SAM RAIMI - SPIDER-MAN (2002)

Spider-Man, appelé à régner (sur le box-office)
« Spider-Man » premier du nom est le genre de film dont on sait avant même sa sortie qu’il va avoir un succès considérable. En tout cas au moins aux Etats-Unis (mais le reste du monde a suivi, 500 millions de dollars de bénefs). Parce que derrière le film il y a une culture, une science du marketing bien rodée, et des sommes faramineuses investies par des majors du cinéma.
Maguire, Raimi & Dunst
La culture, c’est celle des Etats-Unis. Un peuple sans Histoire (moins de 250 ans), donc sans trop de héros réels, et qui en a inventé d’imaginaires. Et tant qu’à faire, comme l’immodeste pays ne fait pas dans la demi-mesure, tant qu’à avoir des héros, autant que ce soit de super-héros. Usine à fabriquer les super-héros, la maison d’édition de comics Marvel, avec à son catalogue tous ces Hulk, Captain America, Iron Man, Wolverine, les X-Men, le Surfeur d’Argent, et tant d’autres. Perle du catalogue, Spider-Man, dont les première planches sont parues en 1963. Personnage créé par le scénariste Stan Lee et le dessinateur Steve Ditko (Lee scénarisera pendant des années, de nombreux dessinateurs se relaieront pour des parutions mensuelles encore en cours me semble t-il). Les aventures de Spider-Man, entre science-fiction et heroic fantasy avec scénarii et rebondissements abracadabrants, c’est pas du tout ma cup of tee, d’autant plus que se révèlent en filigrane toute la déplaisante idéologie respectable et les « saines valeurs » d’une Amérique triomphante, forcément triomphante.  
Peter Parker / Spider-Man
Spider-Man fait partie de la culture américaine, et faire un film de ses aventures était dans l’air du temps depuis des décennies (deux essais guère convaincants qui tiennent plus du téléfilm que du cinéma dans les années 70). Par définition, Spider-Man se doit d’être un film spectaculaire, à grand renfort d’effets spéciaux. La Columbia, associée à Stan Lee, y travaille depuis le début des années 80. L’avancée technologique en matière d’images numériques rendra le film envisageable au début des années 2000. Les billets verts sont engloutis sans compter, pour le film lui même et tous ses à-côtés (promotion, contrats de sponsoring, campagnes de pub, objets dérivés, …). Le budget de l’opération « Spider-Man - The Movie » dépasse très largement les 100 millions de dollars. De quoi en foutre plein la vue …
« Spider-Man » la BD est une saga interminable, peuplée de personnages remplis de super-pouvoirs, qui évoluent au fil des ans, sont amis puis ennemis, meurent et renaissent dans un embrouillamini total, enfin tout le tremblement habituel de ce genre de sornettes dessinées. La première étape a consisté à isoler des personnages et une « histoire » cohérente (entendez compréhensible par un gosse de douze ans gavé de comics, de burgers et de pop-corn). On a donc les origines du super-héros (le puceau timide Peter Parker qui se fait piquer par une araignée radioactive et devient Spider-Man), sa « fiancée » Mary Jane Watson, et bien sûr son faire valoir maléfique le Bouffon Vert (Green Goblin en V.O.) … Plus quelques personnages récurrents de la série.
Rencontrer la belle Mary Jane, il en est tout retourné Spider-Man ...
La caméra est confiée à Sam Raimi, soi-disant fan de Spider-Man depuis tout enfant. Un Sam Raimi qui met avec ce film un terme à sa carrière de réalisateur de séries B horrifiques loufoco-gores (la série des « Evil dead ») pour intégrer le cercle restreint des gens à qui l’on ne confie plus que des projets colossaux en terme de budget (il réalisera également les deux épisodes suivants de la saga Spider-Man, avec des budgets exponentiels). Tobey Maguire est Peter Parker / Spider-Man, il est depuis longtemps dans le métier, mais c’est le premier grand rôle qu’on lui confie. Idem pour sa douce et parfois tendre Mary Jane Watson, jouée par Kirsten Dunst. Mais celui qui survole la distribution, seule vraie « star » du casting au départ, c’est Willem Dafoe pour son double rôle Norman Osborn / Bouffon Vert. Les acteurs, surtout Dafoe, ont assuré eux-mêmes la plupart des scènes d’action, bagarres et cascades, les doublages physiques ou numériques étant peu nombreux (par exemple, la scène où Parker rattrape tous les plats à la cantine n’est pas truquée, elle a nécessité des dizaines de prises). Par contre, les effets numériques sont omniprésents dans les décors (un New York retouché, Times Square numérisé lors de la première confrontation Spider-Man / Bouffon Vert, et évidemment, toutes les ballades aériennes de Spider-Man). D’où l’importance de la coopération entre Raimi et le responsable des effets spéciaux John Dysktra.
La « patte » de Raimi tel que le connaissaient les fans de « Evil dead » est quasi-invisible. Tout au plus faut-il noter un de ses plans typiques (le bras du Bouffon qui sort lentement des décombres façon zombie lors de la baston finale), et la présence au casting de quelques-uns de ses acteurs attitrés, le plus en vue étant logiquement Bruce Campbell en présentateur de combats de catch. On sent derrière ce « Spider-Man » toute la pression et la force de la Columbia-Sony et un cahier des charges extra-cinématographique tellement colossal qu’il éclipse toute velléité d’originalité. Raimi a le budget, certes, mais est entouré d’une pléiade de producteurs (tout court, exécutifs, …). On est prié de rester sérieux avec les millions de dollars.
Le résultat est visuellement remarquable, sans que le film, avec son scénario et ses rebondissements cousus de fil blanc, soit réellement intéressant et encore moins captivant. Ce qui n’empêche pas quelques jolis plans (le baiser « à l’envers » entre Spider-Man et Mary Jane), quelques scènes bien vues (notamment celle du dialogue devant le miroir entre Dafoe/Osborn et son double maléfique).
Miroir, dis-moi qui est le plus méchant ...
Plus gênants sont quelques postulats véhiculés par le film. Passe pour le côté positif, le Bien qui triomphe du Mal, c’est assez commun. Mais si Spider-Man est conçu comme une vitrine, c’est aussi une allégorie de la « bonne » Amérique qui triomphe des méchants, et à ce titre, un des derniers plans du film qui montre Spider-Man accroché à la hampe d’un gigantesque drapeau américain a de quoi laisser perplexe sur le côté cocardier et subliminal de cette affaire. La morale du film et le credo de Spider-Man, qui revient plusieurs fois genre mantra c’est la saine maxime : « avoir un grand pouvoir donne de grandes responsabilités ». Tu parles Charles, suffit de donner du pouvoir à un type pour qu’il se foute royalement de ceux qui le lui ont donné … Il est aussi assez édifiant d’entendre (fugacement, ils s’étendent pas trop sur le sujet) les responsables des effets spéciaux évoquer la retouche numérique de toutes les marques des objets anodins utilisés pour les besoins évidents du film (les boîtes de céréales, les canettes, les paquets de clopes, les affiches, les écrans publicitaires sur les immeubles) dans le but de remplacer la marque d’origine par celle des sponsors ayant amené leurs dollars au projet. Rien n’est neutre, laissé au hasard, tous ont payé pour être visibles à l’écran. Business is business …
Les produits dérivés du film ont évidemment été déclinés à l’infini, même si la plupart existaient de longue date. Il en va de même pour les supports physiques du film, les Dvd, Blu-ray sont cesse réédités sous de nouvelles formes vendues à chaque fois comme « définitives » (même s’il manque encore la director’s cut et la version 3D). Je me suis enquillé (d’occase, 1,5 euro plus frais de port, tout se brade, crise quand tu nous tiens …) une édition « collector » double Dvd avec des heures de bonus plus ou moins intéressants (et plutôt moins que plus d’ailleurs). J’y ai appris deux choses. La première, c’est qu’il n’y a rien de plus pénible qu’un film commenté par les types qui ont fait les effets spéciaux, jamais ils parlent de la scène en cours, ils anticipent celle d’après ou reviennent interminablement sur celle d’avant. La seconde concerne Kirsten Dunst. Si elle est rousse dans le film, c’est en fait une vraie blonde. Elle le démontre avec ses commentaires audio du film (en direct live semble t-il) qui sont d’une banalité, voire d’une bêtise affligeantes. Par contre, dans les exercices imposés des interviews de service après-vente où là elle semble réciter de conventionnelles leçons bien apprises, elle est un peu plus à son avantage … Fuck Mary Jane … quoi, faut faire gaffe à Spider-Man ? Pff, même pas peur …



7 commentaires:

  1. Mon héros préféré de toujours, un loser avec de supers pouvoirs, le rêve ! ;-)

    Impossible de concrétiser de l'amour, dévoré par la haine, sans ambition, Spiderman is punk !

    Thanx

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    1. Dans le genre super-héros encore plus plus punk, y'a Hancock, il prend que des rateaux, il est total misanthrope et bourré du matin au soir ... et en plus sa Mary Jane c'est Charlize Theron ...
      Bon, lui c'est Will Smith, ça fout tout en l'air ...

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  2. Ainsi accoutré, Maguire doit se dire : "Qu'est-ce qu'il faut pas faire pour gagner sa croûte"...
    C'est vrai que de dos (car tout est beau si c'est vu de dos...) on dirait Mylène, Dunst...

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    1. On dirait Mylène, on dirait Mylène ... mais elle a bien 20 ans de moins et surtout, surtout, elle chante pas Dunst ... enfin chanter, je me comprends ...

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  3. Je ne nie pas les qualités de ce film. Il est très bien, vraiment. Mais de plus en plus, les trucs à effets spéciaux ont sur moi le même effet que le cidre brut à haute dose... ça me fait chier... Tous ces décors en numériques, ces cies, nuages, pluie, circulation, figurants... tout absolument tout... Et... et, est-ce parce qu'étant gamin, je découpais dans la Nouvelle république du Centre Ouest, les BD de Superman (6 vignettes noir et blanc, quotidiennes, et ce pendant 20 ans !) mon seul et véritable super héros qui écrase tout le reste, c'est Clark Kent / Superman (is it a bird ? is it a plane ? No, it's...).

    Tiens, à propos de super héros, et parce que tu évoques "Hancock" (sympa au début, mais les bonnes habitudes reprennent vite le pas), j'ai maté sur Canal "Chronicle" sur trois jeune types qui se découvrent des supers pouvoirs. Mais filmé comme un film d'ados, et non un divertissement. Très intéressant. Mais là encore, vers la fin, les effets spéciaux prennent le pas sur l'intrigue ou les personnages... Dommage, on pouvait faire vraiment un truc formidable, épaulé avec le numérique.

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    1. C'est tout le problème-piège du numérique ... ça permet de faire les trucs les plus fous, les trucs "infilmables". Malheureusement, les types derrière leurs Mac prennent le pouvoir sur les réalisateurs.
      Et quand on voit que les plus grands ont tendance à en user et surtout abuser des effets numériques (Scorsese avec Hugo Cabret, Malick avec Tree of life, ...) je sais pas s'ils se rendent compte que c'est loin d'être leurs meilleurs films ... ça passe mieux chez Spielberg qui a souvent filmé des thèmes tenant de l'étrange ou du merveilleux ... et tout le monde n'a pas le talent de James Cameron pour mixer vraies images et numérique ...

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  4. Le numérique est aussi utilisé dans de petites productions, des films "d'auteur", pour faire des économies, ou soulager le réalisateur. Par exemple, une scène dans un appart au 6ème étage... Par les fenêtres, il faut voir le décor, vu de haut... ça demande des repérages, ou de construire un décor, en trompe l'oeil, ou tourner en réel, mais attention à la météo, la lumière... c'est chiant, c'est contraignant... Alors, hop, un effet spécial : on incruste un décor "vue depuis une fenêtre du 6ème étage". Comme cela est fait après coup, le réal, lui, se concentre sur sa scène à tourner, c'est tout, les manitou de la palette graphique arrivent après !

    Donc, le numérique en soi, est souvent utilisé, comme il y a toujours eu des trucages au cinéma (maquette, sur-impression, transparence, trompe l'oeil... "Citizen Kane" bat sans doute le record d'effets spéciaux utilisés, sans qu'on s'en doute !). Ce que je regrette c'est l'utilisation systématique, parce que c'est plus maniable, corrigeable, et le rendu qui n'est pas toujours beau, et le fait (tu as raison) que les types derrière leur Mac prennent parfois la place du metteur en scène... Dans TREE OF LIFE, je les ai trouvés justement employés, à leur place. On sait que Malick est capable de faire des images somptueuses, magiques, le numérique est un petit coup de pouce.

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