OLIVER STONE - TUEURS-NES (1994)

Born to be wild ...
« Tueurs-nés », c’est presque le « Orange mécanique » de son époque. Pourquoi presque ? Oh hé, commencez pas à me les briser, on y viendra plus tard … si j’y pense.
En tout cas, « Natural born killers » (en VO), c’est un film clivant. Par un réalisateur clivant. Oliver Stone est une grande gueule et derrière son look bcbg conformiste, un type qui aime bien foutre les pieds dans le plat. Un peu à la façon de Michael Moore, la casquette et le cholestérol en moins, le talent caméra au poing en plus. Point commun entre les deux pour ce qui concerne « Tueurs-nés » : le documentaire. Ouais, je sais, « Tueurs-nés » n’est pas un doc, mais les trucs de Moore non plus, tellement la réalité est détournée et distordue au profit de ce qu’il veut (dé)montrer.
Oliver Stone & Quentin Tarantino
« Tueurs-nés », c’est un film gore rabelaisien, où tout est exagéré jusqu’à la caricature. C’est aussi une histoire d’amour à la « Bonnie & Clyde » (Penn le film, Gainsbourg la chanson). C’est quelque part entre Peckinpah pour l’ultraviolence, Romero pour l’esthétique de la mort et de l’au-delà, à cheval entre « La valse des pantins » de Scorsese et « Le prix du danger » de Boisset … et on pourrait multiplier les références à l’infini. D’ailleurs, on voit dans des télés ou en surimpression des extraits de vieux films dans « Tueurs-nés ». Parce que « Tueurs-nés » est aussi un film hommage au cinéma. Normal, me direz-vous, parce que c’est un fada de cinéma qui a écrit le scénario, rien de moins que Quentin Tarantino, plus que remarqué à l’époque avec coup sur coup « Reservoir dogs » et « Pulp fiction ». Bon, il y aura comme qui dirait de l’eau dans le gaz entre Tarantino et Stone, le second remaniera profondément ce qu’a écrit le premier, qui du coup ne veut plus être crédité au scénar.
Mickey & Mallory Knox
Même si la patte Tarantino est visible (si la « confession » de Mickey en direct à la TV depuis la prison, si certaines bouffées d’ultraviolence sorties de nulle part, si l’hystérie communicative et contagieuse des personnages, c’est pas du Tarantino, je veux bien me taper l’intégrale de Gad Elmachin). Quoi que Stone s’y entend aussi en pétage des plombs et démesure à tous les étages. Et vous savez pourquoi c’est beaucoup plus un film de Stone que de Tarantino ? Ben parce que Tarantino aurait plutôt mis Dick Dale ou les Ventures sur la B.O. plutôt que du Leonard Cohen ou le « Sweet Jane » des Cowboy Junkies.
« Tueurs-nés » est un film à la marge de tout. Du cinéma « traditionnel » et même de la carrière d’Oliver Stone. Film sous coke ? Ouais, peut-être. Car les anecdotes d’un Stone borderline, mettant tout en boîte en moins de deux mois, louant des sonos gigantesques pour passer de la musique tous potards sur onze sur les lieux de tournage, tirant ou faisant tirer en l’air des rafales de vrais coups de feu pour « immerger » ses acteurs dans leur rôle et l’action foisonnent. Imagine t-on pareil dérèglement du bon sens sur un tournage de Rivette, Dreyer ou Bergmann ? Faut-il être dans son état normal, pour choisir parmi une pléthore de postulants (et certains très bankables, comme Bernie Madsen) au rôle principal un à peu près inconnu, Woody Harrelson. Qui se voit confier le rôle d’un serial killer qui enfant a vu mourir son père sous ses yeux, alors que le paternel de Harrelson est depuis des lustres en zonzon pour meurtre, et que Woody est lui-même dans la vraie vie assez euh … instable ?
Tommy Lee Jones & Tom Sizemore
Harrelson est Mickey Knox. Garçon boucher qui va livrer sa barbaque chez Mallory (Juliette Lewis, révélée dans « Les nerfs à vif » de Scorsese), fille déjantée d’une famille de tarés, dont un père qui abuse d’elle. Coup de foudre instantané et début du bain de sang. Mickey va revenir chercher Mallory pour l’épouser, en fracassant au passage le crâne du paternel avant de le noyer dans un aquarium, et immolant la mère dans son lit. Dès lors commencera la cavale sanglante des deux, qui flingueront sans raison, sinon pour le plaisir de tuer tous ceux qui passeront à portée de flingue ou de tout autre mortel accessoire contondant.
