GNARLS BARKLEY - ST. ELSEWHERE (2006)

Does that make me crazy ?
Euh, pas vraiment … Et plus le temps passe, plus le temps passe, quoi, si vous voyez ce que je veux dire. Aujourd’hui, ce « St. Elsewhere », on le trouve à 1 centime (moins les frais de port) d’occase n’importe où sur le web. La loi de l’offre et de la demande, vous me direz. Certes, mais y’a pas trop de demandeurs dans ce cas. Ou il y en a à vendre à la pelle de ce « Rue Quelque Part » …
CeeLo green & Danger Mouse : Gnarls Barkley au complet (veston)
Pourtant Gnarls Barkley, au milieu des années 2000, c’était le truc dans l’air du temps. La réunion conjonction de deux types dont on voyait le nom partout, les dénommés Thomas DeCarlo Callaway et Brian Joseph Burton. Comme leurs vrais blazes étaient pas très sexy, ils avaient eu la bonne ( ? ) idée de se rebaptiser CeeLo Green et Danger Mouse (ce qui était pas forcément mieux). Les deux officiant avec succès, le premier dans un rap soul et cuivré, l’autre dans la production de trucs furieusement tendance, chacun récoltant de son côté de gros paquets de billets verts.
Gnarls Barkley, personne a jamais pris ça au sérieux, et certainement pas les deux principaux intéressés. Plutôt un truc du genre, quand on a bossé toute la journée dans un studio d’enregistrement, si on y revenait juste pour s’amuser ? Aussitôt dit, aussitôt fait. « St. Elsewhere » sent la récréation, on trouve une mélodie, un gimmick, quelques samples, Danger Mouse cale tout ça sur ses ordis, et le CeeLo Green chante ou rappe là-dessus. On se prend pas trop le chou, à quoi ça sert, on est connus et malins, il se trouvera toujours quelques couillons pour acheter notre rondelle.
Au bal masqué oh hé oh hé ...
Coup de bol, les deux compères ont sorti une tuerie, un single hyper malin, frais et bien foutu, qui a rythmé 2006 et 2007, ça s’appelle « Crazy », c’est bête comme chou, avec un sample d’une B.O. de western italien pour attirer l’oreille, et ça a fonctionné. Heureusement, parce que le reste, c’est soupe à la grimace. On sent les deux types qui avaient écrit sur un tableau tous les genres musicaux auxquels ils avaient d’accommoder leur electro rap de base et qui à mesure piochaient dans la liste. Tiens et si on mettait du gospel (« Go-go gadget gospel »), du rock garage (« Gone daddy gone »), un zeste de boogie (« The boogie monster »), de la soul lascive (« Online »), une mélodie pop (« Smiley faces »), … Dans tout ce bazar, qui fait penser dans l’esprit et le résultat à Moby (voir le « Natural blues » du chauve vegan qui n’avait rien de naturel ni de blues), ne surnagent, outre « Crazy », que deux morceaux qui dépassent tout le reste de la tête et des épaules, « Just a thought », et « Who cares » bonnes chansons aux arrangements originaux.
A noter qu’un titre s’appelle « Transformer » et n’a rien à voir avec Lou Reed, un autre « The last time » sans rapport avec les Stones. Ah, et pour être exhaustif et descriptif, rendons grâce à CeeLo Green et Danger Mouse de ne pas s’être éternisés et vautrés dans un double Cd indécent. « St. Elsewhere » aligne quatorze titres en moins de quarante minutes, comme quoi, quitte à faire des plaisanteries plus ou moins douteuses, autant les faire courtes.

