TOWNES VAN ZANDT - TOWNES VAN ZANDT (1969)

50 nuances de noir ?
Curieux cas, que celui de Townes Van Zandt (rien à voir avec le grassouillet court sur pattes qui chantait dans Lynyrd Skynyrd, ni avec le Soprano à bandana guitariste du député du New Jersey). Un type ignoré royalement de son vivant et maintenant célébré comme la huitième merveille du Monde (ou des 60’s –70’s, ce qui revient à peu près au même). Bon, faut relativiser tout çà. Même s’ils oeuvrent dans des genres quasiment  similaires, Townes Van Zandt n’est pas Bob Dylan. Mais ce n’est pas non plus un baltringue folk à la Richie Havens, dont la mort a été annoncée avec figure de circonstance par Pernaut à son JT, alors qu’absolument tout le monde avait oublié son existence depuis son passage braillard et improvisé à Woodstock.
Townes Van Zandt a du talent, c’est sûr. Un talent qui n’a pas besoin du sempiternel couplet sur l’ivrogne introverti qu’on ressert systématiquement dès qu’on l’évoque. En a t-il plus que d’autres oubliés de cette décade folk prodigieuse (en gros 63-73), tous ces Fred Neil, Tim Hardin, Bill Fay, Pete Seeger, Gene Clark (pour les Amerlos), Bert Jansch, John Renbourne, Nick Drake, John Martyn, Richard Thompson (pour les Angliches) ? Débat ardu dans lequel je ne m’aventurerais pas. En tout cas, quelles que soient ses qualités, il me semble à un niveau inférieur à toutes les têtes d’affiche de l’époque, les Dylan, Cohen, Donovan, Stevens.

Van Zandt est un folkeux dépressif (pas forcément un pléonasme), et beaucoup s’accordent pour dire que ses textes sont parmi les plus sombres jamais mis en musique. Le bonhomme vit le plus souvent reclus, quasi dans le dénuement, alors qu’il vient d’une famille très aisée, et ses compagnes les plus fiables seront sur la durée bouteilles (beaucoup) et poudres blanches (un peu). C’est aussi un compositeur de talent, ses musiques sont d’une pureté et d’un classicisme que beaucoup ont cherché à atteindre sans y réussir.
Ce « Townes Van Zandt » est son troisième disque. 33 T et conçu comme tel. Avec ses deux faces bien distinctes. La première est une épure folk. La guitare acoustique jouée en finger picking de Van Zandt est omniprésente, on sent (même sans comprendre forcément les paroles) dans la voix triste toutes les fêlures et brisures de l’homme. Et même quand l’instrumentation s’étoffe, ça reste austère, linéaire. Mais évident de talent. Curiosité et signe du perfectionnisme de Van Zandt, trois titres de ce « Townes Van Zandt » étaient déjà parus sur son premier disque, dont « The sake of the song », le plus « fini », le plus élaboré qui ouvre les hostilités. Une face de vinyle qui débutée de façon quasi guillerette (quoi que) et s’achève par le morceau le plus noir, le plus austère, « Colorado girl ».
La seconde face se teinte de country (une des références « antiques » de Van Zandt est Hank Williams, avec lequel il a bien des points communs, l’anxiété noyée dans l’alccol étant le plus évident), sonne «  contemporain ». Elle débute par « Lungs », country-rock décharné, avant coup sur coup d’aligner deux titres très dylaniens (le petit frisé est la référence « moderne » de Van Zandt). « I’ll be here in the morning » (un autre des trois titres réenregistrés) utilise par moments la même grille d’accords que « I want you » de « Blonde on blonde », et fait figure dans le contexte de titre enjoué, bien qu’étant nettement moins sautillant que son modèle évident. Autre dylanerie « Fare thee well … », tellement bien faite qu’on croirait que c’est le Band qui mouline derrière. Dernière auto-reprise « (Quicksilver daydream of) Maria » est pour moi la masterpiece, classique instantané, et le titre le plus enlevé (ou plutôt le moins sombre) du disque. Qui se conclut sèchement (on ne se refait pas) par la tristesse austère et dépouillée de « None but the rain ».
On l’aura compris , « Townes Van Zandt » n’est pas franchement un disque pour faire tourner les serviettes. Mais c’est ce style sombre qui est indissociable de l’aura d’artiste « maudit » qui entoure la carrière de Van Zandt. Auteur-compositeur pour auteurs-compositeurs, il n’obtiendra (la cherchait-elle d’ailleurs, rien n’est moins sûr) jamais de son vivant (il est mort en 97) une reconnaissance populaire significative. Mais son œuvre sombre et pessimiste continue de traumatiser des générations de gens sombres et pessimistes (ceux qui l’ont le plus cité doivent être les Ecossais de Tindersticks, qui n’ont rien de comiques troupiers).

Un disque à ranger pas très loin de ceux d’Harry Nilsson, les deux hommes, même si leur musique n’a rien de commun, ayant eu une approche artistique très similaire, et une façon d’appréhender l’existence quasi identique … 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire