JIMMY PAGE & ROBERT PLANT - NO QUARTER JIMMY PAGE & ROBERT PLANT UNLEDDED (1994)

Dead Zeppelin ?
Rarement disque aura été glissé aussi fébrilement dans le lecteur Cd. Putain, Jimmy Page et Robert Plant … Qui plus est ensemble … Les deux frontmen de Led Zep, paraît-il pas vraiment les meilleurs amis du monde. Mais Led Zep, enfin, Led Zep, merde quoi …
Led Zep, la plus sacrée des Vaches Sacrées, LE groupe des années 70. Celui qui les symbolise le mieux. Celui qui a poussé au paroxysme le rock’n’roll circus et tous les excès musicaux et extra-musicaux qui vont avec. Led Zep … le dernier groupe mythique de rock, tout simplement (et si quelqu’un me sort Mumuse ou Radiomachin, putain je lui arrache les yeux avec les doigts de pied …). Led Zep, disparu des écrans de contrôle à la fin des seventies, en pleine gloire et avant d’avoir été ridicule …

Alors pensez-donc tout ce qui peut passer dans la tête d’un mec dont le tout premier disque acheté est justement le 1er de Led Zep (non, pas quand il était sorti, mais trois-quatre ans plus tard, je ne suis pas aussi grabataire que çà, faut pas déconner quand même …) au moment où va commencer la lecture de la rondelle argentée …
Imaginez aussi sa tronche au bout d’une heure vingt … Putain mais c’est quoi ce bidule ? Ils se foutent de la gueule du monde les deux vieux chevelus avec leurs orchestres à cordes égyptiens, marocains, et le London Philarmonic Machin ou un truc de ce genre. Mais qu’est-ce qu’on en a à foutre, de ces métèques gardiens de troupeaux de chèvres dans le désert et de leurs ouds, bendirs et je sais plus quoi ? ou des concertistes de violoncelle pour noblesse anglaise consanguine ?
Bon, il aurait convenu de raison garder, se méfier, parce que Plant se prenait depuis quelque temps pour le sosie de Peter Gabriel  et de sa world music, et que Page, empâté et embouffi tel un Elvis à Gibson ne faisait plus rêver avec ses derniers skeuds les apprentis branleurs de manche … Mais de là à revisiter le patrimoine sacré en mode bouzouki, y’avait des limites. Ce « No quarter … », c’est un peu un « Songs remains the same » bis, un truc que t’attends comme le Messi, et puis tu te retrouves avec Gignac … « No quarter … », il a été enregistré live … enfin, j’en sais rien, on dirait, en tout cas on entend des gens applaudir et …
Bon, faut quand même préciser avant que les torgnoles tombent de tous les côtés, qu’il est pas si mauvais que ce que ma prose agile pourrait faire croire. Assez digne même, et dans l’ensemble moins risible que ceux des contemporains de Page et Plant (Paulo, Mick, Keith, Roger et Pete, pourquoi vous toussez ?). Mais de là à me joindre à la secte des adorateurs béats qui ont tressé des couronnes à cette rondelle, faut pas pousser …
Plant, il a perdu au moins cinquante octaves, incapable de monter dans les aigus. Même Mylène Farmer ou Daho n’en voudraient pas comme choriste. Et Page, il est où, le guitar hero ultime des années 70 ? Quand il est le meilleur, c’est quand il joue de la mandoline sur « The battle of evermore », comme par hasard aussi le meilleur titre du Cd. Et même s’ils ont remplacé Sandy Denny (bon, ils ont quelques excuses, vu qu’elle était morte depuis bien vingt cinq ans) par une certaine Najma Akhtar qui s’en sort pas si mal que çà, dans cette ambiance nord-africaine qui se superpose et remplace à la fois l’atmosphère celtique originale.
Page & Plant 1994 : ils ne vont même pas saccager cette chambre d'hôtel ...
Evidemment, Page et Plant, c’est que la moitié la plus voyante du Zeppelin. Ils ont oublié d’inviter John Paul Jones, qui aurait quand même pu les aider pour les arrangements (quand on lit que « No quarter … » est produit par Page et Plant, dans une formule qui sent la diplomatie juridique, tant le dernier nommé s’était toujours par le passé prudemment éloigné des consoles). Et puis, fallait pas compter sur Bonzo Bonham, toujours aussi mort, et remplacé ( ??? ) par le dénommé Michael Lee, sessionman certes connu, mais d’un académisme mortifère. Signe ultime du malaise musical, Page est secondé (comme si quand on s’appelle Jimmy Page on a besoin d’un clampin à la guitare rythmique) par le sieur Porl Thompson, dont la seule ligne de gloire sur le CV était d’avoir été un temps dans l’ombre gothique du Cure de Robert Smith … Tout ça pour dire que la moitié de Led Zep, ça peut pas faire Led Zep … alors pourquoi diable sur quatorze titres, en reprendre dix du Dirigeable ? La relecture world ? Ouais, si on veut, même s’il y a des blasphèmes qu’il ne faut pas proférer …
Quand cette pléthorique bande de zicos s’attaque à « Kashmir » (LE titre majeur du Zep, avec un Bonham stratosphérique en VO), ils ont beau l’étirer sur plus de douze minutes, multiplier les arrangements tarabiscotés, rien n’y fait, il manque le drive infernal de Bonzo, et là l’hymne himalayen accouche d’un volcan érodé auvergnat …
Les quatre inédits sont des titres à la gomme (forcément arabique) perclus de sonorités nord-africaines, comme quoi quand tu choisis un fil rouge un peu lourdingue, il te plombe tout un skeud. Parfois ça marche, notamment sur « City don’t cry », où Plant n’essaie pas d’atteindre des aigus de toutes façon maintenant inaccessibles, et où le chœur de voix arabes donne une impression de gospel musulman. Quant aux reprises de quelques classiques (ou pas) zeppeliniens, deux pistes semblent suivies. Soit on se colle au plus près de l’original avec les moyens du bord (exemple type « Since I’ve been loving you », avec un Page quelconque pour un titre totalement dénué de feeling, un comble pour l’épitomé du blues frotti-frotta 70’s), soit un déconstruit « world » (« Nobody’s fault … » avec un Plant à la ramasse vocalement).

