TÉLÉPHONE - CRACHE TON VENIN (1979)

My generation ...

Téléphone, faut avoir été lycéen quand ils sortaient leurs disques. Sinon, c’est un truc un peu surréaliste, incompréhensible, un phénomène que les moins de … peuvent pas saisir.
Avant Téléphone, le rock français, c’était … la misère. Pour situer l’ampleur des dégâts, il faut savoir qu’au milieu des seventies, la grosse affaire par ici, c’était le prog champêtre de Ange. Et puis, à partir de 76-77, des groupes jaillissent de partout, sous influence des vagues punks anglaises ou américaines. Peu franchiront l’étape du 33T. Quelques-uns (Little Bob Story, les Dogs) récupèreront un noyau de fans fidèles, s’installeront durablement, mais vendront des nèfles. Téléphone, c’est deux paires qui se rejoignent. Aubert et Kolinka d’un côté et à l’origine du groupe, Bertignac et Corine de l’autre, plus expérimentés (ils viennent tous les deux de Shakin’ Street, et Bertignac commence à être reconnu grâce à de multiples sessions, notamment pour Higelin, comme un des bons guitaristes locaux). Téléphone n’ont rien de punk (leurs détracteurs ont eu beau jeu de se gausser d’Aubert, fils de haut fonctionnaire) et vont d’entrée avec leur premier disque rencontrer un public jeune et nombreux, et aligner des chiffres de vente « intéressants ».

Leur label EMI France, met le paquet, subodore une possibilité de carrière internationale, et envoie le groupe enregistrer son second disque à Londres, sous la houlette de Martin Rushent (au long passé d’ingénieur du son et producteur du premier Stranglers). Et à la réécoute de ce « Crache ton venin » des décennies plus tard, c’est peut-être bien le disque de Téléphone qui a le mieux vieilli.
Téléphone, c’est du classic rock. sous grosse influence Stones et Who. Et très vite, quels que soient les disques, on distingue deux points forts. La technique très au-dessus de la moyenne de Bertignac à la guitare et de Kolinka à la batterie. « Crache ton venin » est un festival des deux, Bertignac y aligne riffs sauvages, chorus musclés et solos efficaces et pas démonstratifs. Kolinka booste sa troupe, et se hisse au niveau de pousse-au-cul de gens comme Ian Paice ou Keith Moon (il est tellement impressionnant qu’il signe même un titre, « Regarde moi »). Pour être honnête, il faut dire que Téléphone a deux points faibles, la voix d’Aubert, assez limitée et souvent à la limite de la justesse, pour ne pas dire fausse tout le temps ; et un jeu de basse assez transparent de Corine. Et puis, il faut quand même dire un mot des textes, lesquels feront la joie d’un public d’ados (alors qu’il n’y en a pas dans le groupe) mais qui, avec le recul, sont quand même très moyens, développant thèmes de société traités de façon quelque peu infantile, et allitérations et rimes assez moyennes, pour être gentil …
Mais avec « Crache ton venin », ce sont les compos qui tiennent la route. Du classic rock, certes, mais balancé avec une énergie alors inédite par ici. Des boogies stoniens qui valent bien à cette époque-là ceux de la bande à Jagger et Richards (« Je sais pas quoi faire », « Facile », « Crache ton venin » le morceau, « Je suis parti de chez mes parents », le plus speed du lot). Et à la fin du disque, les deux derniers titres tentent une percée vers des sonorités plus funky (« Un peu de ton amour », « Tu vas me manquer »), et s’ils sont pas vraiment à jeter, peuvent malgré tout laisser assez dubitatif.
Sous le calque ...
Si Téléphone a eu autant de succès (les ventes de ce disque vont quasiment décupler par rapport au premier, et atteindre des chiffres qui doivent laisser songeurs les rockeurs ou prétendus tels d’aujourd’hui), c’est parce que le groupe était excellent sur scène, ne s’économisant jamais pour un public de plus en plus nombreux au fil des tournées. Et qu’il pouvait s’appuyer sur des titres que faute de mieux on qualifiera d’hymnes générationnels. Ici, il y en a trois, « Crache ton venin », « Faits divers » (un des meilleurs riffs du groupe), et l’emblématique scie désenchantée « La bombe humaine », tellement entendu qu’on ne sait plus quoi en penser.
La plupart des titres sont signés Aubert, Bertignac collabore sur quelques-uns (signature Aubertignac), on entend Corine Marienneau chanter lead un couplet de « Ne me regarde pas », « Je sais pas quoi faire » est un hommage à Godard (le titre est dédié à Pierrot le Fou et Marianne), la pochette avec son calque transparent est signée d’un jeune qui va monter (Jean-Baptiste Mondino),…
Et comme tous les autres skeuds du groupe, celui-ci n’aura aucun impact hors de France. C’est d’ailleurs cette quête de la reconnaissance internationale (et plus encore quand Branson les signera sur Virgin), qui ne sera pas pour rien dans les tensions internes (euh, et la fouteuse de merde Corine aussi, un peu beaucoup) qui finiront par avoir la peau du groupe au sommet de sa gloire cinq ans plus tard …

16 commentaires:

  1. Avant Téléphone, le rock français, c’était … la misère. Après Téléphone... ben pareil en fait.
    (Ayant lu quelques articles à propos des tentatives de reformation, la Corinne il l'auraient un peu traité comme de la merde quand même.)

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    1. Je me souviens d'une réflexion diversement appréciée de K Richards (après que Téléphone ait eu ouvert pour les Stones sur la partie française de la tournée still life au début des 80's), alors qu'un journaliste lui demandait ce qu'il pensait de Telephone. en substance ça donnait : "ils sont ok, mais ils ont un gros problème, y'a une fille dans le groupe, ça va mal finir ..."
      La Corine, elle est sortie avec les trois autres (ça laisse des rancœurs chez tout le monde, ce genre de plan cul), a publié un bouquin autobiographique assez féroce où elle se donnait le beau rôle ... ça sentait le règlement de multiples comptes cette affaire. Après, la vérité vraie, je la connais pas, mais elle avait selon tous ceux qui l'ont côtoyée (essentiellement les journalistes), un sale caractère ...

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    2. Oui, après, c'était peut-être une grosse chieuse hein... Y en a... A ce qu'il parait... Mais enfin je pense pas que le Aubert soit blanc bleu non plus.
      L'avantage du one-man-band, c'est qu'il ne peut s'engueuler qu'avec lui-même. C'est le fameux sketch des Inconnus sur Tranxen 200.

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    3. "Avant Téléphone, le rock français, c’était … la misère. Après Téléphone... ben pareil en fait."

      Y'a quand même eu les Rita, non ?
      Nan mais c'est sûr, les Français on est plus doués pour la zik électronique et faire danser les gens... :)

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    4. C'étaitplus une pique sur Téléphone que sur le rock français en fait. Mais c'est un peu foiré.:) Les Rita c'était quand même plus de la pop très extravagante et novatrice. Boxent pas dans la même catégorie pour moi, à tout niveau d'ailleurs.
      Ouais, les frenchy on est plus les rois du dancefloor. Patrick Hernandez c'était quand même pas rien bordel. D'ailleurs les Daft Punk sont arrivés à la même conclusion, vu les titres de leur dernier album.

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    5. Ah, Daft Punk... Déjà 62 commentaires sur Amazon (en moins d'une semaine !)... 70 pour le Bowie, 64 pour le Depeche Mode... Battront-ils Adèle (246) et Mylène (201, avec une majorité de coms de deux lignes dont les classiques "je l'ai acheté pour ma nièce et elle a aimé" et "le paquet est arrivé endommagé") ? :)

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    6. Si ils ne démontent pas Mylène, avant le plan com qu'ils ont mis en place, c'est à désespérer du marketing.
      Ah ah, les coms "le paquet est arrivé endommagé" sont classiques.:)

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    7. et Sortilège connard? ADX? Antidote? Hürlement? hein????

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    8. S'inviter sur un blog en insultant, ça relève de la psychiatrie. Sinon y'a le yoga ou le taï chi

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    9. Y'a de ça, effectivement ...

      Et Magma connard, et Les Variations connard et Triangle connard ... en fait tous les noms de groupes français finissent par connard ...

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  2. 1979??!!...comme Highway To Hell...'tain ça nous rajeunit pas. Ben ouais on écoutait ça à fond la caisse, on se ruait au ciné pour voir Téléphone Public de J M Perrier et quand ils passaient dans le coin c'était 65 F le billet...Formidable batteur Kolinka...et redoutable frimeur!
    Sinon à l'époque t'avais Capdevielle aussi...quand t'es dans le désert...

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    1. 79, comme Highway to hell ... et quelques autres aussi. Y'en a d'autres de 79 qui vont arriver incessamment sous peu, voire peut-être même avant ...

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  3. Bonjour, je trouve vos avis sévères sur la qualité du rock produit, texte et musique. Un même un ton prétentieux, trop facile de cracher son venin avec autant de facilité. Une analyse fine et subtile serait d'affirmer que le principal problème de Téléphone, c'est qu'il écrivait en langue française, une langue qui n'est pas celle du rock et qu'il leur a fermé les portes d'un succès international. Corine est une fille formidable qui a apporté beaucoup d'énergie au groupe et une sensibilité très reconnaissable. Pour ma part, ils sont les égaux des plus grands, Stone, U2, Floyd et consorts. Ah au fait, quand l'ami Keith parle d'embrouille, il devrait préciser qu'ils n'ont pas eu besoin d'une fille en leur sein pour en avoir... Biz

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  4. Telephone...

    Quand ils sont apparus rien ne me gonflait plus qu'eux...
    Aubert et ses braillades de post ado boutonneux en mal de poétique façon "chanson française" mais attitude rock, Bertignac pas franchement capable de dépasser le riff (bien tordu, ceci dit et surtout fédérateur, mais ça à l'époque j'en avais rien à f...), Corinne sorte de clone de ma copine de l'époque et Kolinka qui m'incitait malgré tout à croire que il y était pour quelque chose.
    T'étais en plein débats punk-new wave rapport aux dinosaures de remplissages de stades et autres hangars et voilà qu'arrive ce petit truc amateuriste typiquement franco-français et toute une masse de suiveurs dont tu ne piges pas vraiment le pourquoi d'une telle adhésion.
    Pas une soirée sans qu'on te saoule avec n'importe lequel de leurs titres, tu passes alors du pétard à la bière et le club des babs chevelus faisait la gueule en sortant son "Zappa c'est autre chose" référentiel.

    Ils me gonflaient donc, mais en fait c'est pas vraiment eux qui me gonflaient, c'est plutôt comme souvent d'ailleurs, leur "public", cet engouement nœud nœud. Genre enfin pouvoir classer un truc rock à la place de Johnny, Eddy lui étant resté "n'roll" - et le précédent pas cernable ou clairement ado, identifiable...
    Et puis Serge s'était barré reggae, alors...
    Et puis Serge, alors, justement... rock ?... non.

    Aubert me gonfle toujours d'ailleurs, mais c'est épidermique, la niaiserie portée à l'échelle de sommité intelligente d'une musique qui n'a pas besoin de ça, n'est pas ma tasse de houblon.

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  5. Suite :
    Puis je les ai vu en concert...
    à Montreux, dans une soirée comme aime faire Nobs, genre foutoir à multiples groupes.
    J'y était allé pour Johnny Winter (inoubliable) et Aswad (qui mixait dub en live - énorme claque) et ils étaient là en ce qui pour moi était "troisième groupe". Je m'étais même dit que dès leur entrée en scène j'allais me barrer.
    Mais...
    Vu que j'avais réussi à m'accouder sur le bord de la scène juste à côté de la batterie, à gauche et que pour y accéder ça avait été chaud, mais je voulais absolument mater le secret du shuffle du batteur de Johnny Winter, j'y suis resté.
    Et j'ai pris une claque énorme !
    Kolinka, effectivement bien frimeur avec son tourne baguette m'as tu vu emportait tout sur son passage et Corinne c'était carrément du délire, leur socle rythmique m'aurait presque fait penser à ceux de Zep, par exemple ou un pseudo bloc Police Copland/Sting. Je n'ai aucun souvenir de Aubert complètement zappé par mes soins ce soir là (décidément une dent reste une dent... vas t'en comprendre...) quant à Bertignac je l'ai musicalement entr'aperçu tant le duo rythmique était de la bombe.
    Je n'ai pas pour autant acheté le tee shirt sur lequel tout le monde se ruait à la sortie, ni le moindre de leurs albums, de tout' c'était pas nécessaire, tout le monde les avaient...
    Dans le hall ils signaient tout ce que le fan de base achetait compulsivement. Je suis passé presque tout droit et Corinne m'a regardé d'un air surpris - une œillade sympathique qui m'est restée en mémoire et m'a toujours fait la respecter malgré toutes les histoires genre Gala en mode revues du rock par la suite - un regard qui semblait me dire qu'elle pigeait que la musique m'intéressait et pas le reste (ceci dit pendant le concert j'étais à 1 mètre d'elle donc elle avait eu le temps de me voir et de le remarquer probablement car je bouffais littéralement tout leur "jeu" ...).

    Mais en ça, à savoir cette faculté de placer la scène, le live au dessus de tout, j'ai remis ma pendule à l'heure côté Téléphone - bon maintenant c'est vrai c'est du passé tout ça, on a tous un smartphone et quant à l'hygiaphone on aurait jamais cru le revoir un jour ce truc...

    Ah la la... Téléphone...
    Dès que je vois Aubert, je râle comme un vieux schnok face à la supercherie et par contre le jour où j'ai décidé de me mettre un peu à la basse j'ai acheté une Steinberger... comme quoi.

    Allez bonne semaine à venir...

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    1. Pas vu Téléphone en concert, ni les Insus ... Pour Téléphone, j'étais déjà plus lycéen, et pour les Insus, encore moins ... Mais de nombreux échos que tu confirmes, qu'ils volaient pas le client en live ...

      Par contre j'ai vu Aubert en solo deux ou trois fois (partenariat, obligation professionnelle), c'était la moitié de titres solo et l'autre moitié un best of de Téléphone. Toujours avec Kolinka, très isuel et qui tient la baraque. Par contre, outre le fait qu'Aubert chante souvent toujours aussi faux, la qualité du concert dépendait fortement du reste du backing band (une fois avec un type aux claviers, ça dénaturait l'essence des chansons, mais une autre fois avec une sublime bassiste asiatique et deux guitares, ça le faisait ...).

      Concernant Corine, en dehors de son jeu de basse, j'ai qu'un avis-compilation de trucs lus ... généralement pas à son avantage. Mais c'est sûr que c'est pas le nombre qui fait la vérité ...

      Bonne semaine à toi aussi...

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