Les deux compères ont tenté une suite deux ans plus tard qui n’a intéressé personne, le Green est revenu à son fonds de commerce rap habituel, le Danger Mouse a continué de coller son nom sur tout un tas de disques, devenant ces derniers temps l’officieux troisième Black Keys …



VICTOR FLEMING - AUTANT EN EMPORTE LE VENT (1939)

Tara et Taratata ...
« Autant en emporte le vent » (« Gone with the wind », ce qui n’est pas exactement la même chose en VO) est un des films les plus célèbres et célébrés de cet art qu’on appelle 7ème. Pour plein de raisons, généralement meilleures les unes que les autres. Le mètre-étalon du mélo et de la saga familiale depuis plus de 70 ans …
C’est pourtant d’un kitsch ultime, ça empile les clichés romantiques, sociaux, racistes pendant quasiment quatre heures (trois heures cinquante trois sur la version BluRay dite du 70ème anniversaire, avec une superbe image restaurée dans le 4/3 d’origine respecté, mais revers de la médaille, avec des filtres, des superpositions d’images et des trucages bien voyants).
Vivien Leigh & Clark Gable
« Autant … » est l’adaptation d’un roman à succès tout récent (1936 pour le roman, fin décembre 1939 pour la première mondiale du film) de Margaret Mitchell, racontant la vie mouvementée et les amours tourmentées d’une riche héritière de grands propriétaires du Sud des Etats-Unis, sur fond de Guerre de Sécession. Le rôle féminin principal est tenu par une Anglaise peu connue, Vivien Leigh, choisie après un interminable casting, pittoresque et plein d’anecdotes. Pour lui donner la réplique, une star confirmée, Clark Gable. Les deux formeront à l’écran le couple devenu mythique Scarlett O’Hara et Rhett Butler. Malgré la durée du film, ces deux personnages sont les seuls assez fouillés, même s’ils se résument assez facilement à l’exposition de deux superbes têtes à claques.
Selznick, Fleming, Leigh & Gable
Elle, hautaine et infantile, multipliant maris de circonstance et entendant voir le monde tourner autour de sa petite personne. Lui, coureur, dragueur sûr de son charme, naviguant à vue dans la guerre au gré de ses intérêts personnels. Les deux passent le film à se croiser, se séduire, se détester, se marier, se séparer, imbus d’eux-mêmes, semant morts et couples brisés, comme des Bonnie and Clyde de comédie galante … Ils finissent tous les deux plus ou moins alcoolos, préfigurant dans une scène de dispute les Richard Burton et Liz Taylor de « Qui a peur de Virginia Woolf ? ». Les autres personnages (le couple Ashley-Melanie notamment) sont taillés à la hache (la sainte qui se sacrifie pour le bonheur des autres et le simplet romantique incapable de choisir entre les deux femmes de sa vie), de toute façon une bonne moitié des seconds rôles meurt avant la fin, manière d’entretenir la larme à l’œil du spectateur. Détail cocasse (ou saugrenu, au choix), dans ce film censé raconter entre autres l’effondrement d’un monde et d’une société sudiste raciste, suprématiste et prétentieuse, dans une guerre civile qui a permis entre autres la fin de l’esclavage et l’émancipation des Noirs, ces derniers semblent tous sortis de la Revue Nègre ou des sinistres pubs Banania (ils roulent de gros yeux, sont très bêtes et naïfs, et sont doublés en français d’une façon tragique, on comprend pas un mot de ce qu’ils racontent). Comme quoi, même si les Yankees ont gagné, soixante ans après la fin de la Guerre de Sécession, y’avait encore du boulot en ce qui concernait l’image de tous ceux qui n’étaient pas Blancs…
