de sa basse, c’est Jones qui a aussi assuré les lignes de basse (là aussi, si t’es fan de Jaco Pastorius, casse-toi …). Pas de bol pour Jones, dès la sortie de « Never mind … », une rumeur persiflante et insistante a prétendu que c’était le requin de studio Chris Spedding qui jouait toutes les parties de guitare, ce qui est faux … Tiens, en passant, une anecdote de studio. « Never mind » a été enregistré à Londres, au Wessex Studios. En même temps que les Pistols, Queen enregistrait «  A day at the races » (celui avec « We will rock you » et « We are the champions »). Et Freddie Mercury, cabot comme pas deux, passait son temps quand il le croisait à chambrer le « terrible » Sid Vicious (il était surtout terrible quand il avait beaucoup de monde avec lui, sinon il était gaulé comme une arbalète et toujours raide déf, il faisait pas le poids) qu’il appelait Stanley Ferocious …
Et puis, les Pistols, c’était avant tout Johnny Rotten. Lui avait de la répartie, ridiculisait tout son monde en interview, et savait trouver les formules et les accroches qui tapent fort et juste. Pas pour rien si les deux titres les plus emblématiques du punk toutes époques et continents confondus sont « God save the Queen » (« God save the Queen, her fascist regime … » et « Anarchy in the UK » (« I am an Antichrist, I am an anarchist … »). Rotten était un observateur féroce, décrivant avec les mots qui cognent et font mal  la déliquescence de la société anglaise… comme un Ray Davies des banlieues, et si vous savez pas qui est Ray Davies, c’est pas que vous êtes punk, c’est que vous êtes juste incultes …
C’était les Sex Pistols … et aujourd’hui on s’en bat les couilles, on préfère Maître Gims … porca miseria …



1 commentaire:

  1. Me souviens quand c'est sorti ce truc. Comme ça correspond à l'époque à laquelle je commençais sérieusement à m’intéresser à la zique, pas compris l'engouement soudain pour les épingles à nourrisse ou les lames de rasoir sur fond de morceaux à 2 accords mal plaqués. Avec le recul et donc la mise en perspective, respect pour ce jalon de remise en question même si objet de récupération comme dans toute industrie.
    Ray Davies, c'était pas le mari de Chrissie Hynde?...

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