Un road movie sanglant entrecoupé d’une scène fleur bleue, le « mariage » sous forme d’un serment de sang sur un pont vertigineux, et d’une autre totalement hallucinatoire, où le couple est guéri de morsures de crotale par un chaman Indien qu’ils finiront par buter. Avant d’échouer dans une pharmacie à la porte de laquelle ils se feront serrer par les keufs.
Robert Downey Jr
On est là à la moitié du film. Vont dès lors entrer en scène trois nouveaux personnages essentiels. Robert Downey Jr en journaliste TV sensationnaliste, spécialisé dans les reportages sur le vif de serial killers. Tom Sizemore en superflic complètement taré (et accessoirement assassin de prostituées) qui veut flinguer le couple (après avoir baisé Mallory) en prison. Et une composition déjantée, un de ces numéros d’acteurs qui font date, de Tommy Lee Jones en directeur de prison totalement pervers et borderline, avec un look digne d’un personnage de John Waters. Dès lors, « Tueurs-nés » prend une autre dimension, celle d’une critique au vitriol du système carcéral (qui ne sert qu’à rendre les loups en cage encore plus sauvages) et surtout d’un système médiatique qui ne cherche que l’insensé pour faire de l’audience. Cette seconde partie du film, tournée par une équipe sur les dents (et les nerfs) dans une vraie prison avec beaucoup de vrais détenus, révèle la vraie nature des protagonistes, les plus cohérents se révélant être Mickey et Mallory, bêtes sauvages en cage, qui vont évidemment finir par s’évader dans un bain de sang et une émeute-révolte de détenus. Avec comme cœur et clé d’entrée de l’univers sanguinaire et violent de Mickey l’interview évoquée plus haut, avec réponses-slogans à des questions stupides de Downey.
Mais le plus remarquable dans le film, c’est même pas l’histoire racontée et les dénonciations latentes d’une société américaine fascinée par la violence qu’elle génère, et vouant un culte idiot à des crétins assassins (les comparaisons des « exploits » de Mickey et Mallory Knox avec ceux de vrais serial killers), genre beatlemania (les pancartes « Mickey I love you, kill me » brandies lors de la cohue qui accompagne le procès du couple). Non, ce qui surprend le plus au visionnage du film, c’est son rythme et sa technique. Un truc fou (18 types de caméra utilisés, des gros bahuts sur rails aux caméras digitales portables de la taille d’un paquet de clopes), des formats d’images qui se chevauchent (les surimpressions d’image, en plus sans trucage, les acteurs jouant vraiment devant les images projetées au montage derrière eux), du noir et blanc très granuleux caméra bougée à l’épaule au milieu de cadrages millimétrés aux filtres de couleur très travaillés. Même des animations (assez proches de celle de Gerald Scarfe dans un autre film psychologique barré « The Wall » d’Alan Parker d’après le disque de Pink Floyd), ou des pastiches de sitcom (les scènes avec les parents de Mallory), viennent s’interférer dans ce foutoir en 24 images seconde. Mais c’est pas tout. Ce qui fait le plus perdre pied, immerge totalement dans ce maelstrom furieux, c’est le montage. Plus de 3000 plans dans le film, soit un changement de plan à peu prés toutes les deux secondes. Même les clippers fous des groupes de metal skatecore n’osaient pas pareil déferlement d’images.
Woody Harrelson & Juliette Lewis
Le résultat est esthétiquement troublant (on n’a jamais vu ça avant, et je sais pas si on l’a revu depuis), et finalement fait passer la forme avant le fond (à l’exact inverse de « Orange mécanique », yesss, j’ai pas oublié). Alors quoi qu’il faut en penser de « Tueurs-nés » ? Au pire, c’est un grand film, sauvage, féroce et jubilatoire, une gigantesque œuvre de destruction massive d’une société américaine gangrénée et fascinée par la violence qu’elle génère, mais qui se refuse à l’accepter. Le seul regret, c’est à mon sens que Stone en ait fait trop. Ou pas assez. Trop sanglant et pas assez sérieux. « Tueurs-nés », bien sûr, n’est pas un film violent (enfin, si, au premier degré, et ses détracteurs à la vue très basse ne voient évidemment que ce premier degré). C’est une farce, gouailleuse et pantagruélique dans ses excès, voulus et recherchés. Mais à mon sens trop exagérés, dilués dans la démesure et les effets de style. Un peu comme si Oliver Stone avait filmé un sketch comique. Et en aurait choisi un de Bigard plutôt qu’un de Desproges.