De belles images ...
« Autant … » est réalisé par Victor Fleming (un vieux de la vieille de la MGM qui a débuté au temps du muet), c’est du moins ce qui est écrit dans le générique. En fait, l’histoire est connue et archi-connue, trois réalisateurs se sont succédé derrière la caméra (George Cukor, Sam Wood et Fleming), mais c’est bel et bien le magnat producteur David O. Selznick qui a fait la pluie et le beau temps sur le plateau, c’est lui dont le nom apparaît le premier au générique, et « Autant … » est avant tout son film à lui. Selznick a mis du pognon dans cette affaire, pas à perte, « Autant … » est aujourd’hui considéré comme le film le plus vu de tous les temps et celui qui en dollars (corrigés par l’inflation) a rapporté le plus de pognon.
De beaux travellings ...
Faut reconnaître que c’est bien foutu. Tout a été travaillé, pensé pour en foutre plein les oreilles (la musique de Max Steiner et ses violons lyriques larmoyants, maintes fois plagiés depuis dès qu’il s’agit de jouer sur la corde sensible du spectateur), mais surtout les yeux. Les plans larges sont somptueux, les couleurs malgré l’époque superbement maîtrisées, les costumes remarquables (il faudra attendre « My Fair Lady » pour voir mieux) et quelques plans font partie à tout jamais de la légende du cinéma. Tels ce travelling arrière dans la gare d’Atlanta, dévoilant des centaines de blessés et de mourants (pas que des figurants, mais ça en jette un max), ou les scènes de l’incendie d’Atlanta (ils ont cramé de vieux décors, et les acteurs ne traversent pas les flammes, ça se voit, mais qu’importe, c’est assez saisissant et ça donne même quand l’attelage a quitté la ville de superbes fonds de ciels rougeoyants sur lequel Rhett et Scarlett échangeront leur premier baiser …). Les deux fermes (la Tara des O’Hara et les Twelve Oaks chez Ashley) ont de la gueule, les scènes d’intérieur se passent dans des décors et des reconstitutions grandioses, comme la scène du bal à Twelve Oaks (qui vaut pas celle du « Guépard » mais quand même), où la Tara reconstruite grâce au pognon héritée par la veuve Scarlett et celui acquis dans des conditions douteuses par Butler.
Les Oscars sont tombés comme à Gravelotte sur le film (huit statuettes, plus deux prix spéciaux ou un truc du genre), en fait la seule surprise de cette œuvre magistrale bien que consensuelle, c’est que Clark Gable n’ait pas gagné dans la catégorie du meilleur acteur. Malgré des dialogues très théâtraux, le côté suranné de ce monde et de ses amourettes, malgré … une multitude de petits défauts, « Autant en emporte le vent » reste un monument.

De kitsch, certes, mais un monument quand même …


Du même sur ce blog :

CALEXICO - THE BLACK LIGHT (1998)

Sous le soleil exactement ...
Calexico, c’est au départ un groupe récréatif. Les deux hommes de base sont Joey Burns et John Convertino, respectivement bassiste et batteur. Les deux formant par ailleurs la section rythmique de Giant Sand, groupe d’americana capable du meilleur comme du pire, et souvent dans le même album. Le leader de Giant Sand est Howe Gelb, un temps pape de l’americana indie, et aujourd’hui quelque peu tombé dans l’oubli. Ce même Gelb vient prêter main forte à l’orgue et au piano à ses deux compères sur ce « Black Light ».
Conçu au départ comme une escapade à côté de Giant Sand, Calexico est devenu une entité durable à part entière, avec plus de succès que le groupe dont il est issu. Vendus commerciaux, soupards, ironisèrent les fans de Gelb. Ma foi … Trouver Calexico (le nom est tiré d’un vrai patelin de Californie et non pas d’une contraction de California et Mexico) commerciaux relève tout de même d’un contorsionniste cérébral et d’un grand écart dialectique que je laisse à leurs contempteurs.

« The Black Light » n’est pas un disque pour les hit-parades, d’ailleurs je me demande s’ils ont jamais eu un seul hit, Calexico. Burns et Convertino proposent une tambouille sonore marquée par des éléments facilement identifiable. Une americana feignasse, s’ébrouant mollement dans des tempos assoupis, sur laquelle viennent se greffer des emprunts à la musique latine (des bribes de tango) mais surtout aux rythmes mariachi du Mexique tout proche. Parce que Burns et Convertino (tout comme Gelb), sont basés à Tucson, Arizona, où ils enregistrent tous leurs disques. Petit cours de géographie pour les ceusses qui étaient assis à côté du radiateur au lycée, l’Arizona, c’est à l’Est de la Californie et au Nord du Mexique, un coin pas spécialement réputé pour ses températures polaires. Et ce cagnard qui cogne à longueur d’année sur les terres brûlées et les landes de pierre (merci Sardou) donne aux disques de Calexico cet air de sieste par 45° à l’ombre, quand chaque battement de cil fait ruisseler sur le visage des litres de sueur. On l’aura compris quand le soleil donne (merci Voulzy), la musique de Calexico s’en ressent.
« The Black Light » sous ses atours alanguis, offre un voyage au ralenti dans l’âme sonore du Sud des States et même de l’autre côté du Rio Grande. Disque à deux de tension, mais bon, qui peut raisonnablement se fader dès la puberté dépassée, une heure de trash metal toutes guitares crissantes et vocaux éructés en avant… « The Black Light » est un disque instrumental … dont certains titres sont chantés. Enfin, chantés … Burns parle, récite, essaye vaille que vaille de coller à la mélodie d’une voix grave de type qui a plutôt envie de boire une Corona que de monter dans les aigus. Ainsi, sur les dix-sept titres (ouais, en 98, la mode c’était des Cds d’une heure ou pas loin), dix sont totalement instrumentaux, quelquefois sous forme d’intermèdes ou d’interludes (« Sprawl », « Vinegaroon »).

Mais faut pas croire que « The Black Light » est bâclé par deux types et quelques comparses (le Gelb déjà cité, et quelques potes aux patronymes pour la plupart fleurant bon les descendants de Cortez, notamment les trois trompettistes) entre deux tacos et trois siestes. Le travail sur le son (Burns et Convertino s’autoproduisent) ample (les basses taquinent l’infra) et spatial tout en restant minimaliste est remarquable. Gimmick récurrent : la batterie de Convertino (qualifiée à juste titre de « thunder drum » dans le livret) est tabassée à grands coups de baguettes sur les toms toutes les cinquante douze mesures ou à peu près ce qui donne cet effet de foudre qui s’abat sur la mélodie et structure le titre. Et puis « The Black Light » est construit, pas mathématiquement, certes, mais les rythmes sont plus enjoués vers le final (tous les titres à cuivres mariachi sont dans sa seconde moitié). On n’est pas dans l’inouï, tout ce qui figure sur cette rondelle, quiconque n’a pas passé sa vie à écouter NRJ l’a déjà entendu. Mais pas souvent avec cette constance, ce désir de faire une œuvre qui sonne comme un tout et non pas comme la juxtaposition de titres disparates.
On pense souvent forcément à JJ Cale (ou à son copiste Knopfler), au Ry Cooder de « Paris, Texas », à du Tom Waits qui aurait pris un coup de soleil, à des Lobos au ralenti, aux BO de westerns poussiéreux signées Morricone … S’il fallait ressortir quelques morceaux d’un ensemble hyper cohérent, difficile de ne pas citer le tango inaugural de « Gypsy’s curse », la ballade brumeuse « Missing », la doublette finale (le lentissime « Bloodflow » et le très western « Frontera »), le mariachi « Minas de cobre », la surf music ralentie de « The ride  (part II) », et le titre éponyme, peut être le plus représentatif du son et de l’ambiance globale de l’album …
Et tout le reste n’est pas loin de ce bon niveau …

« The Black Light » est le disque parfait. Pour oublier que c’est l’hiver …


BOB DYLAN - TIME OUT OF MIND (1997)

