DAVID BOWIE - STATION TO STATION (1976)


Venu d'ailleurs ...

Le Bowie période Los Angeles est une épave, un taudis humain, et à l’époque de leur parution, que ce soit le funk blanchi de « Young Americans » ou ce « Station to station », les deux disques avaient déçu le gros de ses troupes de fans, encore sous l'effet de l'electrochoc glam Ziggy Stardust. Bowie vit reclus, ne se nourrissant que de lait et de cocaïne, vient de tourner la science-fiction écolo-nihiliste « The man to fell to Earth » (« L’homme qui venait d’ailleurs » dans la langue de Calogero) de Nicholas Roeg.

Le Thin White Duke
Bowie, junkie-zombie (il doit peser quarante kilos tout mouillé à cette époque-là), s’enferme en studio avec ses « fidèles », le guitariste Alomar, la rythmique Davis et Murray (Tony Visconti n’est pas libre à ce moment-là, c’est Harry Maslin qui produira), plus des musiciens de séances (Bittan du E-Street Band et Earl Slick, qu’il retrouvera eux, à différentes époques plus tard). Dans un grand nuage de poudre blanche, un personnage-concept est créé, le Thin White Duke (aristocrate décadent, blasé et aryen, selon les définitions, fluctuantes, qu’en donnera un Bowie pas au mieux mentalement), et la musique qui servira de toile de fond à son « retour » (contresens cocaïné, comment peut-il revenir, alors qu’il n’avait jamais été là ?) est orchestrée.

Artistiquement, Bowie ne sait plus où il en est. Subsistent des relents funky du précédent 33T « Young Americans » , et nouveauté, apparaît l’influence robotique des précurseurs synthétiques allemands, surtout Kraftwerk et Neu ! que Bowie écoute en boucle. Mais Bowie, et ce n'est pas la première ou la dernière fois quand il se lance dans l'exploration musicale, finira par retomber on ne sait trop comment (il a avoué plus tard n'avoir aucun souvenir de l'enregistrement de ce disque, ne sachant même plus dans quel studio avaient eu lieu les séances) sur ses pattes. Il étire démesurément les séquences musicales, et au final, le 33T ne comptera que six titres.

D’entrée « Station to station » ou l’improbable rencontre entre des accords métalliques genre Blue Oyster Cult et le funk du précédent « Young Americans ». « Young Americans » dont semble échappé « Golden years ». Deux magnifiques ballades (« Word on a wing » et « Wild is the wind », cette dernière en hommage à Nina Simone qui avait également repris ce titre de Dimitri Tiomkin), le discoïde « TVC 15 » et le froidement métallique « Stay » complètent le track-listing.

« Station to station » est un des disques les plus variés de Bowie. Il me semble que c’est aussi le seul de toute sa discographie dont tous les titres figureront à un moment ou un autre dans son répertoire live, preuve de son importance dans la carrière du Thin White Duke, et il annonce par bien des aspects sa future « trilogie berlinoise » (« Low », « Heroes », « Lodger »).

A sa sortie, le disque sera très diversement accueilli par les médias spécialisés, et la réaction globale sera assez mitigée. Il a été sans cesse réévalué depuis, et lors de sa récente réédition en version ultra-expanded l’année dernière, la tendance serait plutôt maintenant à le considérer comme un de ses disques majeurs. Pour moi, il est tout bonnement dans sa poignée d’incontournables.

La pochette, comme celle de « Low » est tirée du film de Roeg.

Du même sur ce blog :
The Man Who Sold The World 

MINK DEVILLE - LE CHAT BLEU (1980)


Willy au bout de ses rêves ...

Ce disque est le troisième de Mink DeVille, le dernier chez Capitol, et s’il fallait n’en garder qu’une petite poignée du dandy new-yorkais, il serait forcément dans le lot. Parce que c’est celui qui représente le plus et le mieux Willy DeVille, le leader de son Mink de groupe.
Il y a tout des débuts de Willy, et même beaucoup de son âme, de ses fantasmes, de ses obsessions. Willy est un étrange personnage, qui, comme le chat (bleu ou pas) qui sert de titre au disque, a eu plusieurs vies, renaissant sans cesse de naufrages, et pas seulement artistiques, avant de voir son existence s’arrêter pour cause d’hépatite C carabinée dans l’été 2009.
Souvent en équilibre entre sublime et ridicule, et réussissant on ne sait trop comment (la classe, peut-être) à très souvent, mais pas toujours, retomber du bon côté. D’abord Willy est un fan. De plein de choses essentielles et très bonnes (la soul, le doo-wop, le rythm’n’blues, et en gros de tout ce que la musique américaine a produit de meilleur et de rythmé), de choses auxquelles on a du mal à échapper quand tout gosse on a toujours rêvé de New York et qu’on est allé y habiter (les comédies musicales comme « West Side Story », où Willy est allé trouver son look durant les années 70 et sa fascination pour le côté borderline des gangs). Et fan de la France à travers quelques chanteurs ou musiciens qu’il vénère. Passe encore pour Piaf, mais l’adoration de Willy DeVille pour Michel Legrand ou Charles Dumont, beaucoup ont eu et ont encore du mal à saisir …
Willy & Toots : félins pour l'autre ?
Pour ce « Chat Bleu », Willy réussit à travailler avec une de ses idoles, Doc Pomus, qui a été chanté par Elvis (Viva Las Vegas »), ou Ray Charles (« Lonely Avenue »), et un des auteurs attitrés des Drifters (« Save the last dance for me », « Sweets for my sweet », …) de Ben E. King, dont l’énorme succès de sa carrière solo (« Stand by me ») sera souvent , dans des versions tout en crucifixions et génuflexions, le point d’orgue des concerts de Willy-Mink DeVille …
Pomus et DeVille cosignent ici « Just to walk that little girl home », fabuleux doo-wop dans les règles de l’art, l’excellente ballade soul « That world outside », et l’espagnolade, avec ses arrangements de castagnettes, « You just keep holding on » … Pour le reste, hormis une reprise du « Bad boy » de Lil Armstrong (la femme du trompettiste Louis Armstrong), c’est Willy DeVille qui signe tous les titres. Dont quelques-uns de renversants, les fantastiques rythm’n’blues « This must be the night », « Savoir faire » et « Lipstick traces » notamment.
Willy DeVille est aussi attiré par des choses plus « exotiques ». La Nouvelle-Orléans (qui plus tard le verra « renaître ») et la Louisiane, ce qui donne la mazurka traitée cajun-zydeco « Turn you every way … », titre entraînant et réussi. Mais aussi les sonorités hispano-caraïbes (cf les gangs portoricains de « West Side Story »), ce qui donne un morceau raté (« Slow drain »), crispé et coincé du popotin, à des lieues des choses torrides et swinguantes de Kid Creole & The Coconuts, qui débutent dans le même genre à la même époque. Niveau titre quelconque, il faut aussi rajouter l’anecdotique conclusion « Heaven stood stills », gâchée par un piano grandiloquent …
Mais la balance est malgré tout très largement favorable, car en plus de grandes chansons, Willy DeVille peut s’appuyer sur un grand backing band. Mink DeVille est un super groupe, soudé et cohérent, emmené par le guitariste killer Louie Erlanger, s’appuyant sur quelques vieux de la vieille, Jerry Scheff (basssite chez Presley et sur le « L.A. Woman » des Doors), Steve Douglas, remarquable sax (chez Spector, les Beach Boys, Aretha Franklin, …) et ici également producteur, ou encore le multi-instrumentiste Kenny Margolis. Certains, la presse musicale française notamment ne tariront pas d’éloges sur Mink DeVille, et les comparaisons en cette fin des 70’s – début des 80’s avec le E-Street Band iront bon train. Bon, soyons clair, autant Mink DeVille peut rivaliser très favorablement sur disque (avec Willy, pas de morceaux à l’arrache, tout est dans le feeling et l’émotion, Erlanger c’est quand même mieux que Miami « Bandana » Van Zandt, et ne parlons pas de Douglas comparé à Clarence Clemons et sa corne de brume), autant sur scène, Willy DeVille, ça coince… Capable de prestations phénoménales, mais aussi et plus souvent que de raison de concerts pathétiques qui le voient s’écrouler au sens propre sur scène, Willy DeVille payera très tôt un lourd tribut à des addictions diverses et variées, qui relègueront sa carrière à quelques succès d’estime …
L’occasion de souligner l’importance ( ? ) à ses côtés de sa gorgone de femme, sa Yoko Ono à lui, la très insupportable Toots. Comme la femme à Lennon, avec qui elle partage bien des ressemblances et pas seulement physiques, elle ne quitte jamais son Willy d’époux, l’« assistant » dans ses interviews, et à l’époque de la parution du « Chat Bleu » (c’est son épaule tatouée à elle sur la pochette), en plein trip mystico-vaudou, se trimbalant toujours avec force amulettes, et petits réticules emplis de préparations, potions et philtres divers. Et malheureusement pour Willy, au milieu d’inoffensives poudres de perlimpinpin soi-disant magiques, d’autres bien blanches, dont son mari abusera, ruinant sa santé, sa carrière et les espoirs que certains, dont Ahmet Ertegun (qui allait le signer pour le disque suivant, le fabuleux « Coup de Grâce »), mettaient en lui …


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X - WILD GIFT (1981)


X File

X, dès le départ, est un drôle d’assemblage. Un couple de babas à la ville comme à la scène, John Doe (bassiste et chanteur) et Exene Cervenka (auto-proclamée poétesse – just like Patti Smith – et chanteuse), un guitariste fada de rockabilly (Billy Zoom, qui a fait partie des derniers tours de piste du band de Gene Vincent), et un batteur (Don Bonebrake) sur lequel il n’y a pas lieu de s’extasier outre mesure. Le groupe vit à Los Angeles, le paradis du glamour et des surfeurs bronzés, et en cette fin des 70’s, le lieu le plus improbable pour l’éclosion d’un orchestre punk. 

De gauche à droite, Zoom, Cervenka, Bonebrake, Doe : bien classés, X ...
Une petite scène se formera pourtant, dont X sera partie prenante, en compagnie des formations embryonnaires des Go-Go’s, Blasters, Germs, Lobos… Le déclic surviendra pour X quand le has-been Manzarek, des feu Doors, s’entichera du groupe, les accompagnera quelquefois sur scène, les aidera à trouver un label et produira leurs disques. Dont ce « Wild Gift », leur second …

Le son général, l’ambiance du disque, sont de prime abord assez déconcertants, pour l’époque s’entend. Assez loin de toutes les références du punk anglais, adossé sur un binaire simplissime voire simpliste dérivant du rock’n’roll revisité glam. Chez X, grâce à Billy Zoom, la touche rockabilly est en avant, particulièrement sur des titres comme « In this house … », « Beyond and black », « Year 1 », … Le chant, notamment celui d’Exene Cervenka, peut en rebuter plus d’un. Souvent déclamatoire, forcé dans les aigus, il se marie cependant très bien à la voix de John Doe, les deux se partageant le micro.

« Wild gift » est un disque varié, concis (13 titres en un peu plus de demi-heure), très mélodique même sur les morceaux effectués pied au plancher, piochant très occasionnellement des choses chez les punks Anglais (« When our home… »), d’autres dans la new wave de Devo (« Adult books »). Malgré tout, X a son image sonore propre, ce contraste entre le feu et la glace des deux voix, et ces racines rock’n’roll et rockabilly qui pointent partout. Manzarek, s’il doit être pour quelque chose, et peut-être même pour beaucoup dans la fluidité des compositions, reste étonnamment dans l’ombre, sobre et discret (à peine discerne t-on quelques nappes de claviers), ce qui n’est pas d’habitude sa principale qualité …

X durera ce que durera le couple Doe – Cervenka (des titres font déjà allusion à une rupture larvée ou consommée comme « In this house … » ou « White girl »), les dissensions et le split ne sont plus très loin. En tout cas, avec ce « Wild gift » et son prédécesseur, les X ont remis Los Angeles, où jusque là régnaient sans partage Eagles, Fleetwood Mac et autres Doobie Brothers, sur la carte du rock qui rocke et qui rolle …


NINE INCH NAILS - PRETTY HATE MACHINE (1989)


