ICE CUBE - AMERIKKKA'S MOST WANTED (1990)

Ennemi Public ?

Frapper fort d’entrée … c’est que devait se dire Ice Cube, fraîchement en vacances des NWA, collectif essentiel mais avec trop de fortes têtes au mètre carré pour que l’expérience soit longtemps viable.
Et les débuts en solo du rondouillard Ice Cube seront une rupture. Comme un majeur dressé bien haut en direction de ses anciens collègues et du rap californien en général. Même si la rivalité entre New York et Los Angeles n’en était pas encore à la guerre des mégalopoles américaines qui culminera quelques années plus tard avec l’opposition 2Pac  -  Notorious Big et sa litanie de cercueils, il y avait des choses, je vous le dis ma bonne dame, qu’il faut pas faire.

En l’occurrence, Ice Cube va faire appel pour produire (et la production, dans le rap, ça va beaucoup plus loin que dans le rock traditionnel, le producteur est au moins aussi important que l’auteur) au Bomb Squad. Pour ceux qui avaient séché les cours de rap old school à l’école, rappelons que le Bomb Squad, c’est la nébuleuse à géométrie variable (les frères Shocklee, Eric Sadler, Chuck D, …) derrière les consoles de tous les disques de Public Enemy, soit les leaders incontestés du rap new-yorkais. Le Bomb Squad, ça se reconnaît facilement, c’est métronomique, martial, brutal, plein de bruitages agressifs. Pas grand-chose de funky ou de groovy. Et ça s’accommode parfaitement avec ce que veut dire Ice Cube.
Qui ne fait pas dans la dentelle. Déjà, le titre avec son AmériKKKe au triple K, sa pochette sur laquelle on voit Ice Cube en avant d’une foule noire, montre qu’il se prend pour un porte-parole, qu’il va dénoncer ou accuser. Corollaire, le rappeur à grande gueule se met immodestement bien en avant (la chanson-titre), se cite très souvent dans les lyrics. Clairement dans la descendance des Black Panthers, le discours d’Ice Cube est revendicatif, rythmé par quantité de « fuck », sirènes de police, bruis de gunshots. Sans éviter les dérives inhérentes aux genres, l’apologie du gangsta way of life, avec ses drive-by-shooting (« The drive by »), son machisme et son sexisme primaires (« Get off my dick … »).
Musicalement, on est clairement dans le rap old school (le Bomb Squad, après avoir eu plusieurs longueurs d’avance sur tous les autres a fait du sur-place, ce qui explique en partie le déclin de Public Enemy dès le début des 90’s), les rythmiques sont bien lourdes, on reste dans la galaxie soul-funk seventies au niveau des samples, avec en point de mire leur Godfather à tous, Jaaaames Brown (allusion macho et sample sur « It’s a man’s world »). Avec juste un lâchage général sur « The bomb », très up-tempo par rapport à tout le reste, avec foultitude de bidouillages sonores, et un des singles « Who’s the Mack », plutôt cool et jazzy..
N’en reste pas moins que cette association curieuse fonctionne, avec d’un côté les artificiers sonores new-yorkais encore au sommet de leur art et d’autre part un des meilleurs rappeurs de la côte Ouest. « Amerikkka’s … » fait clairement partie de ce qu’Ice Cube a fait de meilleur, avant de délaisser quelque peu les studios d’enregistrement au profit des plateaux de cinéma.
A noter que ce disque est maintenant proposé en version expended, comprenant quelques titre bonus dont quelques versions alternatives ou remixées des titre originaux, qui à l’exception d’un bon remix (une fois n’est pas coutume) de « Get off my dick … » n’apporte pas grand-chose de crucial …

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6 commentaires:

  1. Les trois premiers Ice Cube sont sur ma liste. Fusion parfaite entre N.W.A. et PE celui-là.

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  2. Ça existe, un album de rap sans le logo "Parental Advisory Explicit Content" ? Dans la techno, on n'a pas ce problème, y'a pas de paroles... Certains disent qu'il n'y a même pas de musique... :)

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    1. Y'a pas de la musique dans la techno ? Moi j'ai rien dit, mais tu vois comme tu te fais du mal ...

      Il doit bien y en avoir sans le "parental advisory", comme des sportifs qui se dopent pas ... le rap français, il est très soft, comparé aux ricains ...

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  3. Un sourire de lui et je quitte ma mère...

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  4. Le rap est, dans sa version "pure", probablement la musique que j'aime le moins (et même déteste le plus) d'un point de vue "artistique" et sociologiquement très éloigné de mes préoccupations. Mais je sais tout ce que la "techno" lui doit puisqu'on trouve des éléments hip-hop dans la plupart des courants électroniques des 90's, du "big beat" au trip-hop, de la jungle/drum'n'bass jusqu'à même l'électronica façon Warp du triumvirat magique Autechre/Plaid/Boards Of Canada...

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  5. Sans doute l'un des meilleurs Ice Cube avec The predator. Le mariage avec le bomb squad est fantastique, moi qui préfère de loin le son de New York à celui de L.A, j'en étais tout émoustillé lorsque cette tuerie est sortie.
    En ce qui concerne le logo "Parental Advisory Explicit Content" tous les disques de rap et de Hard Rock paru avant la dictature de tipper gore et sa clique en sont dépourvu, depuis plus aucun n'y échappe. Ice T avait dédié un morceau à cette moralisatrice à deux balles en intro de Home Invasion, il y énumère toutes les insultes qu'il connait (et le bougre à de la culture en la matière)

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