Résurrection ...
1997. Dylan a cinquante six ans. Ce qui en soi n’est pas grave. Non, là où ça coince c’est qu’il est en roue libre, voire en chute libre artistiquement depuis la fin des années 80. Depuis « Oh mercy » (1989), son dernier bon et grand disque produit par Daniel Lanois.
Il se contente d’enchaîner des concerts (le bien nommé Neverending Tour, même s’il n’aime pas cette dénomination) et des disques qu’il ne prend plus la peine de composer seul, dans une indifférence au mieux polie (le Zim fait partie de ces totems difficiles à abattre).
Bob Dylan & Daniel Lanois
L’homme étant peu enclin à livrer ses états d’âme, va savoir ce qui a bien pu lui passer par la tête pour s’atteler à la confection de ce « Time out of mind ». Ce qui est certain, c’est que quand il a envie de faire de bonnes choses, Dylan ne laisse rien au hasard. Il revient chercher Daniel Lanois pour produire et gratouiller de la guitare. Sous le pseudo de Jack Frost, Dylan coproduit. Mais surtout il s’investit comme ça ne lui était pas arrivé depuis bien longtemps dans l’écriture, joue de la guitare, ressort son vieil harmonica, tapote du piano. Et il va recruter une escouade de fines gâchettes (certains l’accompagnent déjà sur scène), ne lésinant pas sur le casting. Dans lequel figurent entre autres, une flopée de guitaristes (Duke Robillard, Bucky Baxter, Robert Britt, la slideuse blonde Cindy Cashdollar), quatre batteurs dont l’incontournable Jim Keltner, le bassiste Tony Garnier, Augie Meyers aux claviers et last but not least la légende des studios Muscle Shoals Jim Dickinson également aux claviers (curieusement orthographié Dickenson sur le livret) dont le CV remplirait un bottin… Pas exactement des perdreaux de l’année …
L’ambiance du disque est sombre, voire crépusculaire (les textes, toutes les tonalités dans les down ou mid tempo). On a beaucoup causé à l’époque de disque testamentaire, celui d’un génie qui s’apprêtait à tirer sa révérence et voulait d’une fin artistique remarquable et grandiose. Sauf que Dylan a jamais rien prétendu de tel et que de toutes façons ça fait plus de vingt ans qu’il continue de sortir des disques, certains immondes (son disque de chants de Noël en 2009), d’autres plus que dignes (les trois-quatre qui ont suivi ce « Time out of mind »).

La première chose qui frappe lors de l’écoute, c’est cette voix caverneuse, gutturale, mixée le plus souvent très en avant, qui daigne quelquefois chantonner sur la mélodie mais se complaît la plupart du temps dans des talking blues. C’est à mon sens le point de bascule du disque. Déjà que Dylan n’a que peu à voir avec les grandes voix du rock & folk & machin, dans « Time out of mind », ce râle de vieillard orchestré peut être rédhibitoire pour certains. Qui auront tort. Parce que ce disque, il est pas loin d’être dans la poignée des tous meilleurs du Zim.
On le sait, Dylan est une éponge. Un type qui passe sa vie à écouter et jouer de la musique, qui a une culture encyclopédique, à l’instar de Costello, Prince et quelques autres, de tout ce que la musique populaire (et pas seulement binaire) a pu produire au XXème siècle. Bon, son truc à Dylan, là où il est le plus à l’aise, c’est ce qu’on englobe sous le terme générique d’americana, vaste mayonnaise sonore où se côtoient blues, folk, rock et leurs croisements et dérivés. Un genre qu’il a quand même et pas qu’un peu contribué à généraliser, notamment du temps où il se défonçait (et accessoirement enregistrait des disques) avec le Band.
« Time out of mind » aligne des compositions d’un niveau rarement entendu chez Dylan depuis la seconde moitié des années 60. « Time out of mind » joue dans la même cour que « Blood on the tracks », « Infidels » et « Oh mercy », ses trois meilleurs disques des trois dernières décades.
Pour s’en rendre compte, c’est pas compliqué, suffit de mettre la rondelle dans le lecteur et d’appuyer sur « Play ». « Love sick » qui ouvre le disque débute comme une jam, les types finissent d’accorder leurs grattes, on a l’impression le groupe se met progressivement en place, que petit à petit tous les instruments arrivent et se greffent sur ce down tempo plus parlé que chanté. Ça sonne laidback et foutraque comme un JJ Cale des grands soirs, entrelardé par de gros riffs de guitare très Dire Straits (hommage à son ancien pote Knopfler ? joke au énième degré ? ) qui déchirent l’espace.

