ZZ TOP - ELIMINATOR (1983)

You play the guitar on the MTV ...
« Eliminator » est le disque le plus connu, celui qui s’est le mieux vendu de ZZ Top. Et bien évidemment pas leur meilleur. Pour ça, il faut aller piocher (au hasard, ça marche à tous les coups) dans ceux d’avant…
ZZ Top 1983
Faut resituer un peu le machin, le contextualiser comme disent les hipsters. ZZ Top, au début des années 80, c’est le « little ol’ band from Texas » (c’est quelquefois écrit au cul de leurs disques). Et que la musique qu’ils aiment, excuse-moi partenaire, elle vient de là, elle vient du blues. Dès les débuts de leur carrière, les Top n’ont jamais renié leur côté rustique, voire rustaud. Le belouze, y’a que ça de vrai, et au Texas, on est pas des tafioles. Moins cons que la moyenne (on y reviendra), le trio a fait un gimmick exacerbé de son côté plouc, en rajoutant une couche à chaque disque (la pochette de « Fandango » avec la carte du Texas brodée sur les vestes, la tournée « Deguello » - il me semble – avec sur scène crotales, bisons, chacals, et toutes sortes de bestioles made in Texas). Petit à petit Hill et Gibbons ont pris l’habitude de se fringuer de la même façon et de se laisser pousser la barbe, mais pas Beard (que ceux qui n’ont pas compris s’inscrivent en cours de rattrapage en 6ème, avec anglais première langue …), et de commencer à se livrer sur scène à des chorégraphies étranges, qu’on croirait mises en scène par un handicapé moteur (à côté de Gibbons et Hill, Rossi et Parfitt dans Status Quo, c’est les ballets du Bolchoï, et il m’étonnerait pas que ce soit pour se foutre de leur gueule que les ZZ Top se soient lancés dans cette agitation au ralenti derrière leurs micros...)
Et le trio se retrouve dans les 80’s avec sa bonne petite réputation, son public tout de même conséquent, mais dans une décennie qui apparemment n’est pas du tout faite pour lui. Le prototype du truc qui marche vers 82, quand les ZZ Top entrent en studio pour mettre bas leur prochaine rondelle, c’est Culture Club. Et force est de reconnaître qu’il y a quand même un monde entre Boy George et Dusty Hill. A priori, ZZ Top fait partie des dinosaures des 70’s et doit comme tant d’autres, plus ou moins disparaître.
Une bien belle carrosserie ...
Ce sera compter sans la capacité d’adaptation des trois mousquetaires texans (qui comme ceux de chez nous, sont en fait quatre, leur D’Artagnan à eux s’appelle Bill Ham, et sera leur producteur attitré et exclusif jusqu’à sa mort) qui vont sortir le disque le plus malin de leur carrière, après avoir consciencieusement analysé la situation et humé l’air du temps. Leur musique est has been au possible, ils ont pris des kilos, ont des barbes imposantes de Père Noël boogie, se trouvent confrontés à la technologie envahissante (le synthé, soit a priori l’ennemi juré), et épine sur le cactus, la montée en puissance de MTV, chaîne prétendument musicale qui balance en heavy rotation les rengaines pop de jeunes beaux gosses, et qui devient incontournable pour prétendre à un succès commercial important.
ZZ Top va résoudre cette quadrature du cercle. Non sans faire grincer les dentiers de leurs vieux fans. « Eliminator » sera de très loin leur plus grosse vente. Bon, ils y sont pas allés avec le dos de la cuillère. Le son général est étrange, très mécanique, robotique, électronique et synthétique. Plus particulièrement tout ce qui est rythmique. A tel point que la rumeur a longtemps couru que « Eliminator » était un disque solo de Billy Gibbons à la guitare, tout le reste était fait par des machines. Finauds, les barbus ont laissé se répandre la rumeur, du moment qu’on causait d’eux, c’était bon à prendre, et n’ont jamais (du moins à l’époque, j’ai plus suivi leurs prises de parole depuis des siècles) confirmé ou démenti. Vraisemblablement, ils ont été parmi les premiers à émuler de vraies parties de basse-batterie, les ont fait bouffer à des ordinateurs et ont reconstruit leurs morceaux à partir des boucles obtenues (un indice : comme la puissance de calcul informatique était loin de celle dont on dispose aujourd’hui et pour ne pas avoir à faire de raccords aléatoires, quasiment tous les titres ont un final en fading, sans coda). Le bon son, le gros son, n’importe quel tocard peut l’avoir. Là où le trio texan a fait fort, c’est dans les compos. Toutes d’une finesse mélodique étonnante, des atours hardos appliqués sur de l’orfèvrerie pop.