 Sound Machine

Nine Inch Nails, c’est Trent Reznor. Point Barre. C’est d’ailleurs écrit dans le livret de « Pretty Hate Machine », premier disque paru à la toute fin des 80’s. Un disque qui ne sera pas un gros succès, sorti sur un label indépendant… il faut dire que la musique proposée et les thèmes abordés avaient de quoi faire fuir les directeurs artistiques des majors.
Nine Inch Nails au grand complet
Reznor n’est pas un joyeux (drogues et dépressions semblent être ses seuls amis durables), son univers musical non plus. Tout est fait pour choquer, agresser, dérouter. Le matériau de base, c’est une techno industrielle (beaucoup de choses ressemblent aux Belges radicaux de Front 242) lacérée de gros riffs de guitare. Assez proche également de ce que produisent les héroïnomanes déjantés de Ministry, le côté rock’n’roll circus en moins. Nine Inch Nails est beaucoup plus sombre, plus glauque, sans la moindre trace d’humour ou de second degré qui caractérisent le « groupe » de Jourgensen …
Mais Reznor est très fort en studio. Il va mettre en place un design sonore qui va durablement marquer la décennie des 90’s et faire la fortune de son plus célèbre « disciple » Marylin Manson, dont il produira les premiers disques avant une série de brouilles, embrouilles, carambouilles et réconciliations …
Dans « Pretty Hate Machine », de l’électricité sale gicle de partout, lézardée d’interférences électriques, de sons distordus et parasités. Une masse sonore inquiétante, brouillonne en apparence, déstabilisante … La voix de Reznor, toute en plaintes, gémissements et hurlements contribue également pour beaucoup à la noirceur des titres. En fait, ce qui est le plus gênant dans ce premier disque, et d’ailleurs comme dans la plupart de ceux qui suivront, c’est l’absence ou du moins la rareté de titres construits. De chansons pour dire les choses simplement. On suppose que c’est un parti pris volontaire car « Head like a hole » (de la mélodie, des machines, des guitares, que demande le peuple ?) ici, « Closer » ou « We’re in this together » plus tard, montrent que Reznor est capable d’écrire de grands morceaux de structure classique.
Il y a d’autres bonnes choses dans ce disque, « Something I can never have » avec son piano triste et sa touche lyrique, « Sin », débuté comme du Depeche Mode avant de s’abîmer dans du metal chauffé à blanc, le noir « Sanctified » avec son passage bien trouvé de chant grégorien … Il y aussi pas mal de titres qui marquent moins les esprits, englués dans des effets sonores quelque peu foire à la ferraille et bugs électriques divers … Ce disque doit cependant être considéré comme un tout, et plutôt qu’une succession de « chansons »,  comme une porte d’entrée intéressante mais pas exceptionnelle pour l’univers très particulier de Nine Inch Nails …

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The Fragile

GRATEFUL DEAD - AMERICAN BEAUTY (1970)


De toute beauté ...

Pour moi la masterpiece du Dead … En studio … Parce que Grateful Dead est un groupe compliqué, surtout vénéré par ses fans pour ses concerts-marathon et les improvisations stratosphériques de Jerry Garcia. Et tous ces Deadheads, baba-cools migrant au gré des dates de leur groupe, ont collé au groupe une de ces images d’Epinal (surtout en France) dont il est difficile de se remettre…

Pour beaucoup, le Dead n’est qu’un groupe de hippies, parfait symbole du flower-power de Haigh Asbury, aux titres étirés jusqu’à plus soif, aux concerts interminables dans les effluves d’encens, de patchouli et de marijuana. Une vision pas forcément inexacte mais en tout cas incomplète.

Grateful Dead live 1970
Car à force de faire des heures sup on stage, le Grateful Dead est devenu une redoutable machine à faire de la musique, et d’une technique qui ne doit rien à l’improvisation ou à l’approximation. Traumatisé par le retour aux sources du Dylan de « Nashville Skyline », le groupe qui vient de publier un « Workingman’s dead » déjà en rupture avec ses antécédents discographiques, va aller encore plus loin dans sa quête des racines de la musique populaire américaine.

Le résultat, cet « American beauty », n’a rien à envier à ce que venaient de faire Dylan et le Band au milieu des années 60, les Byrds avec « Sweetheart of the rodeo », ou à ce que fera Gram Parsons en solo. Alors ici, le Dead ressort les pedal steel, les harmonicas, donne une coloration électro-acoustique superbe, effectue un boulot considérable sur les harmonies vocales. Les maîtres de l’improvisation en public livrent un album studio à l’opposé, très travaillé, avec une mise en place millimétrée et un sens de la concision remarquable au service de titres d’une richesse mélodique étonnante. Surnagent du lot l’inaugurale « Box of rain », superbe chanson de country-folk, « Candyman » (rien à voir avec le film du même nom), un folk électrique avec (c’est exceptionnel dans ce disque) un court solo cosmique d’anthologie de Garcia, l’ultime « Truckin’ », rock enlevé et énergique qui sera par la suite un des titres de bravoure du Grateful Dead sur scène…

Ce disque sera un peu le chant du cygne en studio du Dead, qui préfèrera tourner sans relâche pendant plus de trois décennies jusqu’à la mort de Jerry Garcia, que d’essayer de donner une suite à ce « American beauty », chef-d’œuvre inégalé …

QUEENS OF THE STONE AGE - SONGS FOR THE DEAF (2002)


Supergroupe et superdisque ...

QOTSA 2002, du beau monde ...
Ce disque était attendu comme le Messie, il devait sauver le rock, ou au moins lui conférer une nouvelle vision, une nouvelle dimension. Josh Homme, leader et théoricien du groupe avait réuni un casting exceptionnel : l’encore fidèle Nick Oliveri, bassiste virtuose et allumé notoire ; Mark Lanegan, une des meilleures voix du rock alternatif US ; enfin Dave Grohl, plus grand batteur vivant (« Nevermind » de Nirvana).

Avec une telle équipe, on se prenait à rêver. Eux seuls étaient capables de faire ressurgir les pères fondateurs (Led Zep et Black Sabbath), réaliser la synthèse des précurseurs  américains (Hüsker Dü, Pixies et Nirvana), le tout baignant dans la violence blanche des Stooges ou du MC5.

« Songs for the deaf » est bâti comme les antiques concept-album des seventies, et d’ailleurs il sonne pas mal seventies, il est construit comme un road-movie rythmé par le son d’une radio FM. Résolument orienté rock lourd, la radio FM. Qui balance des titres d’anthologie (« No one knows », « First it giveth », « Another love song », le Nirvanesque « Go with the flow », « God is in the radio » qui remémore les freaks défoncés d’Hawkwind,…), mais aussi quelques ratés (l’inutile agression frontale de « Sex shooter », la linéarité de « Do it again », également ces bruitages radio qui renvoient aux pires heures de Roger Waters période post-Floyd et font retomber la pression).

Mais la balance est très largement favorable et « Songs for the deaf » est un des tout meilleurs disques des années 2000 et à ce jour la pièce maîtresse des Queens of the Stone Age.

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MIKA - LIFE IN CARTOON MOTION (2007)


Surimi sonore

Rien qu’avec le titre, pas d’erreur possible, Mika c’est du premier degré. Cœur de cible, la midinette entre dix et quinze ans, qui ne pourra qu’être séduite par un jeune éphèbe dynamique chantant des titres entraînants sur des rythmes modernes. Fermez le ban …

Le vieux con que je suis, aux oreilles abîmées par une écoute à des volumes déraisonnables de l’intégrale des Stones et des pirates de Bowie, ne voit et n'entend dans cette chose qu’une misère auditive de plus, renforcée par un tapage médiatique aberrant. Car quoi, que voit-on et qu’entend-on donc avec ce zigoto ?

Un chérubin longiligne qui s’habille comme Philippe Candeloro, chemise blanche à jabot échappée des archives de l’habilleuse de Jean Marais dans « Le Bossu », et pantalon de survêt pincé genre policier ukrainien ou douanier slovène. A ma connaissance, seules la reine d’Angleterre, sa mère, et Björk étaient jusqu’à présent plus mal attifées que lui. Dans le temps, y’avait aussi Freddie Mercury.

Le jeune homme aurait-il pris le melon?
Transition facile, la musique (si on peut appeler ça de la musique) de Mika évoque d’entrée (le premier titre « Grace Kelly ») plein de choses déjà entendues chez Queen, notamment dans « Bohemian Rhapsody », ce qui pourrait être amusant, quand on sait que Queen s’était lui-même inspiré d’airs d’opéra … remake de l’arroseur arrosé. Sauf que Mika pousse la farce un peu trop loin, le plus gros hit du disque  (« Relax (take it easy) ») pompe allègrement notre  ( ? ) Sheila nationale, à l’époque de ses premiers liftings et de son hit disco « Spacer ».

Il semblerait aussi que les avocats de Tatie Elton John aient pu trouver matière à procédure sur quelques titres à base de piano, et que si George Martin n’avait pas été trop occupé à remixer l’intégrale des Beatles, il aurait pu s’interroger sur les arrangements de « Billy Brown », qui font plus qu’évoquer ce que les Beatles faisaient à l’époque « Magical Mistery Tour ». Tout cela traité façon disco seventies, avec en point de mire les Bee Gees à fausses dents bien  blanches, costards blancs idoine et chemises à col pelle à tarte de « Saturday night fever ».

Sans le moindre sens de l’humour et de la distanciation que l’on trouvait chez tous ces gens. Voir ce garçon récolter un tel succès en misant tout sur un revival boule à facettes, a quelque chose d’agaçant, quand on sait que des gens aussi amusants et talentueux dans le même genre que Scissor Sisters, Black Kids, voire les Pet Shop Boys, sont ignorés ou moqués …

En fait, Mika est à la musique ce que le surimi est à l’alimentation, c’est joli, c’est mignon, c’est tout rose, c’est appétissant. Mais voilà, faut surtout pas en manger …



SPANK ROCK - YoYoYoYoYo (2006)


 Innovant mais "difficile" ...

Spank Rock 2006
Alors que le rap a fêté ses trois décennies, cette musique née de l’urgence et dans l’urgence n’a finalement évolué que lentement.
Spank Rock (Fesser le Rock ? la bonne blague …), duo américain, fait clairement avancer et évoluer le rap. Des rythmiques ultra-saccadées, infra-basses en avant, des relents de trip-hop, des morceaux courts et sobres, des recherches mélodiques … Rarement autant d’innovations ont été présentes sur un même disque.
Le problème c’est que tout cela aboutit à des titres crispants, robotiques et d’un accès ardu. Pas le genre de truc qui va squatter la bande FM.
L’idée de départ est excellente (dépoussiérer un genre musical ronronnant) et se rapproche de ce que faisaient à la même époque les Liars avec le rock ou TV On The Radio avec la pop.
Spank Rock possèdait les atouts pour être the “next Big Thing”, ou au minimum le truc branché du moment. Resté silencieux pendant cinq ans, le duo semble condamné à la confidentialité …





Ping pong | Myspace Music Videos

THE BLACK KEYS - EL CAMINO (2011)


En route pour la gloire ...

Ils sont partout, les Black Keys… doivent même faire la une de « Jardins et potagers » et de « Tricots et dentelles ». Il faut dire que depuis que Jack White a sabordé ses Stripes, l’horizon s’est quelque peu dégagé pour un nouveau duo guitare-batterie. Même si les Black Keys traînent leur blues craspec depuis une dizaine d’années, avec une audience à chaque fois améliorée.

Auriez-vous laissé votre petite sœur sortir avec un Black Key ?
Mais là, aujourd’hui, avec ce « El Camino », ils ont passé la vitesse supérieure. Faites un peu de place, Arcade Fire, Coldplay, Mumuse, Radiohead et consorts, y’a une nouvelle grosse cylindrée qui va venir vous disputer la tête d’affiche des festivals l’an prochain. Il paraît que les Black Keys, tous les vieux fans vous le diront, c’était mieux avant. Moi j’en sais rien, je connaissais pratiquement rien d’eux. J’avais en mémoire que la bobine de deux types hirsutes, hommes des tavernes mal famées où ils balançaient leurs riffs distordus devant une poignée de fidèles qui en ont vu d’autres, des vrais de vrais, et à qui on ne la fait pas. Crédibilité en plutonium enrichi, Auerbach et Carney ont décidé de passer à autre chose.

Ils sont aussi passés chez le coiffeur, manière d’être plus présentables pour les télés en prime time. Ils pourront après vous raconter que leur évolution s’est faite par hasard, et que le succès, ben non, ils s’y attendaient pas du tout et que ça les surprend ce qui leur arrive et tout ce tapage autour d’eux. Bon, hé, les gars, sérieux, on me la fait pas à moi, y’a des siècles que je l’entends celle-là …

Bon, et si t’arrêtais de faire ton numéro, toi, et si tu nous en parlais de ce skeud, entends-je … Il est comment ? Faudrait être d’une sacrée mauvaise foi (et je m'y connais en mauvaise foi) pour dire qu’il est pas bon, parce que je vais vous avouer, brothers & sisters, des rondelles comme ça il en sort pas des tombereaux chaque année. Y’a rien à dire, c’est bien foutu, soyeux et rugueux en même temps, et si les choses s’emmanchent aussi bien que la maison de disques l’espère, un gros paquet de titres pourraient même cartonner à la radio.

Ils sont pas mimis, maintenant ?
Même s’il a fallu faire quelques menues concessions pour ça. Balayer sous le tapis la poussiéreuse histoire du duo. Le producteur, pas n’importe qui, Danger Mouse, un cador, est parfois présenté maintenant comme le troisième Black Keys. Y’a aussi un type aux synthés, quand même assez discrets, les Keys vont pas nous pondre un revival OMD, deux ou trois nanas créditées aux chœurs. Tout ça déplombe un peu l’ambiance, offre des respirations et des aérations bienvenues dans le mur sonique de base. Parce que de la batterie et de la guitare, on en entend. Mais au lieu de tricoter un mur de feedback tous potards à onze, là, ce coup-ci, ça mélodise, ça couplette, ça refraine, ça poppise … sous le gros son, y’a de la chansonnette et de la ritournelle. Des trucs qui peuvent fonctionner dans un club ou dans un stade, avec des chœurs genre tribune de hooligans, comme on en trouvait plein sur le dernier Kills. Des titres simples et directs qui fonctionnent à la première écoute, « Lonely boy », « Sister », classiques évidents. Un pompage éhonté du « Stairway to Heaven » de Led Zep, ça s’appelle « Little black submarines », des choses qui ressemblent à de vieilles ganaches power pop comme les Cars (« Nova Baby ») ou les Romantics (« Mind eraser »). Et puis l’essentiel qui ne doit rien à personne, grattes râpeuses en avant, fracas des toms, arrangements mignons, … Les Black Keys laissent indiscutablement une empreinte sonore qui n’appartient qu’à eux sur ce disque.

Ce « El Camino » va donc cartonner, ça semble inéluctable. Il est fait pour, les rotatives de la presse spécialisée ou pas s’emballent, et le cochon de payant (ou de téléchargeur), semblait n’attendre que ça pour se nettoyer des conduits auditifs encombrés cette année par tout un tas de purges inodores, incolores et sans saveurs (Coldplay, Radiomachin, etc …). Carney et Auerbach vont pouvoir remiser au musée le vieux Dodge de la pochette qui les trimballait avec leur matos de petite salle pourrie en rade minable. Place maintenant aux convois de semi-remorques et de cars Pullman aménagés, et si ça fonctionne bien, pourquoi pas les mini-jets privés pour aller prêcher la bonne parole et relever les compteurs dans les Arenas des cinq continents.

Il n’empêche, il me semble que si les Stooges survivants et quasi-centenaires passaient un mois en studio, ils sortiraient quelque chose qui déchirerait bien plus sa race que cette dernière galette des Black Keys. Mais bon, faute de grives ….

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TOM WAITS - BAD AS ME (2011)


Time Waits for no one ...

Et lui encore moins … Soixante ans et quelque au compteur, intronisé au Rock’n’roll Hall of Fame (le musée Grévin du binaire), et des disques qui depuis sa paire d’as du début des années 80 (« Swordfishtrombones » et « Rain dogs »), se perdaient régulièrement entre auto-parodies et expérimentations cacophoniques. Tom Waits faisait pour moi partie des affaires classées, rubrique des bons vieux souvenirs, le type dont on n’attend plus grand-chose, et encore moins un bon disque … Et pour tout dire, il valait mieux le voir ou le revoir dans des films de Jarmusch ou Altman qu’écouter ses dernières productions.

Et bien, ce « Bad as me », il est très bon. Presque avant même de l’écouter, quand on voit au générique des crédits le vieux pirate Keith R., les vieux potes Ribot et Taylor, le plus tout jeune Hidalgo de feu Los Lobos … pas exactement des perdreaux de l’année, mais ça rappelle plein de bons souvenirs de ses grands disques passés. Et « Chicago », très rock avec riffs de Richards et un sax qui déraille ouvre on ne peut mieux les hostilités. On sent que là ça ne récite pas de la formule, ça ne ronronne pas, les vieux croûtons envoient d’entrée la sauce.

Qu'est-ce que tu dis, Lester ? Que j'ai fait un bon disque ?
Alors on oublie la présence de Flea, certes grand bassiste, mais depuis combien de temps il a pas fait de bon disque avec ses RHCP ? On zappe aussi la présence de Madame Tom Waits, sa Yoko Ono à lui Kathleen Brennan, créditée de la co-écriture de tous les titres (on aimerait vraiment connaître son niveau d’implication, elle nous avait pas habitué à tant de bonnes choses, plutôt marâtre veillant jalousement sur son époux et ses intérêts que grande songwriter, mais bon, passons, …). On oublie deux-trois titres complaisants de remplissage (« Hell broke Luce » ou Waits semble s’intéresser à quelque chose qui ressemble à du doom metal, ce qui lui va aussi bien qu’un bon scénario à Danny Boon, « Kiss me », où le Tom nous refait le coup du pochetron déglinguo de piano-bar qui avait lancé sa carrière dans les années 70 et dont on se fout aujourd’hui).

Mais pour le reste, hats off … ça rocke, ça rolle, ça bluese, ça rythm’n’bluese, ça ballade triste, rien que du bon … Et puis, chose pas entendue depuis … oh, plus que çà, même, Tom Waits chante. Enfin, c’est pas encore Pavarotti, et c’est heureusement tant mieux, mais là, sur ce « Bad as me », il ne se contente pas de marmonner et de bredouiller dans sa barbichette de sa voix tout dans les graves devenue un gimmick, non, il suit la mélodie, fait des efforts pour détacher les syllabes, il chante, tout simplement, et il s’assume me semble t-il comme jamais dans cet exercice… Et du coup, tous ces rocks décharnés, toutes ces ballades concassées de fin de cuite prennent une autre dimension … Et autant qu’un classique sens de la concision retrouvé dans les compositions, cet accompagnement vocal rend ces titres encore plus intéressants.

Des exemples ? « Face the highway », énorme titre d’americana traînante qui à lui seul rend obsolète l’intégrale de Giant Sand, « Bad as me » le morceau-titre, rythm’n’blues baroque et habité qui évoque le grand cintré Screamin’ Jay Hawkins, le méchamment rock « Satisfied » (clin d’œil à un fameux titre cosigné par Keith Richards ?), « Last leaf », la meilleure ballade du disque, très dépouillée et feeling à la tonne, « New Year’s Eve », complainte de fin de réveillon triste …

C’est Noël juste un peu avant l’heure, Tom Waits is alive and well …

Du même sur ce blog :
Closing Time
Nighthawks At The Diner
Asylum Years

M.I.A. - KALA (2007)


Mamma M.I.A. !!!

M.I.A., de son vrai nom Mathangi Arulpragasam, est l’artiste géniale de ce début de millénaire, qui réalise une fusion parfaite de toutes les musiques actuelles et modernes. On ne compte plus les articles et les couvertures de magazine qui lui sont consacrés, les émissions de télévision où elle est invitée, les distinctions et éloges en tous genres qu’elle a reçus de ses pairs …

Comment avait-on pu jusque là vivre et écouter de la musique sans elle ?



Hum …

Bon, on reprend …



M.I.A., c’est pas génial. C’est nul. Très nul, même, tout ce qu’il y a de plus nul. Quelques malentendants l’ont même désignée comme la Björk des années 2000. C’est pas que je veuille défendre le petit boudin islandais, mais elle avait réussi à glisser de bonnes chansons sur de bons disques dans les 90’s. Tandis que l’autre, là ? Que dalle … Enfin, si, les deux seuls titres écoutables si on a vraiment rien de mieux à foutre sont « Jimmy » et « Paper planes ». comme par hasard, deux plus ou moins reprises. La première d’un machin bollywoodien ( bof …), la seconde pompée sur « Straight to hell » des Clash, morceau quelconque originellement chanté ( ? ) par Joe Strummer, extrait d’un disque sans gros intérêt (« Combat rock »).

Hey ! Vous m'avez bien remarquée ?
Mais le reste, putain, c’est quoi ? Une bouillasse de rythmes et de boucles programmés, livrés en version cacophonique, qu’à côté de ça, Guetta c’est Mozart... Comme si des gosses en maternelle jouaient tous ensemble à des jeux électroniques d’éveil musical. De la musique pour QI en voie de développement ou négatif. Et y’a quelques branchouilles, aux Inrocks mais aussi ailleurs, qui trouvent ça furieusement tendance, genre l’innovation sonore que notre pauvre monde qui part en sucette attendait. Comme dirait Cabrel, le Bob Dylan d’Astaffort, faut pas confondre les lumières d’une étoile avec celles d’un réverbère … Parce que elle, la M.I.A., c’est même pas un réverbère, c’est une loupiote falote qui clignote. Et comme la malheureuse ne sait pas vraiment chanter, tellement que comparé à elle Fuckin’ Carla Sarko, c’est Billie Holiday … La M.I.A., elle se contente de rapper, en piquant pas mal de plans à l'antique Neneh Cherry …

Pour se faire remarquer, elle se fringue comme un épouvantail relooké par Castelbajac, et elle met sur la pochette de son Cd des « Fight on ! » en boucle. Tu te bats contre quoi, avec ta toque en simili faux astrakan ? T’es indignée, comme l’autre vieux croûton de Hessel ? C’est quand que tu nous la fais ta révolution ? Elle est en route sur ton Tweeter ?

J’en vois déjà qui se drapent dans une dignité de bon aloi offusquée … comment ça je suis rétrograde, les mödernes branchouilles parlent de chansons, mais putain, est-ce qu’ils ont déjà écouté « Village green » des Kinks ? Oui, les mêmes analphabètes musicaux qui causent de déstructuration iconoclaste de la musique … Ouais, c’est çà, cassez-vous et allez jeter une oreille sur Captain Beefheart, et après on en recausera de votre cataplasme … Et en plus j’allume une femme qui a fait plein de déclarations idéologiquement irréprochables sur son pays d’origine, le Sri Lanka, la guerre civile là-bas, la misère, tout çà … Et c’est pas bien, c’est pas politiquement correct de ma part ? Ben moi je vous dis qu’elle a de la chance, Mathangi Arulpragasam, parce qu’avec un blaze pareil, si au lieu de Londres elle avait choisi de venir en Sarkozye, elle aurait eu droit à un ticket sur un charter de la Guéant Airlines pour retourner fissa dans son bled … Je vais vous dire, moi, où vous pouvez vous la carrer votre moricaude, et …



Quoi, qu’est-ce qu’il veut, l’autre, là, l’infirmier ? Si j’ai pris mes cachets ? Que j’ai intérêt à les prendre, sinon je vais encore m’énerver et que ça va de nouveau être la camisole ?

Bon, OK, cool, envoie-les tes cachetons, et je retourne écouter « I wanna be sedated » des Ramones …


THE KINKS - THINK VISUAL (1987)


Circulez, y'a rien à voir ...

Ray Davies 87, plutôt du côté obscur ...
… et rien de bien intéressant à entendre. Le premier titre de ce disque de la seconde moitié des 80’s donne malheureusement le la pour ce qui va suivre. Il s’appelle « Working at the factory » (comme si Ray Davies savait ce que c’était de travailler à l’usine), c’est une sorte de hard FM tout mou, desservi par la voix en panne de Davies.

Lequel était beaucoup plus connu en ces temps-là pour être le mari de Chrissie Hynde, que pour la qualité des disques de son groupe, orientés vers le marché américain et les tournées des stades du Midwest… Et si tout ce que faisait Ray Davies dans la seconde moitié des 60’s est à prendre les yeux fermés, tout ce qui a suivi était plutôt à prendre avec des pincettes …

Ce « Think visual » est globalement une horreur, rock mollasson FM, avec batteries herculéennes, ridicules power-chords ou chorus de guitares, quelques chœurs féminins vulgaires … Pour situer le niveau, il y a même un atroce reggae (« The video shop »), à faire passer UB40 pour les Wailers…

Seul un titre exceptionnel, égaré au milieu de choses totalement insignifiantes, mérite le détour. Il s’appelle « How are you », est du niveau de ses singles magiques des 60’s, et à lui seul sauve ce mauvais disque du zéro pointé …


Des mêmes sur ce blog :

GENE VINCENT - MISTER GENE VINCENT (1991)


Sur la Highway to Hell ...

Une curiosité … un Cd assez rare, jamais réédité. Paru en 1991 sur un label français (Musidisc), il compile des morceaux provenant pour l’essentiel de séances aux Etats-Unis en 1966.
A cette époque-là, Gene Vincent est carbonisé. Physiquement d’abord. Il traîne de plus en plus la jambe, séquelle d’un accident de moto quand il était adolescent, consomme de plus en plus drogues et alcool, son état de santé devient vraiment préoccupant. Artistiquement ensuite. Il n’a eu qu’un seul vrai grand succès (« Be bop a lula »), a été lâché par sa maison de disques historique Capitol, traîne sur de petits labels, voit son public s’étioler, ne garde plus que quelques fans en Europe, et surtout en France où il est l’objet d’un petit culte, renforcé par un jeu de scène apocalyptique dans ses tenues de cuir noir qui ont marqué tant d’esprits à l’époque …
Gene Vincent dans les 60's : Cuir noir et rock'n'roll attitude
En fait, lors de ses séances américaines, il ne reste plus à Gene Vincent qu’une chose : sa voix. La plus belle voix blanche du rock’n’roll, qui trouve sa plénitude dans le mid-tempo, surclassant même la technicité démonstrative et le pathos outré des Presley et Orbison. Que ce soit dans des choses dans la  lignée se son répertoire traditionnel (le phénoménal « Bird doggin’ », son dernier grand titre, traité soul-rythm’n’blues), la reprise de la scie « Pistol packin’ Mama » ou celles de « I’ve got my eyes on you » ou « Lotta lovin’ ». De bons morceaux par un grand chanteur …
Sauf que … certains des titres figuraient déjà sur la discographie de Gene Vincent. Ce ne sont que de nouvelles versions, qui n’apportent pas grand chose (un plus « gros » son, des arrangements de cuivres, quelques chœurs soul), et les puristes préfèreront à juste titre les enregistrements originaux.
Et puis, à l’écoute sur certains titres, y’a un truc, là … on met le casque, on monte le volume et … des grésillements, des craquements, le retour du bras sur la platine … ils ont osé, ils ont pas recherché les bandes, certains morceaux sont directement repiqués sur le vinyle. Particulièrement flagrant sur « Hi Lili Hi Lo » ou « I’m a lonesome fugitive ». Si l’on ajoute une masterisation et une égalisation plus qu’approximatives, on peut affirmer qu’avec cette compilation, Musidisc a fait un boulot de sagouin, qui frise l’escroquerie pure et simple. De plus, on ne trouve rien sur la date, le lieu et les musiciens des séances, autant de détails qui sont cruciaux quand on met sur le marché des enregistrements peu connus. On doit se contenter d’une notule très wikipédiesque sur Gene Vincent qui n’apprendra rien au simple connaisseur, et encore moins au vrai fan.
Lequel n’aura en définitive qu’une poignée de titres sur lesquels se rabattre : les assez rares « Lonesome boy », « Lady bug » et « Ruby baby », (ce dernier morceau signé Leiber-Stoller). Et surtout une troisième version de « Be bop a Lula », après l’originale de 1956 et la version dite « lente » de 1962. Celle enregistrée lors de ces séances de 1966 est plus lente que l’originale, la voix est plus posée, les arrangements différents, et il me semble qu’elle ne se trouve que sur ce disque … Pas sûr que cet « inédit » pousse grand monde à rechercher ce Cd d’occasion sur les sites web dédiés …
Après ces séances, Gene Vincent va poursuivre son chemin de croix, enregistrant et se produisant sur scène de moins en moins souvent, jusqu’à ce que ses addictions diverses aient raison de lui en 1971…

Du même sur ce blog :
Bluejean Bop !
Be Bop A Lula

IRON MAIDEN - PIECE OF MIND (1983)


Comment creuser sa tombe ...

Fin des années 70, début des années 80, le hard en Angleterre avait tout du cimetière des éléphants. Les deux groupes emblématiques Deep Purple et le Zep finis, pour les amateurs du genre, Iron Maiden avait constitué la solution. Moins mauvais de cette New Wave of British Heavy Metal et pourvus d’un « classique » (« Number of the beast »), les Maiden remettaient le fer sur l’enclume avec ce « Piece of mind ».
Perfecto, cheveux longs et jean moule-burnes ... Iron Maiden 1983
Pas de guitar-hero, des batteurs interchangeables, un chanteur limité (tant qu’il faut hurler, tout va bien, mais s’il faut moduler et s'il y a une mélodie à suivre l’affaire se complique), un bassiste discret (pléonasme) comme leader, Iron Maiden était un groupe compact peu enclin à mettre ses musiciens en avant (le « personnage » le plus connu du groupe est leur zombie-mascotte Eddie).
Tout passait par la musique. Or ici ça coince. Des influences classiques (pourquoi diable tant de métalleux (Blackmore, Malmsteen, liste quasi-infinie) sont-ils fans de Wagner, Beethoven et autres allemands grandiloquents ?), des tentations progressives (l'ombre maléfique de Yes et Genesis plane sur pas mal de titres), « Piece of mind » est finalement pesant et indigeste, car il manque le riff évident, le refrain qui accroche, et surtout le fun et la simplicité.
De plus, en accélérant encore quelquefois le tempo, Maiden va chercher le bâton pour se faire battre par toute une  cohorte de jeunes hardeux (Venom, Slayer, Metallica, …) qui vont bientôt venir occuper le terrain du speed à sa place en bannissant de leurs morceaux toute dérive classique ou progressive.
Avec « Piece of mind », Iron Maiden avait voulu trop bien faire. Ils en ont juste fait trop.
Un groupe pour moi à consommer à dose homéopatique et uniquement en live, où là ils envoient le bois sans trop réfléchir …



MUDHONEY - EVERY GOOD BOY DESERVES FUDGE (1991)


Les Purs

Mudhoney est un peu l’ancêtre de la vague grunge. Ils étaient de Seattle, furent parmi les premiers (une formation embryonnaire du groupe, Green River, est désormais culte car on y trouvait aussi deux futurs Pearl Jam) à faire rugir les guitares, et se retrouvèrent signés sur le label Sub Pop, au départ un minuscule label de Seattle, mais qui peut s’enorgueillir d’avoir compté dans ses rangs Nirvana bien sûr, mais aussi Sebadoh, Soundgarden, Dinosaur Jr, L7, Tad, Screaming Trees, …
Mudhoney ont été des premiers signés chez Sub Pop, leurs premières traces discographiques datent de 1988. Et les quelques rares qui suivaient l’activité du label les citaient comme potentiellement capables d’en être la locomotive. Parce que Mudhoney, c’est du costaud, pas seulement une bande de graisseux qui moulinent du hardcore primitif.
Mudhoney s’entraîne au menuet ... C'est pas gagné ...
Une rythmique technique (ça se contente pas de bastonner, ça swingue et ça pulse), deux leaders naturels, le chanteur Mark Arm et le guitariste Steve Turner. Et tout ce beau monde qui met la main à l’écriture pour un résultat loin d’être le pavé monolithique auquel on pourrait s’attendre. En clair, Mudhoney, malgré les chemises à carreaux, c’est pas des bûcherons, il y a des chansons …
Ce « Every goo boy deserves fudge » est leur second disque et le dernier chez Sub Pop, avant qu’ils quittent  le label indé pour aller végéter chez une major (Reprise), avant de finalement revenir au bercail. Il y a dans la musique de Mudhoney des choses qui viennent des dinosaures hard des seventies, Black Sabbath en particulier.  Particulièrement évident sur l’instrumental qui ouvre le disque, où l’épique « Broken hands », plus long morceau du disque avec sa conclusion en spirale sonique. Des clins d’œil aux précurseurs Hüsker Dü (période finale mélodique) avec « Thorn » ou « Into the drink ». Il y a aussi tous les germes du grunge, avec les couplets lents et les refrains explosifs (le très grand « Let it slide », tout « Nevermind » est en gestation dans ce titre).
Et puis, tout ce qui n’appartient qu’à Mudhoney, ces morceaux j’menfoutistes qui envoient sans prévenir ruades punk (« Who you drivin’ now », « Shoot the moon »), sonorités garage 60’s (« Move on »), metal désossé (« Something so clear »), ou power pop très énervée (« Good enough », « Rockin’ around », cette dernière soutenu par un harmonica peu académique).
Dommage que ce tout de même excellent disque se termine par une paire de titres bourrins et bas du front, qui viennent un peu gâcher la fête.
On pourrait raisonnablement penser que de voir tous leurs amis et leurs semblables surfer sur la vague grunge avec succès pendant que eux restaient dans le domaine du confidentiel, aurait pu avoir raison de Mudhoney. Il n’est en rien. Après avoir mis un temps sa carrière en pointillés, il semblerait que le groupe l’ait réactivée ces dernières années, enchaînant les sorties d’albums …






Mudhoney - Into the Drink
Get More: Mudhoney - Into the Drink

THE THE - INFECTED (1986)


A mettre en quarantaine ...

Il prend l'eau de toutes parts ...
Quand Matt Johnson, un musicien anglais de seconde zone découvre les possibilités de l’informatique et de l’électronique embarqués dans les studios, il monte un concept de groupe fumeux (The The, en fait lui tout seul), passe des mois au milieu de ses machines et sort ensuite des disques pleins du bruit de ces machines.

Empilant les couches de synthés sur une sorte de bousin rythmique vaguement dansant, The The accouche d’indigestes pièces montées sonores, aussi vaines que grandiloquentes. Et pour être respectable voire respecté, le tout est accompagné de textes « engagés » contre la guerre (mais au fait vous en connaissez des chanteurs pro-guerre ?), le gouvernement de Maggie Thatcher (pas difficile, la Dame de Fer fut le dirigeant anglais le plus détesté du siècle passé), et autres problèmes de « société ».

Ah, et il y avait aussi dans les chœurs la « star » Neneh Cherry. En fait de star, quand « Infected » est sorti en 1986, le seul titre de gloire de Neneh Cherry avait été d’être la chanteuse éphémère des non moins éphémères Rip Rig & Panic (ses premiers succès en solo datent de 1988).

« Infected » … Pour moi ce titre est trop long. Il y a deux lettres de trop.


BEACH BOYS - SUNFLOWER (1970)


Une petite éclaircie ...

Depuis « Pet sounds », le fan des Beach Boys guette de la part du groupe ou de Brian Wilson le disque qui égalerait leur chef-d’œuvre. En oubliant qu’un chef d’œuvre est inégalable. Alors les fans qui par définition ne sont pas très lucides, ont hurlé au loup à la parution du « Smile » de Brian Wilson (une mignonne fumisterie, mais une fumisterie quand même), alors que le coup de maître du Beach Boy calciné par l’acide est le « Brian Wilson » de 1988. Les mêmes fans parlent avec des trémolos dans la voix de ce « Sunflower », certains allant même jusqu’à y voir le digne successeur de « Pet sounds ». Encore raté. Leur dernier grand disque, c’est celui d’après, « Surf’s up », certes atypique, mais bon et grand disque.
Les Professeur Tournesol ?
Ce « Sunflower » est trop souvent surestimé, le « retour » de Brian Wilson augurant monts et merveilles … qui sont loin d’être toujours au rendez-vous. Quand même mieux que les productions précédentes, tous ces « Wild honey », « Friends », « 20/20 » passés dans les oubliettes de l’Histoire. « Sunflower » a été un gros succès commercial … en Angleterre, et un bide partout ailleurs. C’est vrai qu’à bien des égards c’est un album « anglais », qui délaisse tous les aspects rock’n’roll et surf music pour se cantonner essentiellement sur le format pop. De la pop baroque et surproduite, un « gros son » plein d’arrangements sophistiqués, empilant par-dessus les habituelles harmonies vocales pléthore de cordes, cuivres, bizarreries sonores et effets stéréo divers. Brian Wilson a pour la première fois depuis « Pet sounds » vraiment participé, tant à l’écriture, mais surtout à la production, ce qui explique sans doute ce foisonnement …
La seule chose qui fasse vraiment défaut, ce sont les chansons, je veux dire les grandes chansons qu’on est en droit d’attendre des Beach Boys. Les meilleurs titres se suivent sur ce qui était le début de la face B du 33T original. « Tears in the morning », signée par l’inattendu (à ce niveau) Bruce Johnston  est pour moi le « A whiter shade pale » des Beach Boys, (c’est un compliment). « All I wanna do », fragile et bancal, est pour ces raisons le titre le plus attachant du disque, « Forever » montre que les Beatles (et pour celle-ci les compos de George Harrison) sont toujours une référence pour les Boys, et qu’ils ont bien raison ; quant à « Our sweet love », il ne lui manque que les arrangeemnts aériens de Van Dyke Parks pour soutenir la comparaison avec les morceaux de l’époque « Pet sounds » …
Pour le reste, ma foi, on est loin d’atteindre les sommets, et on sent des gars un peu perdus face aux mutations du rock qui s’enchaînent depuis quelques années à une vitesse qu’ils sont incapables de suivre. Quel est l’intérêt de traiter des compositions façon rythm’n’blues (« Got to know a woman », « It’s about time »). Les Beach Boys sont faits pour le rythm’n’blues comme Nadine Morano pour la lecture de Kant … La naïveté adolescente de « Deirdre » fait un peu sourire par son anachronisme, la planerie hippie « Cool, cool water », c’est l’hydrocution puis la noyade dans un trip de baba-cool, ce que les Beach Boys n’ont jamais été … Quelques titres alimentent une forme de nostalgia, on jurerait que « This whole world » a été écrit en 1965, alors que « Add some music to your day » sunshine pop à la Mamas & Papas, aurait pu faire le bonheur des juke-box de 1967 …
Non, en fait, la seule bonne chose avec ce « Sunflower », c’est qu’il est depuis une dizaine d’années couplé dans les rééditions avec « Surf’s up », le vrai chant du cygne des Beach Boys …

Des mêmes sur ce blog :