STANLEY DONEN - LES SEPT FEMMES DE BARBEROUSSE (1954)


Un sommet ... du kitsch

Et pourtant il y a un gros poisson derrière la caméra. Stanley Donen, seulement vingt-sept ans au moment où il commence le tournage, mais déjà chorégraphe superstar de la MGM et réalisateur pour cette firme de deux comédies musicales au succès gigantesque, « Un jour à New York », et surtout la référence absolue du genre « Chantons sous la pluie ».
Et déjà, à l’époque, on peut constater que l’industrie cinématographique hollywoodienne ne jetait pas les dollars par les fenêtres, car tout Donen qu’il était, il se verra allouer un budget quasi misérable pour son nouveau film. Tiré d’un bouquin, déjà extrapolation d’un épisode de la mythologie romaine (l’enlèvement des Sabines), et originellement nommé comme lui « The sobbin’ women ». So what ? Des femmes qui chialent ? Cherchez autre chose comme titre a dit la production. Titre suivant proposé : « A bride for seven brothers », qui aurait certainement fait l’affaire chez Marc Dorcel, mais là, nouveau refus. Le suivant sera le bon, « Seven brides for seven brothers », évidemment traduit stupidement en français … et pourquoi sept ? ben voyons, les sept nains, les sept femmes de Barbe-Bleue, tout çà, le scénariste avait pas trop envie de se compliquer la tâche. Donen va se retrouver en plus avec un cahier des charges compliqué. Il devra tourner en Cinémascope (premier film dans ce format pour la MGM), lui qui n’est pas un technicien de la caméra, et pour assurer le coup, retourner les scènes au format « normal ». Deux films pour le prix d’un en sorte, c’est la version en scope (et en stéréo) qui sera diffusée …
L’histoire se passe en 1850 dans l’Oregon et ses majestueux paysages naturels … en carton massif. Tout a été tourné en studio et ça se voit très très beaucoup (scène gag involontaire du film : une ouverture hors champ de cages aux oiseaux dans un cadre bucolique, et les pauvres piafs qui vont se crasher dans le décor de fond, on le distingue parfaitement …). Pire, Donen n’a que deux acteurs de comédies musicales confirmés, Howard Keel et Jane Powell, qui auront les rôles principaux. Le reste du casting, c’est pas une blague, sera pris parmi les gens sous contrat avec la MGM et qui ne sont pas en train de tourner un autre film. Il en manque encore, mais qu’à cela ne tienne, des danseurs venus du classique tout ce qu’il y a de sérieux et des acrobates de cirque complèteront le casting. Il en manque toujours ? Et bien quand tous les autres multiplieront les acrobaties, ceux qui ne savent pas danser resteront assis et taperont la mesure pendant que ceux qui savent danseront …
Forcément, tout ça finit par laisser des traces à l’écran. Le genre en lui-même implique un scénario cousu de fil blanc, faut pas trop chercher à s’intéresser à l’intrigue, c’est obligatoirement une happy end. Point de départ : sept frères roux (pourquoi roux ? on sait pas) et célibataires vivent dans une ferme perdue, et le film nous narre leurs tribulations pour trouver épouse. Jeu des acteurs sommaire assorti de force grimaces expressives, gags et répliques ultra-téléphonés, même Christian Clavier aurait eu l’air bon dans ce truc, c’est dire … mais la comédie musicale est un genre très codifié qui se doit de proposer un spectacle populaire et familial, et ce film a rempli parfaitement son rôle, gros succès en salle (cinquième meilleure fréquentation aux Etats-Unis en 1955), et les producteurs doubleront leur mise …
Aujourd’hui, c’est le type même de film qui a sévèrement morflé. C’est naïf, criard, furieusement kitsch, un vestige d’un autre temps et surtout d’une époque où le public n’avait pas les mêmes goûts et les mêmes attentes qu’aujourd’hui face à un film. D’autant plus que « Les sept femmes … » est largement surestimé. Ses chansons n’ont pas traversé le temps, l’intrigue est d’une niaiserie confondante, et les faiblesses du casting font qu’on n’a pas droit à de grands numéros sophistiqués de danse. A une exception près, Donen a mis le paquet sur une scène, dite « de la grange », qui a nécessité trois jours de tournage plan par plan, et où, tirant profit de l’hétérogénéité de ses acteurs, on passe de quadrilles enlevés, à des numéros assez spectaculaires de danse classique ou d’acrobatie.
Pour le reste, il n’y a pas vraiment de quoi se relever la nuit …

2 commentaires:

  1. La scène de "la Grange" ? ils dansent sur du ZZ Top ?

    J'sais pas où tu as déniché ça !! Mais puisqu'on parle de Stanley Donen, il est toujours bon de rappeler, de répéter, de rabâcher : visionnez CHARADE avec Grant/Hepburn !!

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  2. J'en étais sûr que tu allais citer ZZ Top ...

    Charade, j'ai bien l'impression que j'ai jamais vu, mais je note ...

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