La voix sépulcrale et la multiplication du Hammond B3 renforcent tout du long du disque cette ambiance crépusculaire, au service de ballades intemporelles (« Standing in the doorway », « Million miles », « ‘Till I fell in love with you », les énormes « Not dark yet » et « Make you feel my love »), toutes tirant sur la corde bluesy. Dylan est encore capable de s’attaquer au rock déglingué très stonien voire carrément keithrichardsien (« Cold iron bound ») manière de montrer que lui il assume son âge, ne joue pas aux éternels jeunes premiers (t’as saisi la petite vacherie, Mick ?) en s’arcboutant sur un tempo rapide hors de propos. La voix concassée et le blues déstructuré montrent que s’il veut, Dylan peut faire un excellent Tom Waits.
Enfin, histoire de faire bouillir quelques neurones, Dylan place à la fin du disque l’épique (plus de seize minutes) « Highlands », comme le contrepoint (ou le négatif, allez savoir avec lui) du « Sad eyed Lady of the Lowlands » qui clôturait « Blonde on blonde ». On peut penser ce qu’on voudra de cet auto-clin d’œil  mais il faut quand même reconnaître qu’il faut être sacrément gonflé pour se lancer dans cet exercice qui est loin d’être honteux face à un de ses titres emblématiques des 60’s …

Et donc en cet an de grâce ( ? ) 1997, tout le monde, bien embêté, a été obligé d’admettre que le vieux Bob Dylan avait encore sorti un grand disque …


Du même sur ce blog :

ROLAND EMMERICH - INDEPENDENCE DAY (1996)