Bon, je chipote un peu là. Film à voir et revoir …



FAT WHITE FAMILY - SONGS FOR OUR MOTHERS (2016)

Gueule de bois ...
Ce disque pue. Des fois la mort, mais le plus souvent des odeurs de pisse froide, de vomi tiède, de mégots mal écrasés, de mousseux bas de gamme éventés, et la sensation d’un putain de mal de tronche carabiné. Rajoutez à cela une atmosphère aussi gaie qu’une veillée funèbre chez les Fillon, et vous avez une galette qu’il va être difficile de mixer avec la Compagnie Créole dans vos soirées. Vous allez objecter que les Fat White Machin ont pas des bobines à écouter la Compagnie Créole, ben vous voulez mon avis, y’a des fois ils devraient.
Cette pléthorique raya anglaise est paraît-il la dernière tribu punk dont il faudrait avoir entendu causer… bâillements … Je veux bien qu’on me la coupe (de toute façon, à mon âge quasi canonique, elle me servira bientôt plus que pour pisser) s’ils trouvent des foules de preneurs à leur truc. Pas que ce soit extrêmement mauvais, non, même pas, mais c’est juste que ces trips musicaux déglingués, ben, faut avoir un peu plus de consistance que ces biquets british pour pas s’y vautrer sans avoir l’air ridicule.
Aubergiste, à boire !!!
Chez ces types, y’a comme un parfum de réchauffé. De la pochette qui plagie quand même un peu celle de « Brothers » des Black Keys (mais pourquoi ?), jusqu’à des trucs entendus cinquante douze milliards de fois. Bon, pas ces temps-ci, je vous l’accorde, et pas exactement de la même façon, je veux bien aussi. Mais à qui faire croire qu’il y a dans « Songs … » quelque chose qui vaille qu’on écoute et – soyons fous – qu’on achète pareille rondelle dans notre pauvre monde youtubé où Deezer ou Spotify font figure de modèle musical d’avenir, tu vois un peu la sale gueule qu’il a l’avenir, aussi réjouissant que le comeback de Sarko, toute hypocrisie et dents bien blanches en avant, prêtes à de nouveau rayer le plancher, pour que ce Gollum de la politique retrouve son précieux et nous entube bien fort et profond à nouveau…
Ça ressemble à quoi, leur bidule, aux Fat White Machin ? A des jets de bile froides comme en postillonnait The Fall, à des complaintes suppliciées à la Joy Division, à des tourneries morbides de Faust (et pas seulement à cause de la pochette), à la métronomie constipée du krautrock bas de gamme des 70’s, aux requiems lugubres des Electric Prunes sur la B.O. de « Easy Rider », aux pleurnicheries sépulcrales de Lennon époque Plastic Ono Band. Tiens, puisqu’on en est à causer du Beatle révolvérisé, signalons à l’attention des exégètes et curieux de tout poil, que c’est le fiston Sean qui a produit quelques titres, avant de jeter l’éponge parce que les mecs de Fat White Etc… foutaient à la moindre occasion la main au cul de sa gonzesse.
Car les FWF se sont vautrés jusqu’à plus soif et plus de cloison nasale dans tous les excès du rock’n’roll way of life, alimentant de ragots déglinguos ceux qui les attendent pour juger la qualité des mecs à l’aune des scandales qu’ils génèrent. C’est pas que j’ai viré amish, mais les frasques de rockers en goguette, bon, ça va, on commence à connaître, même Michel Delpech se poudrait les naseaux il paraît, putain Michel Delpech, avec ses moustaches, ses futes en tergal pattes d’eph et ses rengaines pourries, y’a des mecs qui te feraient croire qu’il faudrait baptiser un porte-avions à son nom, juste pour rendre hommage à ce « grand poète ». Que Mireille Mathieu oublie un jour de respirer et il se trouvera bien à la téloche un tocard pour la comparer à Janis Joplin ou Ella Fitzgerald … bon, no comment davantage, parce que je vais finir par devenir méchant …
Ah, ça va déjà mieux
En fait, ce « Songs … », ça ressemble aux Pogues qui reprendraient le « Fun House » des Stooges, avec le trip nihiliste et jusqu’auboutiste d’Iggy et ses potes de défonce devenant juste une ballade glauque. Faut avoir les épaules plus larges que le FWF pour s’attaquer à des choses pareilles. Même si parfois ça évoque les ballades crépusculaires de Nick Cave ou du Johnny Cash cancéreux de la fin.
Il serait presque intéressant ce disque, en tout cas pas aussi mauvais que ce que ma prose agile pourrait laisser deviner, sauf qu’il y a pour moi un gros truc qui coince. « Songs … » est farci de références et d’allusions pas vraiment finaudes à une putain d’idéologie vert-de-gris. Un titre comme « Duce » peut passer pour une mauvaise blague bleu marine, mais ça se complique quand le titre suivant s’appelle « Lebensraum ». A l’attention des Bac-15, je signale que le lebensraum (espace vital dans la langue de Merkel) était le mot-clé des géopoliticiens nazis et le prétexte aux visées expansionnistes du IIIème Reich. Et c’est pas tout, le dernier titre de « Songs … », c’est « Goodbye Goebbels ». Autrement dit, les zozos de FWF, ils se sont un peu pris les arpions dans le tapis dialectique fachisant et marchent sur les traces des plus que douteux belges électro de Front 242 ou des slovènes abrutis de Laibach… On peut trouver mieux comme références.

Si les nouvelles sensations électriques du wokanwoll se situent à ce niveau, va falloir très sérieusement envisager de se mettre à la Compagnie Créole ou à Magic System, c’est plus positif. Hey, remets-moi Johnny Kidd …

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