THE DISPOSABLE HEROES OF HIPHOPRISY - HYPOCRISY IS THE GREATEST LUXURY (1992)

Un gâchis ?
Les Disposable Heroes of Hiphoprisy, comme leur nom le laisse deviner font du rap. Comme beaucoup en ce début des années 90. Ils ont dès le départ une particularité géographique. Ils viennent de la Bay Area de San Francisco, plutôt un repaire de trashers (Metallica et tous leurs suiveurs), alors que le rap, né à New York, commence à peine à atteindre la Californie, mais plutôt du côté de Los Angeles (Ice T, NWA).
Mais plusieurs choses vont d’entrée les distinguer d’un troupeau de posses au sein duquel la concurrence est rude. D’abord ils ne sont que deux (et demi, le guitariste plutôt jazz Charlie Hunter, qui fera une carrière solo méconnue mais longue comme le bras les accompagne sur une grosse moitié des titres), le rappeur-auteur-programmeur-arrangeur (ça fait beaucoup, on y reviendra) Michael Franti, et le batteur-bruiteur Rono Tse. Et puis, ils se démarquent de pas mal de choses entendues jusque là.
Michael Franti & Rono Tse, héros jetables ?
Par le propos d’abord. Franti n’est pas un inquisiteur à grande gueule (le rap militant et engagé à la Public Enemy, pour situer), n’a pas non plus une mentalité de caïd de cage d’escalier (le gangsta-rap). C’est un type qui a une vision, un discours (merci aux lyrics reproduits dans le livret). Qui pose un œil intelligent et avisé sur des problèmes qui dépassent le strict cadre du pov’ neg’ méprisé auquel les plus « concernés » du rap s’en tenaient jusque-là. Franti est capable de mettre en parallèle une Europe qui semble se (re)construire en cette fin des années 80 et des Etats-Unis repliés sur eux-mêmes laissant s’exacerber déliquescence sociale et libéralisme à tout-va. Franti n’est bien sûr pas dupe du militarisme à tout crin de l’administration Bush père, et va même jusqu’à avancer un manifeste écologiste (« Everyday life has become … ») assez unique à l’époque chez les rappeurs. Franti rejette toute forme de slogan simpliste, préférant mettre des arguments en avant, expliquer, analyser, approfondir son propos. Conséquence, on se retrouve avec des titres là aussi d’une durée inédite dans le rap (« The winter of the long hot summer » taquine les huit minutes, trois autres morceaux dépassent largement les six minutes). Les « inspirateurs » et « conspirateurs » ainsi nommés et remerciés dans le livret font se voisiner les prévisibles et attendus Malcolm X, Angela Davis, Gil Scott-Heron, Public Enemy, KRS-One voire Linton Kwesi Johnson (rare malgré tout que des anglais soient cités par des rappeurs US) avec les beaucoup plus surprenants au générique d’un disque de rap Jello Biafra (leader du punk band historique de San Francisco Dead Kennedys et activiste social notoire, dont l’hymne « California über alles » est repris et samplé sur ce « Hypocrisy … »), Vernon Reid (guitariste « fusionnel » du groupe de hard-rock Living Colour, groupe présentant la particularité de n’être composé que de Noirs), le Besancenot anglais Billy Bragg, les rockers hardcore de Fugazi et les électroniciens de Meatbeat Manifesto … Un éclectisme inédit pour un rappeur …
Michael Franti
La musique (les plus rétifs au genre parleront plutôt de « fond sonore ») se démarque aussi pas mal de ce que l’on a coutume d’entendre. L’influence de Public Enemy est là aussi évidente, mais la lourdeur menaçante remplace les agressions soniques de Terminator X et du Bomb Squad. Beaucoup d’arrangements (la guitare, somme toute discrète, beaucoup plus les claviers et pianos de toutes sortes) tirent souvent vers le jazz (MC Solaar a du beaucoup écouter « Water Pistol Man », la ressemblance est troublante). Et puis les Disposable Heroes ne rechignent pas à se laisser aller à faire l’éloge de la lenteur, les rythmiques de certains titres sont même très très lentes (corollaire, le flow de Franti l’est aussi, on pense souvent à Gil Scott-Heron), on n’est guère éloigné du trip-hop, de Massive (Attack) en particulier.
« Hypocrisy … » est en tout cas un disque de rap très original, pas pour autant « facile » ou à conseiller à ceux qui n’aiment pas çà. Bien boosté par le single « Television, the drug of the nation » (un des rares titres « évidents », tant par le propos que par la musique), le disque sera un bon succès. Pas tant que cela dans la sphère strictement rap, mais les textes de Michael Franti seront entendus bien au-delà de la « communauté ». Bono engagera personnellement les Disposable Heroes pour quelques dates en ouverture d’une tournée de U2. Ce sera un peu le baiser de la mort pour le duo. Michael Franti, trop « visible », tentera l’aventure plus ou moins solitaire avec le vrai-faux groupe Spearhead, après que le Cd successeur de cet excellent « Hypocrisy … » soit passé totalement inaperçu.

Aujourd’hui, les Disposable Heroes, Franti, Tse, Spearhead semblent bien oubliés. Etre en avance sur son temps et ne pas jouer avec les grosses ficelles ne paye pas …


2 commentaires:

  1. 'tain tu les a trouvé où ceux-là ? Pas mal, pas mal. Sur le troisième extrait le gars on dirait quand même carrément Chuck D. Bon, y a pire comme inspiration.

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    1. Ils ont eu leur quart d'heure de gloire avant que Snoop vienne rafler la mise rap west coast ...
      Il est là le skeud :
      http://musicmp3spb.org/artist/disposable_heroes_of_hiphoprisy.html
      et le mode d'emploi du site là :
      http://lgangbangs.blogspot.fr/2013/09/the-beatles-beatles-again-1970.html

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