Alors, Page et Plant, c’est pas honteux, c’est juste deux (déjà) veilles gloires qui venaient faire le buzz au milieu des mortelles années 90, avec une rondelle certes pas indigne, mais tellement loin de leurs fulgurances passées … Etre et avoir été …


TEMPLES - SUN STRUCTURES (2014)

Le retour des babas ?
A force de revivals, il y en a qui vont finir par se frotter à de vieux trucs un peu chelous qu’on préfèrerait voir oubliés à jamais (à quand le retour au jazz-rock et au prog emersonien ? ça fout les jetons, hein ?). Et bizarrement, la plupart de ceux qui sont censés savoir dans les médias, s’entichent régulièrement de ces passéistes, alors qu’il y a des fois où l’on aimerait bien avoir des nouveaux noms, certes, mais qui proposent quelque chose de frais, d’original … quoique, y a-t’il encore quelque chose de nouveau, d’original, à découvrir ? Tout n’aurait-il pas été déjà entendu ?
La hype du moment, ça risque d’être les Temples. Anglais comme il se doit, qui après quelques singles accrocheurs, catchy comme on disait avant qu’ils naissent, livrent avec ce « Sun structures » un premier disque censé marquer son temps. Il paraît que Johnny Marr et Noel Gallagher adôôôôrent les Temples. Oh putain, le Marr et le Gallagher, deux ringards de chez ringard, qui ont pas sorti quelque chose d’audible depuis … et qui de toute façon n’ont jamais brillé par leur esprit musical aventureux (les Smiths et Oasis, c’était déjà du revival).

Les Temples, donc. Il me semblait avoir compris tout leur truc avant d’écouter les skeud. De la pochette, où on voit quatre types éparpillés dans la nature façon « Who’s next », avec son château pour prince charmant de manga, avec son leader-chanteur James Edward Bagshaw qui s’est fait un look Marc Bolan 71, avec ses titres de morceaux qui fleurent bon le retour de la revanche du rêve hippy. Le binôme central du disque s’énonce « Move with the seasons » - «  Colours to life » et on entend déjà les clochettes, les guitares fuzz, on sent l’encens et le patchouli au milieu de ces communautés du retour aux sources qui font l’amour aux arbres entre deux prières à l’alma mater.
Bon, ben, bingo ! C’est exactement de ça dont il retourne. Dans un impressionnant numéro de singes savants les quatre zozos des Temples ressuscitent le cauchemar hippy, sans vraiment prendre la peine de le mettre au goût du jour. Ce « Sun structures » (« Nous sommes du Soleil » ?) est un exercice de style. Parfois brillant. Témoins le titre d’ouverture (« Shelter song ») amusante pop pour hippies, « The golden throne », qui pourrait faire un single un peu pute avec ses synthés vulgaires et ses trompettes à la Love, « The guesser » bossa nova détournée sur une mélodie qui doit beaucoup au « Walk on by » de Dionne Warwick. Et puis le gros truc de ce skeud, c’est pour moi « Sand dance », plus de six minutes, motifs arabisants, comme si ces minots avaient voulu sur leur premier disque sortir leur « Kashmir ».
Tout n’est pas de ce bon niveau. L’essentiel, c’est quand même ripolinées avec les plug-ins à la mode, des recettes, des tics d’écriture, des harmonies vocales, des incantations qu’on a entendu des milliards de fois ailleurs il ya longtemps. Sur les compiles Nuggets (« Sun structures » le titre, « Test of time », ces pop-rocks psychédéliques des 60’s). Chez le gourou new age Devendra Machin (« Move with the season »), chez gloups … Yes (« Mesmerise », on croirait entendre le maléfique Wakeman). Aussi des mélodies tristes remplies d’harmonies vocales («Keep in the dark ») comme les Beach Boys après « Pet sounds » quand ils étaient gavés de LSD. Globalement, les Temples, on dirait le résultat d’une improbable fornication entre The Coral (le côté pop de foncedé) et l’Incredible String Band (la fanfare buissonnière hippie des 60’s) …

Tiens, à ce sujet, y’a deux questions qui me turlupinent : les Temples ont-ils déjà pris du LSD ? Vivent-ils encore chez papa-maman ? Tout ça pour dire que si c’est pas vraiment mauvais, c’est pas non plus renversant, on sent la recherche du truc dans l’air du temps, du marché de niche, … Pas l’impression d’avoir perdu mon temps à écouter cette rondelle, mais pas l’impression d’avoir eu affaire à de futurs cadors du rock …

Des mêmes sur ce blog :



CAGE THE ELEPHANT - MELOPHOBIA (2013)

Prendre leur défense ?
Non, comptez pas sur moi, faut pas déconner … Tout chez ces types sonne faux. Pensé, pesé, réfléchi. Le retour sur investissement attendu (y’a de la thune derrière, in fine celle de Sony, qui finance leur label prétendu indépendant Relentless).

« Melophobia » de Cage The Elephant … Juste Ciel, peut-on faire plus neuneu que pareils intitulés ? … enfin, passons … passons aussi sur la pochette, on dirait celle de « Albion » de William Sheller relookée par un trisomique … Ces types, le coup d’avant (« Thank you happy birthday »), ils se prenaient pour Nirvana et tous les chevelus grunge. Aujourd’hui, ils font de la power pop, genre Blondie dans les années 2000 ou Strokes des années 80 … ou le contraire, peu importe … Comme à peu près tout le monde, incapables de créer, ils imitent. C’est la tendance depuis presque trente ans, faut faire avec… ou sans, on n’est pas non plus obligé de se fader tous ces ersatz de pacotille …
Et malgré mes airs d’incorruptible, je suis parfois preneur de ce genre de choses. Quand c’est bien fait, quand on sent une démarche de fans, de types qui sont à fond dans le truc, dans leur truc … Mais les Cage Machin, à l’instinct, c’est juste des branleurs qui veulent réussir à refiler du skeud, et sont prêts à tout pour çà, y compris donc à changer leur fusil d’épaule à chaque rondelle.
« Melophobia », il est même pas mauvais… Juste sans intérêt. Derrière chaque note, chaque mesure, chaque couplet, on sent le brainstorming pour que ça sonne comme ceux-ci ou ceux-là… Le prolo du dimanche Lavilliers il disait que la musique est un cri qui vient de l’intérieur. Les Cage Bidule, ils préparent de la musique comme les mecs en blouse blanche des labos Monsanto nous préparent la bonne bouffe OGM de demain. 

Ce « Melophobia », il peut même résister aux critiques. Parce que c’est bien fait, on peut pas le leur enlever. Totalement pute, mais bien fait. Y’a même des morceaux qui pourraient faire des hits pas trop honteux (« Come a little closer », le plus évident, mais pourquoi pas aussi ce « Hipocrite » plein d’arrangements et de gimmicks malins). Il y a aussi beaucoup de choses d’une vulgarité crasse … Ah, ce « Take it or leave it », on Dirait Début de Soirée (« et tu chantes, chantes, ce refrain qui te plaît … » spéciale dédicace à tous les connards sourds qui trouvent géniales les années 80) qui reprendrait Chic ou Blondie … Et puis, cette voix du type qui chante (je veux même pas savoir comment il s’appelle) geignarde dans les aigus (« Telescoped») comme du Thom Yorke shooté à l’hélium … Et pourquoi avoir recours à une vraie section de cuivres, si c’est pour les faire sonner comme des synthés sur « Black widow », dommage, ce titre serait presque une amusante parodie des thèmes des James Bond des années 80 …
Pourtant, je veux bien croire ces types sont pas trop cons à la base, ils sont même capables de pondre un titre intéressant, en l’occurrence « Teeth » qui mêle de façon étrange boucan grungy, rap metal, sax free stoogien et final beefheartien … un numéro d’équilibriste sonore certes idiot, mais bizarrement plutôt réussi …
Un peu tout le paradoxe de ces types … comme leur parcours géographique d’ailleurs, ayant quitté les States (ils viennent du Kentucky, terre des ploucs sudistes, voir les Kings Of Leon) pour Londres … On les sent capables de faire de bons trucs, mais là ils m’ont l’air complètement maraboutés par toute une armada de managers, conseillers marketing, agents de communication, toute cette faune de parasites incompétents qui gravitent dans le milieu musical … lâchez-vous, les mecs, faites votre truc, et envoyez bouler tous ces tocards, le résultat sera peut-être bien meilleur …

Et une énigme pour finir. Y’a Alison Mosshart (oui oui, celle des Kills et de Dead Weather) en guest sur un titre. Que celui qui a des indices sur le pourquoi du comment de cette apparition saugrenue sur cette rondelle le fasse savoir, il n’y a rien à gagner …