Difficile de pas se faire remarquer
Le matériau de base pour le hold up parfait était prêt. Ne restait plus qu’à le diffuser au niveau planétaire. MTV sera le vecteur idéal. Là, ZZ Top n’aura pas grand-chose à faire. Niveau visuel, ils se reconnaissent à des lieues à la ronde. Leur sens de l’humour et leur intelligence (Gibbons est un spécialiste universitaire d’Art Moderne et a donné des conférences dans le monde entier) feront le reste. Leurs chorégraphies de plus en plus absurdes et empesées, les guitares en fourrure, les bagnoles des années 30 (comme la Ford de la moche pochette stylisée), les blondasses à mini short et décolleté sur forte poitrine dont ils s’entoureront dans leurs clips, leur vaudront un succès inattendu et imprévu.
Qu’en est-il et qu’en reste t-il de ce « Eliminator » ( un titre gag, en faux espagnol, alors que jusqu’à présent toutes leurs rondelles étaient nommées dans la langue de Cervantès), outre son aspect sonore particulier ? Des hits à la pelle « Gimme all your lovin’ » « Got me under pressure », « Sharp dressed man », « Legs », « TV Dinner ». Et des hits même pas honteux, malins, vifs, entraînants, mélodiques. Avec Gibbons et sa Strat en meneuse de revue. Parce qu’il y a quand même quelques trucs à ne pas oublier. Notamment le fait que le trio texan est une redoutable machine à boogies graisseux et que dans ce genre ils laissent quand même Status Quo loin derrière (d’ailleurs je me demande s’ils se moquent pas un peu d’eux dans « If I could only flag her down » plus Quo que nature). Et puis ne jamais oublier que derrière sa barbe et ses guitares en moumoute le sieur Gibbons est un très grand guitariste, laissant délibérément de côté les rodomontades électriques bavardes et égoïstes au profit de courts soli et chorus incisifs. A ses débuts, il n’a pas impressionné Hendrix soi-même tout à fait par hasard (à tel point, anecdote hyper connue mais qu’il n’est jamais inutile de rappeler, que le Voodoo Chile lui a offert une guitare qu’il a conservé comme une relique). Gibbons est un maître discret de la six-cordes et c’est pas à l’écoute de « Eliminator » qu’on affirmera le contraire. C’est lui qui tient la baraque ZZ Top au bout de ses doigts agiles.
Avec option dégivrage sur les binocles et air conditionné sur les grattes ?
Il y a quand même un côté obscur de la farce, pas insignifiant. Cette litanie de compositions linéaires, fades et sans saveur malgré leur côté radiofriendly. Dont quelques unes qui ont du mal à tenir la distance. « I need you tonight », c’est mieux par INXS, même si les deux morceaux, à part leur titre, n’ont rien en commun. Ici, on a un slow blues fadasse qui s’éternise, à des kilomètres du feeling d’un « Blue Jean Blues » (sur « Fandango »). « Thug » est bien pourrie par ses synthés, on dirait du Phil Collins (énervé, mais du putain de Phil Collins quand même).
Un mot sur le dernier morceau du disque, « Bad girl ». Compte tenu du sens de l’humour aiguisé des barbus, je vois dans ce titre à part (faux live avec ses hurlements et ses cris rajoutés), aspect sonore et mélodique bien différent du reste, un pastiche (voire un hommage au énième degré) d’AC/DC avec sa voix hurlée dans les aigus, ses guitares rythmiques tronçonneuses et son solo à la Chuck Berry. Ils devaient bien rigoler sous leurs barbes en l’enregistrant …
Pour rester dans l’imagerie Auto Plus du disque, « Eliminator » est un virage dans la carrière de ZZ Top. Plutôt pas trop mal négocié, sans sortie de route. Le suivant, « Afterburner », enverra tout le monde dans le décor




2 commentaires:

  1. Tres Hombres et Deguello sont les 2 meilleurs. Mais ça je l'ai su qu'après avoir ingurgité Eliminator.
    Gros respect pour I need you tonight grâce auquel j'ai pécho une sublime américaine du Maryland...
    Vu le trio pour la sortie d'Afterburner pour confirmer l'absence de boite à rythme.
    Pour apporter de l'eau à ton moulin AC/DC, dans Thug (7eme morceau), t'as un pompage flagrant du riff de Shot down in flames.
    Gibbons est un sacré putain de bon guitariste.
    C'est tout, mon ami

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