ALAIN RESNAIS - HIROSHIMA MON AMOUR (1959)


Tu n'as rien vu à Hiroshima ...

« Hiroshima mon amour » est le premier film d’Alain Resnais, pas un inconnu derrière la caméra pour autant, réalisateur « engagé », dont un documentaire « Nuit et brouillard » sur les camps de concentration nazis a déjà marqué quelques esprits.
Cette guerre mondiale qu’il a vécue (Renais est né en 1922) est aussi au cœur de son premier long métrage. Au scénario, une jeune écrivain « Rive Gauche », qui rêve de faire bouger les lignes de la littérature bourgeoise, Marguerite Duras. Ça tombe bien, Resnais va faire évoluer le cinéma, et pas seulement français.
Les dix premières minutes de « Hiroshima … » sont un choc visuel et esthétique. Des visions d’un couple nu tout d’abord recouvert de cendres, entrecoupées d’images purement documentaires sur une Hiroshima dévastée par la bombe atomique, une musique lancinante et obsédante (signée Georges Delerue et Giovanni Fusco), et une phrase qui revient, hypnotique : « Tu n’as rien vu à Hiroshima ». Une ouverture qui laisse scotché, quelque peu béat devant cette forme d’hermétisme où se mêlent poésie des corps enlacés et visions crues des stigmates nucléaires sur la ville et ses habitants, morts ou rescapés …
Petit à petit, l’intrigue et les personnages se mettent en place. Elle (jamais de prénoms ou de noms ne sont cités) est française, actrice, et termine (c’est son dernier jour au Japon) un tournage à Hiroshima. Lui est japonais, architecte. Tous les deux sont mariés, ont certainement des enfants. La brève passion dévorante qui les unit touche à sa fin, ils vont devoir irrémédiablement se séparer. Cette dernière journée sera pour les deux l’occasion d’une mise à nu émotionnelle. Chacun a ses secrets, des brisures profondes issues de la guerre.
Lui a au fond de son cœur le traumatisme d’une population « atomisée » par l’ennemi militaire (« Hiroshima … » n’est jamais un film à charge contre les Américains qui ont bombardé, mais contre le bombardement lui-même et ses conséquences).
Elle, c’est le personnage « fort » du film (assez rare dans le cinéma de l’époque, trop souvent reflet d’une société patriarcale). Provinciale de Nevers, elle est tombée toute jeune amoureuse d’un soldat allemand des troupes d’occupation (Bernard Fresson dans un de ses premiers rôles). Là aussi, Resnais et Duras zappent volontairement le nazisme. « Hiroshima … » n’est pas un film à vocation idéologique, c’est un film sur une histoire d’amour impossible. Et Elle fera dans ces dernières heures passées avec Lui un transfert de son amour de jeunesse « immoral » (on sait comment ont fini en général ces amants « maudits » de l’Occupation, et Elle et le soldat allemand n’y ont pas échappé) avec son amour forcément sans suite inenvisageable avec Lui, allant jusqu’à fusionner ces deux hommes qui ont traversé sa vie à quinze ans d’intervalle.
C’est le récit de cette liaison à Nevers, alors qu’ils sont attablés dans un bar, qui est le cœur du film. Un récit que rien ne vient parasiter, pas de musique, aucun bruit d’ambiance, seul le dialogue des deux acteurs, et le parallèle et la confusion entre l’Allemand et le Japonais. Un récit conclu par une magistrale paire de claques qu’Il lui donne.
Elle, c’est Emmanuelle Riva, troublante (très) plus que belle. Lui, c’est un acteur japonais Eiji Okada. Il y a dans leurs échanges tout ce détachement, cette lenteur typiques des dialogues de ce qui deviendra la Nouvelle Vague et que ce film commence à codifier. Tous ces gros plans, ces regards fixes, comme éteints par le poids de leurs destins, alors que l’on sent à l’intérieur l’incendie qui les consume.
Resnais fait preuve sinon de virtuosité, du moins d’une maîtrise certaine, dans ces deux histoires d’amour qu’il mène en parallèle. Si la fin de la première est montrée, celle d’Hiroshima est laissée en suspens, même si rien ne laisse supposer une happy end. Resnais joue les contrastes entre une ville de la France victorieuse, mais terne et grise, et celle d’Hiroshima, rasée mais qui renaît dans la lumière et le mouvement.
« Hiroshima … » a été dès sa sortie perçu comme un chef-d’œuvre, un film sans équivalent, sans référence dans le passé du septième art. Bon, je vais pas jouer les malins, mais j’en ai vu une. L’hôtel dans lequel Elle est descendue et dont on voit l'enseigne dans la dernière bobine s’appelle le Casablanca Hotel … Euh, « Casablanca », ce serait-il pas un film avec Bogart et Bergman qui raconte leur impossible amour sur fond de guerre mondiale ? Et ça ne voudrait-il pas dire que les deux films ont le même épilogue, même si ici il n'est pas montré ?

15 commentaires:

  1. "Et pourquoi pas Auschwitz mon Loulou ?"
    "Maguerite Duras qui n'a pas écris que des conneries, hein.... Elle en a aussi filmé."
    (j'aime beaucoup Resnais, une fois qu'il en a fini avec Duras. Je n'ai pas vu celui-ci, mais Duras ça me fait fuir en courant)

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    1. Hum ... contrôle au faciès (j'ai pas vu, mais c'est nul ...)

      "Hiroshima ...", c'est avec "...Marienbad" l’essence de resnais, la profession de foi artistique et esthétique. tous les films qui ont suivi, c'est pour payer les factures, du "gentil" cinéma pour faire des entrées ...

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    2. Oh bordel, dis pas n'importe quoi, on dirait que tu parles de techno.:) Resnais est un des plus singulier cinéaste français de l'histoire et continue à son âge de se remettre en question à chaque film (avec plus ou moins de bonheur, son dernire en date m'a laissé un peu dubitatif, quoiqu'un peu admiratif aussi). Providence, Mon oncle d'Amérique, Mélo, Smoking/No Smoking, On connait la chanson, Les Herbes Folles, que des grands films, que des expériences, que de l'unique, du prototype. Mais Duras, je sais pas, y a blocage.
      (j'ai pas saisi la référence de ta première phrase)

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    3. Blocage sur Duras ... c'est bien ça, délit de sale gueule, jugement au faciès ... parce qu'elle a écrit le scénar, ça ne peut être que nul, pas la peine de regarder ... Ben, vois-le d'abord "Hiroshima ..." et aussi "... Marienbad" (avec robbe-grillet, un autre "illisible") et après on en reparle, et à mon avis, tu reconsidéreras les autre films que tu cites ... quelles que soient leurs qualités (je dis pas qu'ils sont mauvais, mais juste plus conventionnels), ça boxe pas dans la même catégorie ...

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    4. C'est à dire que quand on aime pas la noix de coco, généralement on fait l'impasse sur un plat cuisiné avec du lait de coco (suis en pleine période Koh-Lanta ma parole...). De là à parler de délit de sale gueule. Après, je suis tellement fan de Resnais en général que j'aurai probablement la curiosité naturelle de le voir si jamais il passe à ma portée, mais bon, j'aime pas la noix de coco hein...
      (où c'est que j'ai dit : "c'est nul" au fait ? J'ai balancé les citations de Desproges parce qu'elles me viennent automatiquement dès qu'on parle de Duras, et puis j'ai dit tout le bien que je pense de Resnais. J'ai pas dit "c'est nul", j'ai dit "pas vu, mais j'aime pas Duras déjà donc ça se présente moyen")

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  2. 'tain, tes films sont encore plus ianch que tes disques... :)

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    1. c'est sûr que ça vaut pas un machin avec kad, clovis cornillac ou julie depardieu ...

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    2. Ou Laure Sainclair...

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    3. Je vois, Môssieur veut de l'Art, de la Culture, des réalisateurs qui "portent un regard" et ont une "vision du monde"... Et alors, Christian Clavier aussi il en a une, de "vision du monde", qu'est-ce qu'elle a, elle sent pas bon, sa "vision du monde" ? :)

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    4. Il est (étais) beaucoup plus drôle que Duras en tout cas.

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    5. Même pas ... Duras imitée par Karl Zero, c'est quand même plus drôle que Clavier essayant d'imiter De Funes ...

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  3. Sentant Lester Gangbangs un peu seul dans cette série d'attaques infondées (alors que c'est lui qui a raison) je me permets d'apporter ma modeste contribution pour confirmer que Hiroshima et Marienbad sont bien les plus grands films de Resnais, les plus passionnants, les plus lyriques, les plus excitants, les plus révolutionnaires (travail d'écriture magistral de Duras sur Hiroshima). Et que le reste de sa filmographie, en comparaison de ces deux chefs-d'oeuvre, est graduellement médiocre, plus on approche de notre présent. Sa collaboration avec les consternants Bacri et Jaoui marque le sommet de son fourvoiement dans un cinéma du pauvre qui court après le grand public sans jamais oser l'avouer.

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    1. Merci de ta contribution au débat, Julien ... on est d'accord, même sur Jaoui et Bacri ...

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    2. Tout à fait. Hiroshima mon amour fait partie de mon panthéon, en compagnie de Magma, Joy Division et Dieudonné, entre autres.

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