Les Etats-Unis et leur Président sauvent le Monde ...
« Independence Day » est un des plus gros cartons commerciaux des années 90. Logiquement, serait-on tenté de dire, tant le film accumule toutes les grosses ficelles (et aussi un budget conséquent) qui font se précipiter les cochons de payants dans les salles obscures. Un réalisateur ne lésinant pas sur les effets spéciaux, Roland Emmerich (« Universal soldier », « Stargate »), une trame de film catastrophe, des histoires d’amour à deux balles qui foutent la larme à l’œil, des scènes comiques, des explosions de partout à la pointe de la technologie, des aliens bien méchants, des héros charismatiques, des clins d’œil à d’autres films à succès, n’en jetez plus …
Bill Pullman il va sauver le Monde ...
Forcément, à force de vouloir faire trop bien, on en fait juste trop. « Independence Day » donne l’impression de quelques scènes fortes enchaînées. Et entre des pulvérisations de maquettes vraiment spectaculaires (même plus de vingt ans après), on a dû rajouter une histoire. Inutile donc de préciser que le scénario ne brille pas spécialement par sa finesse. Ni par sa crédibilité, bien qu’on évolue dans l’univers sciencefictionnesque. Imaginez, le Monde, que dis-je le Monde, l’Humanité entière (enfin, ce qu’il en reste à ce moment du film) est sauvée grâce à une opération d’aviation avec en chef d’escadrille le Président des Etats-Unis himself. Ça en a fait tiquer quelques-uns, bien avant qu’un corniaud à perruque orange ne profère ses « Make America great again » …
Et quelques autres aussi pour d’autres raisons. Parce qu’il y a des fois où le Emmerich (et ses scénaristes) se sont pas trop foulés. Entre extraits de films cultes vintage (« Le jour où la Terre s’arrêta ») du génial touche-à-tout Robert Wise, décalques de scènes de « Rencontres du 3ème type » (la séquence de « communication » des hélicos de « bienvenue ») ou de « La planète des Singes » (la Statue de la Liberté couchée sur le sable), répliques piquées à des films cultes (le « Nobody’s perfect » qui concluait « Certains l’aiment chaud » lors de la prière dans la Zone 51), plans de vaisseaux spatiaux en mouvement déjà vus chez Kubrick ou Ridley Scott, …, on peut pas vraiment dire qu’on nage dans l’inédit total…
La fin de la Maison Blanche ...
La plupart des acteurs têtes d’affiche cabotinent à qui mieux-mieux. Notamment Will Smith (ancien ? rappeur reconverti ici en pilote d’avion de chasse et de navette extraterrestre) et Jeff Goldblum (petit employé dans la maintenance de signaux satellite se transformant en Géo Trouvetou qui implémente un virus dans le vaisseau-mère des aliens).
Le film est quasiment un scénario cornélien. Tout se passe en trois journées, du 2 au 4 Juillet, le 4 Juillet étant est-il bon de le rappeler aux fans de Christian Clavier, le jour de la Fête Nationale (Independence Day) des Etats-Unis. Paradoxalement, ce film à la gloire du pays de Lady Gaga, a rencontré tout un tas de problèmes avec l’Etat Fédéral. Qui surtout n’a pas apprécié que toute une partie de l’histoire se déroule dans la fameuse Zone 51. La Zone 51 (ho, le fan de Clavier, branche tes neurones, c’est pour toi) est un peu la tarte à la crème de tous les tenants de la théorie du Complot et serait l’endroit gardé secret où sont étudiés les extraterrestres (celui de Roswell notamment), leurs vaisseaux et leurs technologies, venus s’échouer ou se crasher sur le sol yankee … les mêmes « autorités » n’ayant paraît-il également que peu apprécié que le Président des USA (Bill Pullman dans le film) prenne à moment donné la décision d’utiliser l’arme nucléaire sur le sol de son propre pays (eh, les mecs, si vous avez filé le code à Trump, attendez-vous à tout …). Résultat des courses : interdiction à l’équipe de filmer dans la Maison-Blanche et même de s’en approcher. Des maquettes et les décors du film « Nixon » ont permis de contourner cela.
Bon, ce qui a fait surtout se précipiter l’humanité dans les salles, c’est un ton léger, badin, humoristique malgré les millions (milliards ?) de morts du scénario (le film est classé tout publics). Force est de reconnaître qu’il y a quelques bonnes vannes habilement amenées (certaines au millième degré, tel le savant fou responsable de la Zone 51, maquillé pour ressembler trait pour trait au responsable des effets spéciaux de « Stargate », le précédent film d’Emmerich) quelques mimiques drolatiques du casting (mentions particulières au vétéran Robert Loggia, en chef d’Etat-major qui se livre à une imitation convaincante de tous les tics de John Wayne ; à Randy Quaid, pilote vétéran du Vietnam bourré durant tout le film).
Will Smith & Jeff Goldblum : l'étoffe des héros
Mais surtout, ce qui a fait le succès de « Indepedence Day », ce sont les effets spéciaux pyrotechniques. Parenthèse : ne surtout pas écouter dans les bonus du Blu-Ray les technicos qui commentent le film en ne parlant, des fois avec vingt minutes d’avance, que de la façon dont ils s’y sont pris pour réaliser leurs trucages. Après 45 minutes de présentation des personnages et de mise en place anxiogène des gigantesques vaisseaux spatiaux, arrivent des séquences de destruction massive et totale des villes américaines (New York, Los Angeles, Washington) quasiment toutes « faites main ». De la même façon, les multiples séquences de combats aériens entre les chasseurs F18 ricains et les soucoupes violentes des aliens ont été réalisés sans le concours de l’armée et de l’aviation (voir plus haut) avec en tout et pour tout trois maquettes en bois grandeur nature …

Allez, rassurez-vous, tout est bien qui finit bien, tout le casting ou à peu près s’en tire, et s’il y en a quelques-uns qui crèvent (la femme du Président, Randy Quaid), c’est de façon hyper-héroïque. Comme je l’ai dit quelque part plus haut, « Independence Day » est un film tout public. Avec les qualités et les défauts d’un film tout public …


MATTIEL - MATTIEL (2017)

Brown, his name is Brown ...
Comme l’autre, le Jaaames … et comme lui quelques fois, elle a enregistré à ce disque Atlanta, Géorgie … Et … c’est tout, les similitudes avec le Godfather s’arrêtent là …
Mais par contre, si vous voulez secouer la boîte à souvenirs, elle se pose un peu là, la Mattiel, puisque c’est son prénom qu’elle a choisi comme nom de scène. Apparemment, c’est sa première rondelle, y’a pas de livret et des infos aussi rares que les vols d’autruches au Groenland dans le digipack. Juste une page Facebook entretenue par quelque geek qui poste des trucs sans intérêt tous les quarts d’heure. Seule issue possible : tu mets le freesbee dans le tiroir, t’appuies sur « Play » et tu te démerdes …

Et au bout d’à peine plus une demi-heure, tu restes un peu tourneboulé par ce que tu viens d’entendre. Douze titres et rien à jeter … les grincheux diront que le dernier titre (« Ready to think »), avec sa voix parlée et ses synthés trop en avant n’est pas génial. OK, je vous l’accorde, mais on en connaît beaucoup qui s’en contenteraient et bomberaient le torse s’ils étaient capables de foutre un morceau de ce calibre sur leurs rondelles.
Parce que les autres … on voit pas très bien parmi les jeunes « génies » (rires) de la pop-rock-machin-truc, ni d’ailleurs parmi les plus anciens qui peut espérer ce niveau.
D’abord, Mattiel, c’est une présence vocale mixée très en avant qui transperce les enceintes. Une shouteuse blanche, toujours à fond, ou alors encore plus à fond. Dont la façon d’interpréter renvoie assez fréquemment à Aretha Franklin. Et puis quand elle gueule pas, on pense irrémédiablement à la rétamée Amy Winehouse, ces feulements soul tout en retenue, en présence, au feeling … Impressionnant…
Et c’est pas que de la technique vocale, Mattiel. Y’a de la chanson, derrière tout çà. De la chanson sixties évidemment, la décennie où l’on  a écrite les meilleures. Mais contrairement à tous ces djeunes qui se focalisent sur une période et un genre précis (des groupes de heavy psych, il s’en monte trois cent douzaines par jour, et sortis de leurs gros effets fuzz, que dalle …), la Mattiel survole toute la décennie, touchant à tout avec un égal bonheur.

Vous voulez de la Tamla Motown genre « Please Mr Postman » des Marvelettes ? Ecoutez « Baby Brother » et vous m’en direz des nouvelles, y’a tout, la rythmique chaloupée, les chœurs, les cuivres … Vous vous souvenez du « San Francisco » de Scott McKenzie (ou de Jojo H.), alors « Cass Tech » est pour vous. Vous vous souvenez des blues tribaux aux riffs sales des White Stripes avant qu’ils virent mariachi (oui, je sais, ils enregistraient pas dans les 60’s mais les recopiaient eux aussi intelligemment), « Send dit on over » ou « Fives and tens » sont ce qu’il vous faut. Vous aimez le style Otis Redding (le plein d’octaves et de décibels sous le capot, mais toujours en retenue classieuse), jetez les deux oreilles sur « Just a name ».
Non contente de sonner comme les légendes, la Mattiel se paye aussi le luxe de ridiculiser en un seul titre ceux et celles qui avant elle s’étaient adonnés au même genre d’exercice. Le premier titre, « Whites on their eyes », c’est de la PJ Harvey des deux premiers disques, quand elle enregistrait et chantait toutes tripes en avant … quand le tempo s’accélère façon dragster, genre punk mélodique d’il y a trente ans, c’est le fantôme des disparus Supergrass qui s’agite (« Bye bye »). Cette Mattiel, même si sa voix est beaucoup plus aigue, c’et la Winehouse de cette fin de décennie (« Not today », « Count your blessings »). Et on reste bouche bée à l’écoute de « Salty words », dans le Top Ten des meilleures chansons sixties sorties trop tard …

Disque de l’année … au moins …